Ayant longuement laissé planer le doute sur l'identité de leur auteur, les textes de «
Psychologie » semblent avoir fait la preuve de leur paternité.
René Guénon, qui a donné des cours de philosophie entre 1917 et 1918, n'aimant pas improviser face à ses élèves, rédigeait le texte de son cours avant de se présenter aux fauves. Dans la préface de ce texte, Alessandro Grossato avance d'autres arguments en faveur de cette hypothèse.
Pourtant, les trois premiers quarts du livre se montrent déstabilisants pour un lecteur qui, s'il était déjà habitué à la prose de Guénon, n'en reconnaîtra ici ni la concision déterminée, ni l'intellectualité passionnée. le contexte universitaire qui a nécessité la rédaction de ces supports de cours explique en partie le ton, quoiqu'à partir du chapitre XXIII sur la raison et l'intellect, thèmes chers à Guénon, nous reconnaissions des idées déjà évoquées dans d'autres ouvrages sur la distinction entre les différentes formes de l'intelligence et la définition de l'intuition intellectuelle, tandis que le chapitre XXIX sur la liberté évoque quant à lui vivement son ouvrage sur les états multiples de l'Être.
L'éloignement de Guénon vis-à-vis de l'objet de son discours, la
psychologie, ne tient pas uniquement au contexte universitaire au sein duquel il expose ses leçons mais également à sa volonté de ramener la
psychologie à la simple dimension d'une discipline du matérialisme. Il en précisera les termes par les dénominations employées :
psychologie positive,
psychologie expérimentale, étude des faits mentaux – prenant ainsi clairement ses distances avec une
psychologie métaphysique dont les intentions seraient d'étudier l'âme envisagée dans sa véritable nature. Or, la méthode scientifique doit accepter de limiter son champ de recherche au matériel, et ne peut prétendre au vrai dans les domaines qui l'excèdent, ne serait-ce que, par exemple, le psychique, qui concerne déjà une dimension subtile de l'homme.
Nous comprenons progressivement que le cours de Guénon est une démonstration par l'absurde de l'inanité d'une science psychologique : ou bien une science véritablement psychologique se résumerait à ne dire que les quelques banalités présentées dans ce texte (ses trois quarts), ou bien elle ne serait plus seulement une science psychologique mais une science psychologisante à tendance métaphysique, et elle mentirait sur sa véritable nature. Guénon nous montre que la
psychologie ne peut rien nous dire que nous ne connaissions déjà des phénomènes mentaux. Ainsi, la véritable
psychologie matérialiste, celle qui ne s'établit pas sur une erreur catégorielle, celle qui ne prétend pas élucider la nature de l'âme ou expliquer le religieux par les tendances de l'homme, n'est qu'une description de phénomènes mentaux que nous autres, débiles moyens, ne connaissons déjà que trop bien à nous en lasser. Et lorsque nous aurions pensé trouver une
psychologie enfin stimulante, restons sur nos gardes : il ne s'agit plus d'une
psychologie, mais alors, déjà, d'un occultisme. Guénon en étudiera les modes d'agir et les conséquences en particulier dans le Règne de la quantité même s'il fera alors l'erreur de confondre psychanalyse et
psychologie analytique. Mais ceci est une autre histoire que je vous raconterai un autre jour puisqu'ici, déjà, je vous vois endormis, et moi de même. Bonne nuit.