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Critique de PedroPanRabbit


Contrairement à l'image erronée de bluette vintage diffusée par les éditeurs français, "Vengeance haute couture" ("The dressmaker" en VO) est un roman relevant du genre Australian gothic. Car oui, s'il parait difficile d'associer les codes du gothique aux paysages arides de l'Australie, c'est aussi parce que le sixième continent a réussi à se les réapproprier pour créer un genre qui lui est propre. Dans le cas de "The dressmaker", l'aura gothique vient essentiellement du traitement féroce que l'auteure fait de ses personnages et de son intrigue, mêlant à la façon d'une tragédie romance, émotion, et noirceur. Ce qui empêche le livre de tomber dans le pathos, c'est son humour : un humour qui oscille entre l'ironie légère et le sarcasme grinçant mais jamais lourd, principalement provoqué par le regard très distancé posé sur les habitants de Dungatar, rhabillés (dans tous les sens du terme) pour l'hiver d'une plume aiguisée et tranchante. En mélangeant les genres avec un rare brio et malgré un style parfois cru, Rosalie Ham parvient à nous arracher des fou-rires inattendus entre deux descriptions de tissus ou de toilettes d'une élégance à couper au couteau.

L'atmosphère et les thèmes évoqués peuvent rappeler les sujets de prédilection de romancières comme Alice Hoffman (dans sa description des petites bourgades et du sectarisme de ses habitants) ou Joanne Harris (particulièrement son roman "Chocolat" et son personnage d'héroïne qui provoque le scandale autant que la curiosité d'un village en y pratiquant un art à part), si ce n'est que Rosalie Ham y ajoute tout le piquant propre à la culture australienne. L'auteure manie avec talent l'art de raconter, en quelques lignes, l'enchainement des gestes et des paroles qui font d'un passage ou d'un dialogue une scène saisissante de vie, savoureuse. Cette écriture, très visuelle, participe à la réussite du roman et permet d'affiner les caractéristiques des (très) nombreux protagonistes, hauts en couleurs. On se régale ainsi de petits détails qui font le sel de l'histoire : le pharmacien atteint de Parkinson que les habitants "lancent" et réceptionnent d'un bout à l'autre de la rue principale lorsqu'il doit s'y déplacer, les employées de la poste qui ouvrent et fouillent les colis (à leurs risques et périls), ou la first lady de Dungatar qui, atteinte d'une maniaquerie tenace, astique jusqu'aux poignées de porte après leur utilisation. Quant à l'adorable sergent Pratt, eh bien... je vous laisse découvrir vous-même son petit secret inavouable...

La "vengeance" du titre, s'il y en a une, n'est finalement pas la motivation première de l'héroïne. Même, elle n'est pas totalement de son fait et s'avère le fruit d'un hasard dans l'enchainement des situations (qui prennent parfois des virages à 180 degrés, il faut l'admettre, mais que c'est jouissif!) en fin de roman. Une fois cette "machine infernale" lancée, on pourra parfois reprocher à l'auteure de malmener certains personnages auxquels ont s'est furieusement attachés (surtout un en particulier, moi-même je ne m'en suis pas encore remis). C'est là que les accents gothiques du récit se rappellent au lecteur : une suite d'événements malencontreux conduit tout ce vaniteux petit monde à monter une nouvelle version de "McBeth" , clin d'oeil des plus amusants à la thématique de la vengeance puisque l'issue du spectacle verra effectivement, dans un certain sens, Tilly battre la petite ville de Dungatar à plates coutures.

En bref : A ceux qui attendent ou qui craignent une romance de gare : don't judge a book by its cover. A la fois diabolique et émouvant, "The dressmaker" dresse le portrait au vitriol d'une bourgade australienne des années 50 que le hasard confronte à sa Némésis. Rosalie Ham parvient à mêler avec talent différents genres en passant de la satire au drame non sans quelques détours par l'humour. La lecture de ce roman haute couture saturé d'élégance est d'une jouissance inattendue!
Lien : https://books-tea-pie.blogsp..
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