Alice est une jeune fille rebelle anorexique. Mattia est un jeune garçon avec un fort QI mais qui vit dans sa bulle. Tous deux marginaux, ils finissent par se rencontrer et se retrouver un peu dans la solitude de l'autre. Tout les lie et les délie, mais jusqu'à quel point ?
Déçue de A à Z. Pourtant lauréat du prix Strega (l'équivalent du Goncourt en Italie),
Paolo Giordano nous livre une histoire triste mais avec peu de nuances, sans réel relief, trop plat pour générer un quelconque embrasement, une quelconque reconnaissance littéraire. Je ne comprends vraiment pas ce qui a motivé les membres du jury à le distinguer des autres auteurs en lice.
Tout d'abord les personnages ne sont vraiment pas attachants. le jeune et moins jeune Mattia, féru des mathématiques, se voit décrit à travers des pensées presque exclusivement basées sur les sciences, comme pour marquer son détachement de la réflexion d'autrui, accentuer son fonctionnement unique. Sauf qu'après avoir lu "
Le Bizarre incident du chien pendant la nuit", les descriptions et analyses de choses et évènements banals au travers de théorèmes et calculs binaires de Giordano me paraissent d'une platitude extrême. Sans faire de son personnage un autiste, comme
Haddon, Giordano manque de sensibilité sur ce trait de caractère qui a pourtant un vrai potentiel de développement. On reste insensible face à l'usage qu'en a fait l'auteur.
Quant à Alice, je me demande encore comment elle a fait pour survivre aussi longtemps en ne mangeant qu'un bout de salade à tous les repas. Si on est plus touché par l'expérience de ce personnage-là, le traitement de son anorexie reste toutefois assez flou. C'est d'ailleurs un point stylistique qui m'a beaucoup gênée à la lecture, car l'auteur fait l'impasse sur de nombreux détails, voire même de nombreux évènements qui expliqueraient telle ou telle chose. Je pense notamment à l'intrigue sur la disparition de la soeur de Mattia, Michela, laquelle trouve une sortie des plus insatisfaisantes.
La relation des deux jeunes gens ne mène nulle part, aussi bien pour eux que pour nous, lecteurs. La fin nous révèle même qu'il n'y a pas eu grand intérêt à lire ce livre ! On vit comme une tranche de vie, comme si on regardait une télé-réalité qui ne sert à rien, le genre de reportage sur des inconnus qui ne nous avance à rien, nous télespectateurs...
La différence de culture entre la France et l'Italie lors d'un chapitre soulève un sentiment étrange : ce moment où Mattia passe sa soutenance de Maîtrise comme s'il soutenait sa thèse, recevant son diplôme avant même la fin de la journée et étant proclamé, 4 ans après l'équivalent du Bac, professeur en université !! Jusqu'en 2001 où le pays passe au système LMD, on obtenait en Italie le statut de "docteur" après la Maîtrise, Mattia passant la sienne en 1998. Là, pour qui est en thèse comme moi et pour ces professeurs en université qui ont dû attendre plusieurs années en poste d'ATER après avoir passé l'AGREG peut-être à plusieurs reprises ou fait un doctorat, et qui doivent patienter pour obtenir un poste de maître de conférence, on crit limite au scandale et à l'injustice dans cette Europe qui se veut unitaire !! Bref, trêve de digressions...
Je terminerai en mentionnant une erreur de débutant de la part de la traductrice (qui ne débute pas, pour la petite histoire), avec ce nouveau jeu que l'on découvre visiblement en même temps qu'elle : "Devoir ou vérité ?". Je me demande encore comment elle ne s'est pas fait allumer par les relecteurs du Seuil, premier éditeur...
Lien :
http://livriotheque.free.fr/..