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Critique de Erik35


UNE INTOLÉRABLE SOLITUDE

Qui, aujourd'hui, ne connaît les toiles de Vincent van Gogh ? Qui, même sans en connaître les détails de sa biographie, ne sait qu'il n'a pas vendu une seule toile de son vivant... Ce qui est presque vrai puisque son tableau "La vigne Rouge" trouva acquéreuse quelques mois avant sa mort tragique et que cette affirmation péremptoire laisse aussi sous silence les rares dessins qui trouvèrent quelques trop exceptionnels acheteurs. Mais qu'importe : ainsi en est-il souvent des légendes qu'elles ne s'encombrent guère des menus détails. Qui ne se souvient qu'il se coupa une oreille "dans un geste de folie", qui n'a entendu parler de sa longue amitié avec son frère Théo, qu'il passa quelque temps à Arles en compagnie de son confrère Paul Gauguin ? Que ce séjour s'acheva bien douloureusement ? Que Vincent fut enfermé dans un asile de fous ? Qu'il connut une sorte de retour à la vie grâce au fameux Docteur Gachet puis à sa découverte de la campagne des alentours d'Auvers sur Oise...? Qu'il y mit cependant fin à ses jours prématurément à l'âge de 37 ans ? 

Tout cela, c'est un peu vrai, un peu de l'ordre de l'imagerie d'Epinal. Il existe, bien évidemment, d'excellentes et très complètes biographies de la vie de van Gogh - l'une d'elles fut d'ailleurs "commise" par l'auteur du présent ouvrage, David Heziot, qui reçut pour cette oeuvre un prix De l'Académie Française . Il y a, parallèlement, de très bon documents d'histoire de l'art permettant de se plonger avec érudition dans l'analyse de l'oeuvre. Il y a, enfin, comme une espèce de sommet inaccessible au commun des mortels, le faramineux, l'illuminé et inspiré texte d'Antonin Artaud intitulé Van Gogh, le suicidé de la société - l'auteur du présent volume rend d'ailleurs un sincère hommage à ce texte décidément à part en le présentant en conclusion. 

Cependant, Chemins sans issue selon Van Gogh ne relève ni de la biographie complète (voire seulement résumée), ni de l'analyse de l'oeuvre. D'un style très agréable, fourmillant de détails et de scènes de vie du peintre flamand, le livre tient autant de la biographie romancée que cet autre genre assez en vogue qu'est l'exofiction, l'ensemble prenant pour point de départ l'une des toiles maîtresse du hollandais : "Le champ de blé aux corbeaux", souvent pris pour le dernier tableau du peintre, ce qu'il n'est pas. 

On découvre, en plongeant loin dans la jeunesse du futur peintre, les blessures accumulées, les peines de coeur et d'affection, les incompréhensions familliales, les hésitations, les envies, le caractère de ce peintre plein de déchirements sublimes tout autant que de certitudes quant à son envie de peindre et des raisons pour le faire. Mieux : David Heziot expose une thèse très séduisante - si l'on peut dire - tâchant d'expliquer le geste ultime de van Gogh, en ce dimanche fatidique du 27 Juillet 1890. Il aura peut-être suffit d'une ultime lettre du frère autant aimé qu'indispensable à sa survie financière, d'une ultime et fatale retrouvaille avec ce dernier et sa petite famille à Paris, d'une ultime méchanceté de sales gosses écumant la région de leurs vilenies pour que le destin du génial artiste soit scellé d'un coup de pistolet inguérissable. Intolérable était devenue la solitude tant de l'homme que du peintre en son époque.

Il expirera deux jours plus tard, son frère Théo à son chevet. L'histoire oublie souvent de rappeler que le cadet du maître suivra son aîné seulement six mois plus tard... 

L'ouvrage se lit en un rien de temps, la plume de David Haziot sachant capter l'attention du lecteur sans jamais l'ennuyer de détails inutiles ni de termes trop techniques. On pourra sans doute lui reprocher d'être un peu succint mais ce serait une erreur car il s'annonce très vite, sans vraiment le dire pesamment, comme une sorte d'invitation pleine de rythme et d'attention à en découvrir plus sur la vie et l'oeuvre de ce génie universel et intemporel que fut Vincent van Gogh. On pourra peut-être regretter de ne pas y découvrir d'autre reproduction que celle de cette oeuvre prétexte au livre mais l'index des oeuvres citées est assez précis et complet pour pouvoir se lancer dans de petites recherches personnelles fort enrichissantes. La magie d'internet pouvant dès lors faire le reste. On remerciera aussi David Heziot de mentionner en conclusiion trois auteurs phare s'agissant de van Gogh : le texte d'Antonin Artaud déjà mentionné ici ; des entretiens d'évidence captivants du plus grand (le seul ?) continuateur de l'intentionnalité picturale du suicidé d'Auvers sur Oise, l'irlandais Francis Bacon ; les recherches captivantes, enfin, de l'actuel conservateur du Musée van Gogh d'Amsterdam, Monsieur Wouter van der Veen, à qui l'on doit par exemple d'avoir retrouvé, sans l'ombre d'un doute, la scène véridique de l'ultime toile du maître "Racines d'arbre" (qui fut longtemps pris pour une sorte de vision illuminée et chaotique sans rapport direct avec le réel). 

Je conclurai cette modeste critique par de chaleureux remerciements aux éditions HD - ateliers Henry Dougier (célèbre éditeur connu pour avoir été le fondateur des éditions Autrement) pour cet envoi réalisé en collaboration avec notre site de lecture et de critiques en ligne le plus vivant du net : Babelio.com, bien sûr ! 





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