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Est-ce qu'il vous arrive, quand vous découvrez un récit, de vous sentir très proche, d'être particulièrement attiré par un des personnages c'est-à-dire de le trouver lumineux, à vos yeux, davantage que les autres quand bien même, il n'est pas un personnage principal ?

La grand-mère - dans le premier texte de ce recueil " La Maison du Peuple » - est ainsi pour moi : elle incarne la fierté des "petits", leur abnégation, leur indépendance paradoxale qui s'écrit dans la solidarité immuable, leur volonté de rester solitaire pour ne peser sur aucun, elle incarne la misère, la pauvreté des vies malgré un travail quotidien même à l'âge avancé. Et ce travail, ce labeur souvent au bon vouloir de ceux qui "possèdent", comme une aumône consentie parfois, rarement comme un cadeau. Cette charge de travail suffisant à peine à se nourrir, à garder un toit, à avoir un peu de chaleur l'hiver, à tenter de vivre tout simplement.

Et quand la vie s'est trop usée, l'absence se profile, précocement inéluctable et souvent avec elle la prise de conscience que celui qui s'en est allé - ou qui s'en va dans le seconde texte - était encore plus pauvre, encore plus démuni que ce qu'il a laissé transparaître sa vie durant parce qu'il y a cette dignité, cette fierté qui constitue la seule richesse que possèdent ceux qui n'ont rien pour avancer un jour après l'autre.

Ce personnage pour lequel j'éprouve un immense respect plein d'admiration, cette femme âgée incarne la légitimité, s'il en était besoin, de la lutte de ses enfants, de ce monde ouvrier, sa condition même la motiverait à elle seule.
Cette femme est le reflet de ce compagnon de la seconde nouvelle, même image de deux existences également tissées, empreintes de faiblesse de l'âge et de l'usure du labeur, mais fortes de leur dignité, ne demandant rien, refusant tout, pour ne pas être charge supplémentaire pour ceux qui déjà portent le fardeau du quotidien.
Fardeau du quotidien qui porte l'idée de créer une section militante dans le premier texte, de tout donner pour être entendus. Et la confiance trahie par un, celui qui les a utilisés à son propre dessein, celui qui rêvait de pouvoir et les a trompés. Pouvoir qui l'attirait davantage que les convictions, que la défense de ceux qui triment, de ceux qui seront restés toujours honnêtes dans leurs idées. Et l'anarchisme comme finalement seule possibilité de vivre et de décider ensemble sans meneur.
Durant ces années qui entourent la Grande Guerre,quand tous partiront et que bien peu reviendront et terriblement changés, les avancées durement gagnées si infimes ont-elles été, seront à reconquérir sans cesse, à nouveau.

Un texte tout en sobriété d'écriture à l'image du dénuement de ces êtres, de leur vie simple et aride, eux qui espèrent en un temps plus clément, en une possibilité de travail quotidien et de pain pour les enfants. Des phrases sobres et limpides pour décrire une époque, un temps, des vies âpres que ces êtres essayent de faire sourire, des expressions tirées de la bouche même de ces hommes et femmes, dont on perçoit dans ses pages, à travers les luttes et les espoirs, les battements de coeurs qui résonnent fortement et qui nous émeuvent au plus haut point.

Tous ces visages croisés dans ces deux récits ont la volonté d'être leurs seuls maîtres, prenant seuls en charge leur destinée : libres, ils sont et le restent comme un symbole marquant profondément nos pensées une fois quittés. Nous ne pouvons les oublier...
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C'est avec un enthousiasme débordant que notre professeure de littérature française nous a parlé de Louis Guilloux, me donnant largement envie de découvrir cet écrivain (ce que j'ai également fait en lisant le recueil de nouvelles Vingt ans ma belle âge).

L'histoire se déroule à l'aube de la Première Guerre Mondiale, lorsqu'un homme, cordonnier, peine à subvenir aux besoins de sa famille... Il s'immisce dans le mouvement socialiste de la ville de Saint-Brieuc et, avec d'autres ouvriers, il décide de créer la maison du peuple.

Toute l'histoire est contée du point de vue du fils du cordonnier, Louis. C'était touchant de découvrir cette histoire, très largement politique, du point de vue d'un enfant. Malheureusement, cela rend, dans le même temps, le sujet un peu moins intéressant...

