AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Sachenka


Alors que L'immoraliste présentait un personnage désoeuvré et égoïste, La porte étroite nous fait voir tout le contraire. Moi, je l'ai trouvé assez joli. Quelque chose d'idylique, de bucolique se dégage dès le début. Cette évocation des années de jeunesse, le domaine de Fongueusemare, aux environs du Havre, la description de la nature (ce jardin, ces arbres, cette allée riante de fleurs, ce mur avec une petite porte à secret, l'horizon…) et ces personnages aux sentiments d'une pureté rare. le narrateur Jérôme se lie d'amitié avec son cousin Robert, puis avec ses deux soeurs Alissa et Juliette, toujours là à les suivre. Puis ils grandissent… l'amitié se transforme en amour. Malgré ces qualités magnifiques, le cadre tend parfois vers l'opposé, on y retrouve un je-ne-sais-quoi, on y étouffe entre ces trois-quatre personnages. Tout comme eux, on y est confiné. C'est quasiment un huis-clos, malgré les beaux paysages à n'en plus finir et les déplacements vers la capitale. Et c'est bien, ça évite de tomber dans les mièvreries et le sentimentalisme à l'eau de rose. Et c'est sans oublier l'univers protestant dans lequel ils évoluent, cette austérité, cette rigueur, cette ferveur religieuse troublantes pour le lecteur. Pas de doute, c'est bien du André Gide.

La relation entre Jérôme, et Alissa s'épanouit dans une ferveur religieuse partagée. (Un amour spirituel ?) Toutefois, la jeune soeur d'Alissa, Juliette, aime également Jérôme. Ce triangle amoureux trouve plusieurs dénouements qui se déclinent en une multitude de malentendus. D'abord, Alissa reporte à plusieurs reprises son mariage. Moi, à la place de Jérôme, j'aurais eu des doutes et au lieu d'accepter bêtement les reports, j'aurais exigé des explications. Mais bon, parfois, parfois on est mieux avec ses illusions. Puis, Juliette, dans un élan de d'amour ultime, épouse un autre homme qui ne lui plait pas vraiment. En effet, la meilleure preuve d'amour n'est-elle pas le sacrifice ? Et Alissa, se sent-elle coupable de laisser sa soeur se renoncer ainsi, par dévouement ? C'est là que l'histoire de la porte étroite se trouble vraiment, qu'on assiste à des conflits de valeurs mais ils sont rapidement balayés par les personnages. Au lecteur d'essayer de régler tout ça dans sa tête.

Malgré le sacrifice de Juliette, la situation de Jérôme et Alissa s'améliore à peine. Leurs retrouvailles semblent maladroites et les malentendus se multiplient. Plus rien n'est pareil. Puis, dans sa ferveur religieuse, Alissa décide de mettre fin au mariage définitivement. Avec tous les sentiments contradictoires qui l'habitent, elle croit que l'amour pur auquel elle aspire est impossible, que le bonheur terrestre n'est pas pour elle. Cette ferveur religieuse est troublante. Ça devient du mysticisme. À la fin du roman, la dernière partie consiste en le journal intime de la jeune femme. Elle a cherché dans les saintes écritures une justification à sa conduite et se conforme à un idéal difficile à accepter ou comprendre pour un Nord-Américain moderne. Mais, puisqu'il s'agit d'un journal intime, peut-on croire tout ce qu'elle y a écrit ? La même chose peut être dite de la narration de Jérôme. Était-il possible qu'il ne puisse avoir aucun doute quant à l'attitude d'Alissa ? D'être à ce point aveugle ? À moins qu'il ne s'agisse d'aveuglement volontaire ? Quelle est la vérité ? André Gide est manifestement très doué pour susciter la réflexion et la controverse.
Commenter  J’apprécie          625



Ont apprécié cette critique (43)voir plus




{* *}