Séance du premier mars 1962
Je constate qu'il ne s'offre aujourd'hui que deux solutions pour moi, soit : rejeter définitivement le monde et les hommes avec la violence forcenée qui m'a caractérisé durant tant d'années, et d'assumer mon rôle de « poète maudit » jusqu'en ses plus extrêmes conséquences, c'est à dire de continuer à vivre dans la solitude, la maladie et le désespoir, pour sans doute aboutir au suicide, soit deuxième solution : essayer au prix d'un long et acharné travail de rétablir un certain équilibre, en fonction de mes exigences et de la réalité quotidienne sous tous ses aspects. Il faut que cet équilibre suppose d'une part, un accord entre moi et la réalité (fonction sociale) d'autre part, qu'il ne m'oblige pas à renoncer aux exigences profondes de mon être.
dans la poussière
j'écris ton nom
mon beau désastre
mon précipice
ma route défoncée
dans une cavalcade
de désirs inassouvis
Francis GIAUQUE – Son destin de suicidé : témoignage d’un ami (France Culture, 1985)
Un extrait de l’émission « Nuits magnétiques » diffusée le 5 juillet 1985 sur France Culture. À l’occasion d’une série consacrée au Jura suisse, un entretien d’Hughes Richard, fidèle ami, éclaire le destin tragique du poète.