Bien que j'ai aimé cette histoire, ce n'est pas un livre qui me marquera, pas plus que la nouvelle Compagnons, qui se situe à la fin de l'ouvrage. Je suis toutefois ravie d'avoir pu découvrir les textes de Louis Guilloux !
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Encore un livre découvert par la préface d'Albert Camus...
La maison pour tous, un lieu rêvé pour échanger, partager, se cultiver... qui verra le jour, plus tard, bien plus tard sous la forme, notamment des Maisons pour Tous (MPT)
Une chronique intéressante parce qu'enrichie des souvenirs personnels de Louis Guilloux .
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J'avais vaguement entendu parler du roman « le Sang noir » et de son auteur, Louis Guilloux. J'ai découvert qu'il était né à Saint-Brieuc, ville à laquelle il est resté attaché toute sa vie, et que son oeuvre appartenait au mouvement réaliste. J'aime beaucoup les Côtes d'Armor, j'ai eu la chance d'y séjourner fréquemment, et j'apprécie ce courant littéraire. Je me suis donc lancé dans la lecture de son premier roman, « la Maison du peuple », publié en 1927.

Ce roman est une chronique familiale, inspirée de l'enfance de l'auteur. Louis Guilloux raconte la vie modeste d'une famille briochine au début du XXème siècle. le père, cordonnier, perçoit des revenus faibles et irréguliers qui lui permettent à peine de subvenir aux besoins de sa famille. Son épouse se charge de l'éducation de leurs trois enfants. le lecteur n'est pas invité à s'apitoyer sur le sort de cette famille. le récit est toujours très simple et poignant, mais il ne tombe jamais dans le pathos. La famille est pauvre mais digne. Voici un exemple de cette dignité : le narrateur ne découvrira le logis de sa grand-mère qu'à sa mort ; celle-ci ne laissait jamais ses proches entrer chez elle pour leur cacher son indigence. Les évènements les plus durs d'une existence sont racontés avec des mots très simples, sans emphase, en courtes scènes : le chômage du père, la maladie de la mère, le décès de l'aïeule, les problèmes d'argent.

Ce roman est aussi une chronique politique qui raconte le développement d'un mouvement socialiste dans la ville de Saint-Brieuc (ce cadre n'est jamais dépassé). le père participe à la création d'une section locale. Cet engagement n'est pas sans risque. Les militants sont régulièrement sanctionnés, certains doivent même quitter la ville. Il fait campagne pour son parti lors des élections municipales. C'est une victoire et un désenchantement puisque cette élection fera naître de nombreuses divisions au sein du groupe. le mouvement renaît doucement. Les militants décident de construire bénévolement une « maison du peuple », un lieu de rencontre, d'échange, de culture et de propagande.
Mais la construction de cette maison va être interrompue par la mobilisation de 1914, la Première Guerre Mondiale va débuter… Et interrompre, à Saint-Brieuc comme partout en Europe, l'essor d'un mouvement socialiste et pacifiste.

