J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans
Un gros meuble à tiroirs
Cache moins de secrets que mon triste cerveau
C'est une pyramide, un immense caveau
Qui contient plus de morts que la fosse commune
Je suis un cimetière abhorré de la lune
Où comme des remords se traînent de longs vers
Qui s'acharnent toujours sur mes morts les plus chers
Baudelaire, Les fleurs du mal (Spleen)
Il me semble parfois que mon sang coule à flots,
Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots.
Je l'entends bien qui coule avec un long murmure,
Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.
Les Fleurs du mal, CXIII,
"La fontaine de sang"
Une femme, c’est délicat, c’est précieux. Ce n’est ni un jouet, ni une chose.
(...)
Une femme, il faut la respecter. Toujours. Si tu n’y arrives pas autrement, c’est que tu as un sérieux problème, mon garçon.
(...)
Un homme, ce n’est pas un gros con qui maltraite une fille ! C’est tout le contraire.
En définitive, ce n’est pas la mort qui enchaîne. C’est la vie.
Avec toutes ses contraintes absurdes, ces choses que l’on s’impose à soi-même ; ces barrières que l’on érige patiemment autour de soi. Par obligation, par peur, bêtise ou convenance. Par habitude ou par pudeur.
On participe à construire sa prison, dorée ou pas, barreau après barreau. Et même si on dispose des clefs, rester à l’intérieur pour y périr lentement…
- Voler ! Un jour, il m'a vendu à un mec qui cherchait des enfants pour partir en France.
- Vendu ? Mais...
Là, Paul se met à rire de la naïveté de son compagnon.
- Oui, François ! On vend et on achète des gens comme toi tu achètes des clopes...Y a même des marchés pour ça !
Devant le miroir de la salle de bains, il s’éternise s’observant de longues minutes. Etrange de rajeunir quand on va mourir. Etrange de se sentir libre quand on est condamné.
On peut partager sa vie, pas sa mort.
- T'es plus vieux que mon père.
- Quel tact !
- Désolé, je voulais pas te vexer... On a l'âge qu'on a, de toute façon.
C'est certain. Et puis maintenant, l'âge n'a plus d'importance. Au moins, François ne se verra pas vieillir. Une grande angoisse qui l'a poursuivi ces dix dernières années. Vieillir, devenir impotent, dépendant, inutile... Improductif. Incontinent. Impuissant... Tous ces préjugés-clichés liés à l'âge, matraqués par la société de consommation, histoire de fourguer camelotes en tout genre, de la crème antirides à la convention obsèques.
" Tu vois, Petit, Satan était un ange ... Et il le redeviendra.
Je suis un prophète. Qui annonce mort et destruction.
Je suis la main de Satan et rien d'autre.
Mais quand j'aurai traversé l'enfer d'une vie, je redeviendrai l'enfant que j'étais.
Je redeviendrais un ange. "
François aussi aimerait partir loin. Mais loin de quoi? Même à l'autre bout de la Terre, il sera près de la mort.