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Critique de SerialLecteurNyctalope


À l'approche des résultats du premier tour de la présidentielle, où l'Europe pourrait vivre ses dernières heures, en pleine guerre sur le front de l'est, le Grand Tour ouvrait certaines portes. Olivier Guez a ainsi réuni vingt-sept écrivains représentant chaque État membre pour tenter une certaine Union européenne et culturelle. Cette chronique demeure difficile tant les mots d'Olivier Guez sont d'une lucidité et d'une justesse déconcertante. Je n'aurais pas touché une seule virgule de sa vision d'une Europe qui n'a pas su saisir l'opportunité, à la sortie de la seconde guerre mondiale, d'un nouvel élan. de cette peur de notre identité européenne, d'affirmer haut et fort que nous faisons partie d'un collectif. Alors oui, l'Europe n'a pas été exemplaire à bien des égards, oui chaque État a accepté de réduire sa souveraineté et de se soumettre aux juridictions européennes. Mais l'Europe pourrait s'attaquer au problème culturel dès le plus jeune âge pour créer des aspérités nouvelles.

La France qui préside depuis quelques mois l'Union Européenne devra à travers son nouveau ou actuel visage, renforcer ses liens avec les États membres et faire bloc. Elle qui pensait qu'une guerre sur son propre sol ne pourrait plus qu'être une utopie… le danger sommeille pourtant à tout instant. À travers les figures tutélaires que sont Imre Kertesz et Milan Kundera, cet ouvrage apolitique éblouit par sa richesse tant littéraire qu'intellectuelle. Ce dernier prônait alors un « maximum de diversité dans un minimum d'espace ». J'ai parfois levé les yeux pour m'en imprégner, j'ai relu de nombreux textes à travers j'ai pu passer à coté parfois, et puis dans son ensemble tout s'est éclairé. Au XVIII ème siècle, existait déjà un grand tour, avec certains aristocrates qui traversaient l'Europe pour s'enrichir personnellement.

27 autrices et auteurs aux langues, aux histoires, aux passés différents, pour se concentrer sur un lieu, une époque qui fait Europe. Des errances, des villégiatures aux fantômes, de la chair aux blessures, des cicatrices à la nostalgie, sept chapitres composent cette Europe qui fait foi littéraire en opposition à cette Europe parfois trop technocratique qui n'a plus d'âme. Cet ouvrage réaffirme la mémoire collective de totalitarismes, de dictatures incessantes et d'un communisme pesant.

Sur 27 textes, certains ont été de véritables claques. Tomas Venclova pour la Lituanie qui affirme « Les pays de l'Europe ne sont jamais à l'unisson, mais dans l'ensemble ils sont en harmonie les uns avec les autres ». Trois capitales, trois mini pays qui déjà sont si différents ne peuvent être qu'une difficulté supplémentaires à l'échelle européenne. Chaque barrière physique ou morale éloigne pas à pas les peuples les uns des autres. Et pourtant Olivier Guez a réussi à diriger un ouvrage qui petit à petit rassembles les voix littéraires à l'autre bout d'une Europe de plus en plus morcelée par les guerres.

Puis il y a le brillant Björn Larsson qui débute son texte par cette particularité qu'en Europe 47 zones où se heurtent trois nations pour le plaisir de visiter « trois pays en trois minutes ». Avec sa patte suédoise, il distingue bien la notion européenne de tous ses avatars sémantiques, il exerce avec sagesse, le droit d'interroger les trois pays scandinaves. l'identité européenne n'est pas encore au firmament de l'unanimité où les trois peuples se renvoient la balle d'une appartenance quelconque. « l'identité est une mosaïque qui se forge à travers une vie ».

Enfin il y a Agata Tucszynska qui nous raconte le ghetto de Varsovie, les réfugiés, la famine, l'enfermement. À chaque texte, je me suis interrogé sur l'inquiétante modernité de tous ces destins. Je n'en ai extrait que trois sur vingt sept et pourtant bien plus sont capitaux pour comprendre ceux qui nous entourent. Ces européens parfois un peu forcés, que nous ne regardons que d'un lointain coin d'oeil, qui sont pour certains une menace, pour d'autres des voisins à qui on irait bien demander du sel.

Avec chacune de ces voix, j'ai croisé beaucoup de langues grâce aux traducteurs que l'on doit chaque jour remercier. J'ai vu grâce à ces 27 plumes, tous ces êtres humains qui sont totalement différents de ce que je suis. J'y ai vu beaucoup de langues, de coutumes, de destins croisés, de ressemblances, en somme : du commun.
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