LE VOYAGEUR.
Savoir où vous allez est encor plus commode:
Les femmes de Quimper ont des fichus plissés
Et tout raidis au bleu; je connais bien leur mode;
Leurs coiffes vont au vent tant que c'en est assez.
Vous, sur un justaucorps qui ne va qu'à la taille
Vous cousez deux beaux rangs de galons couleur d'or;
Autour de votre cou, sous ce gilet qui bâille,
Un autre plus étroit s'aperçoit bien encor.
Un ruban pareil tourne au bas de votre robe;
Et d'un rouge cordon relevés avec goût,
Vos cheveux, que devant le bonnet nous dérobe,
Res6ortent en arrière et chargent votre cou.
Je reviens du pays dont c'est là la coiffure ;
Je reviens de Kersaint et de Tremeané.
Vous ne voudriez pas me tromper, je le jure. —
Dites, — vous qui riez, — n'ai-je pas deviné?
Un soir, nous étions seuls; — ce fut un soir fatal
Pour lui; car d'un seul mot j'avais fait bien du mal
A ce coeur orgueilleux, mais si noble et si tendre. —
Tous deux nous nous taisions; et je croyais entendre
En son sein, près de moi, battre à grands coups son coeur.
Plus pure qu'il n'était troublé, la nuit paisible
Jetait sur nous son calme et sa demi-lueur.
Nous marchions lentement ; d'un malheur indicible
Frappé, mais soutenant le poids de sa douleur,
Comme un gladiateur qui sent la mort prochaine
Et qui meurt fièrement, lui, de son âme pleine
Ne laissait pas tomber au sein de l'amitié
Un mot, tant sa fierté redoutait la pitié.