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EAN : 9782234004627
260 pages
Stock (30/11/-1)
4/5   3 notes
Résumé :
Homme d'état sans état. Nahum Golmann tient à cette définition qui illustre bien le paradoxe de sa propre vie. Actuellement président du Congrès Juif Mondial, il a représenté les intérêts du peuple juif dans toutes les circonstances de sa tragique histoire moderne. Au fil des pages du Paradoxe juif, défilent des interlocuteurs qui s'appellent Mussolini, Ciano, Louis Barthou, Roosevelt, Harry Truman, David Ben Gourion, Konrad Adenauer, Willy Brandt, Henri Kissinger, ... >Voir plus
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« Je ne comprends pas ton optimisme », me déclara Ben Gourion. « Pourquoi les Arabes feraient-ils la paix? Si j’étais, moi, un leader arabe, jamais je ne signerais avec Israël. C’est normal : nous avons pris leur pays. Certes, Dieu nous l’a promis, mais en quoi cela peut-il les intéresser ? Notre Dieu n’est pas le leur. Nous sommes originaires d’Israël, c’est vrai, mais il y a de cela deux mille ans : en quoi cela les concerne-t-il ? Il y a eu l’antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce leur faute? Ils ne voient qu’une chose : nous sommes venus et nous avons volé leur pays. Pourquoi l’accepteraient-ils ? Ils oublieront peut-être dans une ou deux générations, mais, pour l’instant, il n’y a aucune chance. Alors, c’est simple : nous devons rester forts, avoir une armée puissante. Toute la politique est là. Autrement, les Arabes nous détruiront. » J’étais bouleversé par ce pessimisme, mais il poursuivit : « J’aurai bientôt soixante-dix ans. Eh bien, Nahum, me demanderais-tu si je mourrai et si je serai enterré dans un État juif que je te répondrais oui : dans dix ans, dans quinze ans, je crois qu’il y aura encore un État juif. Mais si tu me demandes si mon fils Amos, qui aura cinquante ans à la fin de l’année, a des chances de mourir et d’être enterré dans un Etat juif, je te répondrais : cinquante pour cent. » Mais enfin, l’interrompis-je, comment peux-tu dormir avec l’idée d’une telle perspective tout en étant Premier ministre d’Israël ? « Qui te dit que je dors ? » répondit-il simplement.
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Les Juifs sont le peuple le plus séparatiste du monde. Leur foi en la notion de peuple élu est la base de toute leur religion. Au long des siècles, les Juifs ont intensifié leur séparation du monde non-juif ; ils ont rejeté, et rejettent encore, les mariages mixtes ; ils ont élevé un mur après l’autre pour protéger leur existence « à part », et ont eux-mêmes construit leur ghetto : leur chtetel (la petite ville) dans l’Europe de l’Est, le mellah au Maroc. En revanche, ils constituent le peuple le plus universaliste du monde, sur le plan de la religion : l’idée grandiose, presque inconcevable, d’un seul Dieu pour l’humanité tout entière, est la création géniale du judaïsme. Aucun autre peuple n’avait eu le courage et la hardiesse d’esprit de concevoir cette notion révolutionnaire. Les penseurs d’aucune autre religion n’ont proclamé avec une telle passion l’égalité de toutes les races et de toutes les couches sociales, du maître et de l’esclave, du riche et du pauvre, devant Dieu.

Enfin, si le peuple juif a toujours cru à sa supériorité (exprimée dans la forme classique du « peuple élu »), je ne connais aucune communauté aussi férocement autocritique : qu’on se souvienne des malédictions prononcées par Moïse à l’encontre du peuple après l’incident du veau d’or, et des prises de position de certains dirigeants récents ou actuels, tels Weininger et Tucholsky ; on ne trouverait pas ailleurs que chez nous de ces véritables « antisémites juifs » — pour employer une définition paradoxale.

