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Critique de coincescheznous


Écrivain majeur du XXe siècle, Julien Green fait partie du cercle très fermé des romanciers à être entrés de leur vivant dans la mythique Pléiade. Il n'a pourtant pas aujourd'hui la notoriété qu'il mérite auprès du grand public. Bien sûr, on cite encore régulièrement son Journal, mais son travail romanesque semble, quant à lui, un peu plus oublié. Cela est vraiment injuste et je suis heureux avec mes petits moyens d'ajouter mon caillou à l'édifice de sa notoriété contemporaine, tant j'ai adoré certains de ses romans (Léviathan, Si j'étais vous, Adrienne Mesurat) que je ne saurais que trop vous conseiller.
Je n'avais pas lu Green depuis une bonne dizaine d'années et j'ai pris un plaisir immense à retrouver sa plume classique et racée, héritière des grands maîtres du naturalisme, ainsi que le parfum déconcertant de ses récits. Fervent catholique et homosexuel à une époque où ces deux termes se heurtaient encore (hélas) violemment, son oeuvre travaille la question de la culpabilité et de la monstruosité qui résident en chacun de nous.
Publié en 1936, Minuit débute par le suicide d'une femme désespérée de voir son amant la quitter. Cette femme laisse derrière elle une jeune enfant, Élisabeth, qui va être dans un premier temps recueillie par ses tantes. Loin d'être chaleureuses et aimantes, elles n'ont pour elle aucune empathie et la considèrent comme un poids qui vient renforcer la pénibilité de leurs existences étriquées et malheureuses. La jeune fille va s'enfuir et être recueillie par un personnage bouffon mais au grand coeur. Puis son père va la récupérer et l'emmener dans une propriété où vit une étrange communauté…
Julien Green écrit des histoires terribles peuplées de monstres, qui flirtent avec l'onirisme et la folie. Elles sont empreintes d'une profonde étrangeté et n'hésitent pas à s'aventurer vers le conte bizarre. Sa plume précise, élégante et tranchante, y décrit avec une acuité impressionnante une humanité écartelée entre le bien et le mal et qui perd petit à petit les pédales.
Minuit rentre parfaitement dans ces canons, puisqu'il débute comme un récit naturaliste pour basculer dans le conte symbolique. Mais le changement de ton entre les deux premières parties et la troisième peut étonner voire rebuter le lecteur amené, pourrait-on presque dire, à changer de roman en cours de route. Cela donne une oeuvre un peu bancale, ne sachant pas sur quel pied danser. Même si ce mélange est quelque part la marque de fabrique de l'auteur, elle m'a semblé ici moins bien négociée que dans les autres oeuvres que j'ai lues de lui.
Reste que le traitement du rapport à la nuit de l'héroïne et de son père est assez génial, que les trois tantes sont des chefs-d'oeuvre de petitesse et d'égoïsme, que l'homme qui la recueille est d'une humanité délicieuse et touchante, que l'audace onirique est bluffante, que le personnage d'Élisabeth est un mystère assez fascinant, oscillant entre la petite fille innocence et la femme froide et calculatrice… Bref, si Minuit n'atteint pas les sommets des ouvrages précédemment cités de l'auteur, il fournit suffisamment de matière pour offrir une délectable lecture. Il faut absolument que je continue à découvrir les oeuvres de cet auteur qui est pour moi un classique !

Tom La Patate

Lien : http://coincescheznous.unblo..
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