Les faits les plus incroyables, les situations les plus excentriques sont toujours issues du réel. L'imagination sans limite d'un talentueux auteur n'atteindra jamais l'inconcevable de la réalité.
Laurent Gounelle, le spécialiste du développement personnel (autrement dit : écouter son corps et prendre soin de son âme), se fend d'un roman sur l'intuition. A la manière d'un polar (poursuite d'un gaillard qui fait tomber les tours des grandes villes américaines), on croise un service de la NSA (les renseignements généraux au pays de l'oncle Sam) spécialisé dans les techniques un peu « borderline ». Ainsi le projet Star Gate. Classé secret défense (donc quelque chose dont on ne saura jamais RIEN) et officiellement abandonné avec la fin de la guerre froide. Les américains sont coutumiers des plus hallucinantes expériences, bien réelles ou faisant partie des légendes urbaines : enlèvements extraterrestres, mise en scène de l'alunissage, fausse mort de Marilyn ou d'Elvis…
Seulement voilà. L'intuition, ça existe bel et bien. Je ne parle pas des rares moments où hasards et coïncidences s'allient pour troubler votre entendement. Exemple parmi d'autres : vous pensez à un lointain cousin, vu une seule fois dans votre vie et qui n'a aucune raison de se manifester. le téléphone sonne aussitôt. Il est au bout du fil.
Il y a aussi les cas des gagnants du Loto. Forcément, cocher six bons numéros sur cinquante, ça peut paraitre insolite. Au niveau d'une personne, ça l'est forcément. Maintenant, si on répète l'opération dix millions de fois, ça entre dans les lois des probabilités et c'est tout de suite plus acceptable par notre cerveau cartésien.
Gounelle lui-même s'est prêté au jeu de la technique intuitive. Apparemment, c'est troubla nt. Je veux bien. Mais tout réside dans l'interprétation, un peu comme ces voyants qui vous font des révélations troublantes. Je veux parler des bons, pas des charlatans. En fait, ils sont davantage de fins psychologues qu'animés de flashs, de transes et de visions. Tout est affaire d'observation et, ensuite, de rester sur des généralités qui peuvent s'interpréter d'une multitude de façons.
En fait, ce qui m'a intéressé dans ce livre sur l'intuition (y compris pour des événements n'ayant pas encore eu lieu), c'est justement cette interprétation. C'est peut-être la clé pour vivre enfin en harmonie avec soi-même et avec les autres.
Notre cerveau ne peut s'empêcher de cogiter. Il n'arrête pas une seconde, même dans nos rêves – sauf que là, il ne maitrise plus rien et c'est peut-être le seul moment où nous sommes lucides justement, débarrassé de mises au point, d'interprétations qui parasitent notre entendement.
N'importe quelle scène se déroulant devant nos yeux est automatiquement traduite et comparée à notre base de données (notre mémoire), passée au crible de nos convictions, de nos croyances. Les discours que nous entendons sont déformés : on ne peut s'empêcher d'écouter entre les lignes. Je ne parle même pas de nos sens que notre cerveau a tôt faits de travestir (ces fameuses illusions d'optique).
Alors, le héros du bouquin est peut-être un intuitif né, mais il est surtout prisonnier de ses propres interprétations de son environnement. Comme nous tous, il ne sait pas ressentir. Il réfléchit trop, à tout bout de champ.
Combien de relations amoureuses partent à l'eau à cause d'une mauvaise communication, voire pas de communication du tout ? Pour toujours chercher midi à quatorze heures ?
Alors, avant de penser à utiliser notre intuition dans notre vie personnelle (ou professionnelle), il serait bon de savoir observer le monde qui nous entoure sans y coller automatiquement une étiquette. Et de commencer peut-être par nos enfants : arrêtons de les bombarder d'activités physiques et culturelles, artistiques et sportives sous prétexte d'occuper leur cerveau, de les sociabiliser. Ils deviennent trop occupés, n'ayant plus une seule seconde pour respirer, se détendre, simplement observer, rêver, imaginer. Avez-vous remarqué que les enfants du XXIème siècle sont plus délurés, plus à l'aise, moins timides et réservés que nous, vieux croulants nés au siècle dernier ? Et, franchement, je ne sais pas si c'est une bonne chose.