Je citerai une dernière preuve du caractère unique du peuple juif, en prenant pour exemple les grands hommes d’État juifs agissant, après l’émancipation, au sein d’autres peuples. Même s’ils ne veulent pas l’admettre, il subsiste toujours en eux une question de double allégeance. J’ai eu le privilège de connaître personnellement plusieurs hommes d’État juifs, comme Léon Blum, Henry Kissinger, Pierre Mendès France, Bruno Kreisky et d’autres, et, bien qu’ils soient de parfaits patriotes dans leurs pays respectifs, je suis sûr que leur appartenance juive les fait s’interroger, ne fût-ce qu’inconsciemment. Disraëli lui-même, juif d’origine, baptisé tout enfant, qui fut le véritable créateur de l’Empire britannique du XIXe siècle, admettait avec quelque grandeur que le problème juif existait pour lui, et il le manifesta dans ses romans et dans ses actes. (pp. 16-17)
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Les Arabes ont, eux, la même mémoire historique que les Juifs. La race sémite est très entêtée et n’oublie rien.

Lors d’un grand meeting à Sydney, en Australie, j’ai dit que le malheur d’Israël était d’avoir pour adversaires les Arabes et non plus les Anglais. En effet, les Anglais ont le génie de l’oubli ; en l’espace d’une génération, ils ont perdu le plus grand empire du monde et, malgré cela, ils sont très heureux : le plus grand souci populaire fut longtemps de savoir qui épousera la princesse... Imaginez-vous les Juifs dans cette situation ? Il y a deux mille ans, le temple de Jérusalem fut détruit et, chaque année, pour commémorer cette destruction, nous observons un jour de jeûne. Si nous avions perdu un empire équivalant à celui des Anglais, nous devrions jeûner deux fois par semaine pendant vingt siècles !

Et les Arabes sont comme nous. C’est une idée tout à fait naïve de croire qu’ils finiront par oublier notre présence en Palestine, qu’ils se feront une raison de notre occupation du Golan ou du Sinaï. Ils ont prouvé qu’ils poursuivraient la guerre jusqu’à ce qu’ils obtiennent leurs territoires. Aussi toute cette politique des faits accomplis représente-t-elle un énorme gaspillage. Combien de centaines de millions de dollars Israël a-t-il dispensé pour la ligne Bar Lev, sur le canal de Suez, qui a été enfoncée en quelques heures ? Combien de villages crée-t-on qu’il faudra anéantir un jour ?
(...)
Quant à la bande de Gaza elle-même, il faut la rendre. Soit à la Jordanie, soit à un État palestinien, s’il s’en crée un, avec, dans tous les cas, un « corridor » vers Gaza dont le traité de paix ferait un port libre. Les Arabes de Gaza pourraient travailler en Israël s’ils le souhaitaient, et leur venue quotidienne réduirait l’hostilité entre les parties.

A ceux qui me traitent de rêveur quand j’expose ce projet, je réponds que, si l’on ne croit pas pouvoir réduire un jour l’hostilité des Arabes, mieux vaut liquider tout de suite Israël pour sauver les millions de Juifs qui y vivent. Je suis radical sur ce point: il n’y a aucun espoir pour un État juif qui devrait lutter encore cinquante ans contre des ennemis arabes. Quel sera leur nombre dans un demi-siècle ? (pp. 240-242)
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L’un de mes amis est Roger Garaudy, dont j’estime beaucoup le courage et la liberté d’opinion. Invité à prononcer un cycle de conférences à l’université Al-Ahzar du Caire sur les rapports entre le socialisme moderne et la religion, ce qui constitue son sujet préféré, il fut convié à dîner par Nasser et passa quatre heures en conversation avec lui. Garaudy remarqua que le Raïs était plus familiarisé avec les questions juives et sionistes que certains leaders israéliens eux-mêmes.

« Je désire la paix, lui dit Nasser, car je sais que, de mon vivant au moins, nous ne pourrons pas détruire Israël. Mon grand but est de construire une Egypte moderne et socialiste et d’unifier le monde arabe. Pour y parvenir, il faut résoudre le problème israélien, non en supprimant, mais en acceptant Israël.

