— C’est ça que je trouve phénoménal dans ce que vous faites. J’ai déjà vu des blocs opératoires en France, le matériel ultra-perfectionné, les équipes, la propreté, tout ça… et vous-là, c’est tellement un autre monde !
— Bon, c’est le même pourtant. La base de la médecine, ici comme en France, elle ne change pas : c’est l’observation, la clinique, l’étude des symptômes. Ça s’appelle la sémiologie, lire les signes. Pas de meilleure école de sémiologie que la médecine en condition de désert sanitaire, la médecine qu’on fait ici. Opérer, c’est pas compliqué, tu sais ? Les paysans afghans peuvent apprendre, ce qui est compliqué, c’est de savoir quoi opérer, c’est le diagnostic.
C'est calé ce que fait Juliette, parce que ce n'est pas facile.
Pour un Afghan, un chef, c'est quelqu'un de fort. Une femme ne peut être chef.
Pourtant, ils ont tous compris que c'est Juliette qui commande.
Je médite ce paradoxe afghan : L’impossibilité de s’isoler une minute dans un pays si peu peuplé.
- À Maïdan, il y a des gisements de lapis-lazuli.
- Les pierres bleues ?
- Oui, ils font sauter la montagne à la dynamite. […]
- Qu’est-ce qu’ils en font du lapis-lazuli ?
- Les pierres sont acheminées à dos d’âne au Pakistan et vendues.
L’argent va au parti Jamiat-e-islami, un des sept partis de la résistance. Celui de Massoud et celui de Bassir, le commandant qu’on va voir à Yaftal.
- Je savais que la résistance tirait son revenu de la came, mais pas des pierres précieuses.
- Ah si. Ils produisent aussi des émeraudes et des rubis.
Je photographie beaucoup. À mesure que je photographie, je sens qu’une bonne photo est à ma portée. C’est comme si je pêchais et que ça morde. Je retiens mon souffle chaque fois que j’appuie.
Ça s'est bien passé. On l'envoie en salle de réanimation, c'est à dire, dans la cour, sous les arbres.
— Au fait, tu sais comment on les appelle les vieux?
— Non
— Les Babas. Les barbes blanches
— Ah oui, si, je le savais ! “Dewana Baba”
— C’est drôle d’ailleurs, il me semble que le terme qui désigne les vieux Messieurs en afghan, c’est celui qui désigne les vieilles dames en Russie. “les Babas.”
— ça doit être ça, l’origine du conflit.
la splendeur des paysages est d’autant plus poignante qu'on entre dans des zones de combat.
- De la part d’un couple aussi complice, aussi uni, ça m’a étonnée. Je lui ai demandé : « Comment ça se fait que ton mari ait pris une deuxième femme ? » Tu sais ce qu’elle m’a répondu ?
- Non.
- Elle m’a répondu : « C’est moi qui la lui ai trouvée. »
- Hahaha !
- « Tu comprends, mon mari est un homme riche, il reçoit beaucoup d’invités, il est absent longtemps. En période de transhumance, j’avais vraiment besoin de quelqu’un d’autre. »
- C’est marrant, parce que ce n’est pas du tout l’idée qu’on se fait chez nous de la vie conjugale en Afghanistan.
- Mais elle est fausse, l’idée qu’on se fait chez nous !
- Nous, ce qu’on voit, c’est toujours la même pauvre gonzesse sous son chadri.
- Mais bien-sûr, ce n’est pas parce que tu sais faire techniquement une bonne photo que tu feras de bonnes photos. Les vraies bonnes photos, il faut s’arracher les yeux pour les faire.
Moi, je veux mettre toute mon énergie à améliorer ma photo. Je veux faire de bonnes photos.
- Et c’est quoi une bonne photo ?
- Je ne sais pas.
Il faut chercher, chercher, tout le temps.
Et pas forcément dans les endroits guerriers, spectaculaires.[…]
Une amélioration des photos passe nécessairement par une amélioration des relations avec les gens.