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Critique de migdal


Vingt après l'antonymie « France d'en haut ; France d'en bas » qui propulsa Jean-Pierre Raffarin à Matignon, Christophe Guilly poursuit une analyse initiée avec « La France périphérique » et le « Temps des gens ordinaires » en se penchant sur « Les dépossédés » et fournit la cartographie de l'abime séparant la « périphérie » des quinze métropoles qui rassemblent sur 5% du territoire, 40% de la population, 50% de l'activité économique, 55% de la masse salariale, plus de 70% des créations nettes d'emplois et disposent d'un PIB par habitant environ 50% supérieur à celui du reste du pays.

Les 95% restants du territoire sont habités par « des fumeurs de clopes roulant au diesel », des « déplorables » pour Hillary Clinton, des « déclassés » pour le géographe.

Plusieurs écrivains décrivent leur sort (Eric Fottorino : Mohican - Daniel Rondeau : Arrière-Pays - Jean-Christophe Rufin : les flammes de pierre - Jacky Schwartzmann : shit) mais cet essai synthétise les constats.

Les déclassés sont éloignés progressivement de la mer (inflation immobilière et taxes foncières), des stades, des grandes villes (vignette crit air). Un écart chaque année croissant sépare les lycées franciliens des collèges et lycées provinciaux. Les déserts médicaux, la fermeture des classes, des gendarmeries, des tribunaux et des bureaux de postes, la suppression des DAB, créent une spirale de relégation qui désertifie les communes et villages.

Les médias développent un strorytelling valorisant la mondialisation et la métropolisation dans lequel la périphérie est exclue et assènent un sermon apocalyptique expliquant qu'il n'existe pas d'alternative politique aux « partis de gouvernement », qui génère une abstention croissante et un nivellement vers le bas du niveau des élus muselés et tenus en laisse par des consultants et experts grassement rémunérés. Les moyens de communication sociale ignorent les déclassés ; les 13 millions d'électeurs RN, les 13 millions d'abstentionnistes, les 2 millions de votes blancs ou nuls n'existent pas.

Les Bobos profitent de la gentrification, de l' « airbnbisation », usent du chauffeur Uber, du livreur Deliveroo, abusent des « nègres de maison », ainsi que les appelait Malcolm X (baby sitter et femme de ménage). Cette main d'oeuvre, observe Christophe Guilly, arrive en IDF dans le 93, puis court s'installer ailleurs dès que ses moyens le lui permettent et la Seine Saint Denis connait depuis vingt ans une croissance remarquable mais occultée, en partie captée par le banditisme.

L'instinct de survie, le pragmatisme, sont les atouts des déclassés qui n'attendent plus rien de l'état (et réciproquement) et savent que le mythe de la mondialisation prélude à l'effondrement. Cette société provinciale a connu au fil de l'histoire bien des drames mais a toujours trouvé dans sa culture l'énergie pour se relever.

L'ancrage dans la réalité ne nous conduira pas à un monde parfait, mais (et ce sera déjà beaucoup) à un monde qui aura du sens conclut l'auteur !

Cet essai, étayé par une série de données (en notes), nourrit la réflexion et porte un regard incisif sur la crise actuelle et ses issues possibles. J'ai été passionné par son acuité et espère que l'avenir concrétisera l'espérance dessinée en conclusion.
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