Louis Guilloux parvient en quelques mots à restituer un univers familial et le contexte d'une époque. Il rend le plus beau des hommages à ces gens modestes qui ont su rester dignes et ont su trouver, malgré les sanctions, la force de s'engager, de se battre et d'espérer.
Un très beau texte.
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Je connaissais Louis Guilloux de nom. J'ai découvert ce volume là sur les conseils d'un ami et je n'ai pas regretté mon choix de lecture. L'histoire est profondément touchante et humaine, sans sombrer dans le mélo, et elle remet à la place centrale des "gens de rien" qui constituent l'âme d'un pays. Ils n'ont pas de diplômes ronflants et ne se lancent pas dans des analyses sociologiques percutantes, non. Ils se contentent de raconter leur quotidien et celui de leurs proches, de ceux qui vivent comme eux. C'est beau parce que porteur d'espoir et que cela permet de ne pas désespérer de voir un jour la justice et la liberté triompher.
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La préface a été rédigée par Albert Camus lui-même, alors je ne vais certainement pas tenter de vous redire la même chose en moins bien. Lisez la préface.
Nous sommes à Saint-Brieuc au début du 20è s. ; le livre s'achève à l'été 1914 par la mobilisation générale. Il relate la création de la première section socialiste, ses débats et ses divisions, et le début de la construction de la Maison du peuple.
J'ai été profondément touchée par ce récit du monde dans lequel ont vécu mes grands-parents : une ville sans électricité, où ne circulent que des voitures à chevaux, les multiples artisans dans leurs petites échoppes, la campagne toute proche. Un monde où on prenait soin des objets, achetés pour durer une vie : le père est cordonnier, la grand-mère réparatrice de parapluies.
Émue également par les personnages - le roman est très largement autobiographique - de la grand-mère, de la mère, pivot du foyer ouvrier. À une exception près, les femmes briochines en 1913 semblaient davantage tournées vers la statue de la Vierge Marie que vers le drapeau rouge. Mais qu'ils sont touchants, ces dialogues entre le père revendicatif et la mère soucieuse qui tente de calmer le jeu, mais en définitive fait confiance à son homme...
La nouvelle qui complète le recueil, “Compagnons”, est également magnifique d'humanité et de sensibilité.
LC thématique de novembre 2021 : ''Faites de la place pour Noël”
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J'ai été très touché par cette chronique qui raconte comment un groupe de militants poursuit le projet de construire un mouvement socialiste dans un bourg de province au début du XXe siècle. A travers les yeux d'un enfant, l'auteur évoque la dureté du quotidien, la condition ouvrière et ses difficultés incessantes mais aussi l'enthousiasme de ceux qui prennent leur sort en main. Il montre aussi les petits moments de bonheur qui jalonnent la vie et nous rendent finalement humain.
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"La maison du peuple" est le premier livre de Guilloux, largement autobiographique. Au début du siècle, dans une petite ville bretonne (Saint-Brieuc), un cordonnier -le père de l'auteur-, perd soudain sa clientèle bourgeoise pour avoir créé une section socialiste. Il a alors l'idée de construire une maison du peuple :
" Chez nous nous serons libres. Nous ne devrons rien à personne.Nous ferons des conférences pour les ouvriers, pour les enfants des ouvriers. Pour combattre la bourgeoisie, il faut être instruit comme elle. C'est par là que nous commencerons la révolution..." (p. 162).
Le texte évoque la pauvreté ouvrière, les manoeuvres politiques à l'occasion de l'élection municipale, la fierté ouvrière. Mais la grande guerre interrompt le projet et le père, mobilisé, rejoint à pied son affectation : " Les champs étaient nus ; le chaume craquait sous les pieds. Comme il sortait d'un petit chemin, broyé par les lourdes roues des charrettes, et jonché de paille fraîche, il vit la mer, sur sa main droite. Elle était tranquille, blanche, dans la lumière du matin. Il n'y avait pas une voile, et aux champs , personne encore , ni une bête.Il faisait doux comme à l'automne, mais les buées , traînant au ras de la lande , annonçaient que midi serait chaud ." "J'ai si souvent relu ce livre... J'entretiens un long commerce avec lui." dit Camus dans sa préface.
Lien : https://diacritiques.blogspo..
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La Maison du peuple, premier roman de Louis Guilloux (1927), est un récit à l'évidence largement autobiographique qui relate en parallèle la vie, "pauvre mais non misérable", de sa famille à Saint-Brieuc, du début du siècle jusqu'à la guerre de 14, c'est-à-dire jusqu'au seuil de son adolescence, et d'autre part les tentatives de son père, François, cordonnier, de fonder une section socialiste dans la ville avec ses camarades, puis de bâtir une Maison du peuple, où se tiendraient des conférences, des pièces de théâtre, des activités culturelles pour les enfants, où il y aurait une bibliothèque. Les difficultés et les dangers de telles initiatives politiques jugées alors très subversives, la rudesse de la vie ouvrière de l'époque, les rivalités et opportunismes de toujours, mais aussi les solidarités parmi les humbles sont décrites dans un style qui relève encore du naturalisme du siècle précédent.

Suit la longue nouvelle Compagnons, une histoire d'amitié entre maçons à l'heure où le protagoniste va mourir de crises cardiaques (non soignées). Publiée en 1931, la nouvelle est aussi un portrait de la classe populaire, mais sa prose est déjà sensiblement plus moderne, notamment par l'usage d'une langue imagée et argotique adaptée aux personnages, ce qui peut nous rendre le texte plus touchant encore car plus proche de nous.

Les louanges d'Albert Camus ne sont pas de circonstance. La promesse du chef-d'oeuvre, le Sang noir, est là : on ne s'y trompe pas.
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J'ai beaucoup aimé ce roman qui, contrairement à ce que pourraient faire penser le titre et le résumé, m'est apparu surtout comme un récit d'enfance tendre et chaleureux. Bien sûr les faits sont cruels et rien n'épargne la famille, ni le manque d'argent pour se nourrir ou se vêtir convenablement, ni la maladie et l'hôpital pour les pauvres, ni surtout les humiliations et la nécessité de quémander du travail chez les uns et les autres mais ce qui domine c'est l'amour des enfants pour leur mère, l'admiration pour leur père et la tendresse infinie pour la grand-mère ainsi que l'entraide et la fraternité des compagnons de travail.
Ce que j'aime surtout dans ce récit, c'est le talent de conteur de Louis Guilloux qui ne sombre jamais dans la théorie ou les grands sentiments. Tout est suggéré à partir de courtes scènes prises sur le vif et racontées avec précision et entrain comme si on y était.
Le style est simple et d'un classicisme très efficace. Les phrases sont courtes et vont toujours à l'essentiel L'enfant est là derrière l'auteur et c'est lui qui se souvient si précisément des détails parfois saugrenus.
Lien : http://liratouva2.blogspot.f..
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