— Si vous signez la paix, demanda Garaudy, sera-ce une véritable paix, comportant la liberté de voyages et de communication, des traités de commerce et une coopération ?

Et Nasser, qui ne manquait ni d’humour ni de charme, lui répondit : « Bien entendu ; seulement j’aurai un grand souci : chaque dimanche les israéliens viendront par milliers à Port-Saïd, ils videront les magasins et nous devrons reconstituer nos stocks tous les lundis ! »

Mais la réalité actuelle nous éloigne chaque jour de cette solution. J’ai souvent critiqué publiquement la politique économique sioniste. Dès la première heure, le gouvernement de Jérusalem aurait dû faire participer les Arabes d’Israël aux entreprises économiques. On a créé des banques : pourquoi ne pas accorder 30 % des parts aux Arabes ? On a créé des grandes industries : pourquoi ne pas les y intéresser ? Les Juifs, comme tout le monde, n’aiment pas donner quelque chose pour rien, et c’est un réflexe bien humain. Le slogan « Un travail juif pour créer un Etat juif » a permis de revaloriser les activités agricoles et manuelles en Israël, ce qui est excellent, mais a écarté les Arabes du développement de la Palestine. Le grand tort des sionistes a été de vouloir accaparer tous les postes de commande.

Imaginons pourtant la combinaison du talent financier et commercial des Juifs avec les milliards des Arabes ! Le Proche-Orient pourrait devenir une des régions les plus riches du monde. Décidément, nous avons fait fausse route depuis le début et nous n’avons pas assez écouté les mises en garde d’une minorité sioniste clairvoyante (les Buber, les Kalvariski, les Arlosorof, etc.) qui avait pressenti la mauvaise manœuvre. Je répète souvent que, si nous avions investi 20 % de l’énergie que nous avons dépensée pour influencer les gouvernements d’Angleterre, d’Amérique, d’Allemagne et de France, pour influencer plutôt les Arabes, il n’y aurait pas eu de guerre. Mais nous nous sommes dit : « Quelle importance ont ces Bédouins ? Mieux vaut convaincre Balfour, Wilson et Roosevelt. » C’est une erreur coûteuse. (pp. 245-247)
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La puissance de chaque État s’accroît de façon terrible ; c’est pourquoi je suis l’adversaire acharné de la notion d’État et, surtout, de sa conception moderne. Dans le passé, ce n’était pas l’État qui dominait la vie des citoyens, mais la religion. Elle pouvait être cruelle et brutale, mais au moins, elle avait une certaine légitimité morale ; quand elle tuait des gens, c’était au nom de la foi en Dieu. Aujourd’hui, on tue pour les grandes banques, pour les industriels de l’armement et pour l’extension du pouvoir de l’État.

Mon idéal est que l’État devienne un simple instrument, un outil. Malheureusement, il est difficile de se débarrasser de lui, car la vie moderne est devenue trop complexe pour les citoyens. Les communications, les équipements collectifs, tout cela ne peut être conçu et réalisé que par un État centralisé. Les petits cantons qui vivent à l’écart ne peuvent atteindre aux réalisations techniques sophistiquées. Revers de la médaille : plus l’État se centralise, moins s’exprime la démocratie.

La démocratie américaine en porte surtout le nom — pas seulement parce que Johnson était un névrotique et Nixon un criminel, mais par la nature des choses. L’Amérique de Jefferson était peut-être une démocratie, comme l’est aujourd’hui la Suisse à cause de ses multiples cantons. Dans une petite province, on peut faire des plébiscites, mais, dans un pays de deux ou trois cents millions d’habitants, où les pouvoirs sont concentrés dans une capitale pour gérer aussi bien les problèmes militaires que les problèmes sociaux, à quoi cela rime-t-il ? (pp. 129-130)
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