Le Vent dans les saules

Le voyage, le changement, des spectacles intéressants et stimulants ! Le monde entier à votre portée, un horizon qui change sans cesse !

Et qu'est-ce qu'il y a de l'autre côté ? demanda Taupe en désignant de la patte un terrain boisé.
Au-delà du Bois Sauvage commence le Vaste Monde, dit Rat.

Seigneur ! Quel bon temps nous avons passé ensemble, la rivière et moi !

Bricoler, patauger, ça n'a pas d'importance, semble-t-il, c'est ce qui fait le charme de cette vie.

Cela avait été un chapitre si dense, en y repensant ! Rempli de multiples illustrations aux couleurs très vives ! La rivière n'avait cessé de se donner en spectacle, se dévoilant dans des saynètes qui se succédaient les unes aux autres dans une majestueuse procession. La salicaire pourpre était arrivée précocement, secouant ses boucles luxuriantes le long du miroir de l'eau qui renvoyait une image riante. Lui succéda bientôt le tendre et rêveur épilobe, semblable à un nuage rose au couchant. La consoude, qu'elle fût mauve ou blanche, grimpait pour prendre sa place au premier rang; et enfin, un matin, le timide et tardif rosier des chiens monta délicatement sur scène, et l'on sut alors, comme si un orchestre à cordes l'avait annoncé à grand renfort de chœur majestueux se laissant aller à une gavotte, que le mois de juin était enfin là.

Il s'agit là du dernier et du plus beau don que le gentil demi-dieu prend soin d'offrir à ceux auxquels il est apparu pour leur venir en aide : le don de l'oubli. Pour éviter qu'un souvenir formidable demeure, grandisse et l'emporte sur la joie et le plaisir, que les tréfonds de la mémoire ne viennent détruire la vie d'après de ces petits animaux dont les difficultés ont été résolues, et afin qu'ils soient heureux et insouciants comme avant.

Le pauvre Ratty fit de son mieux pour expliquer progressivement les choses ; mais comment pouvait-il mettre froidement en mots une expérience essentiellement fondée sur la suggestion ? Comment faire revivre pour quelqu'un d'autre les voix obsédantes de la mer qui lui avaient chanté à l'oreille, comment reproduire de seconde main la magie des centaines de réminiscences du Navigateur ? Même pour lui, maintenant que le charme était rompu et que l'aura avait disparu, il était difficile d'expliquer ce qui, quelques heures plus tôt, lui avait semblé relever de l'évidence absolue.

- Derrière la forêt sauvage, il y a le vaste monde, dit le rat. Et il ne nous regarde pas, ni toi, ni moi non plus. Je n'y suis jamais allé, et je n'irai pas, et toi non plus, si tu as un peu de raison.

La grand route, la chaussée poudreuse, la lande, les haies, les prés communaux, les collines onduleuses, les campements, les villages, les villes, les cités !

Quatre Mousquetaires pantouflards lancés bien imprudemment sur les routes du vaste monde (préface)