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EAN : 9791031202839
124 pages
Editions Ateliers Henry Dougier (23/09/2021)
4.02/5   27 notes
Résumé :
Mêlant récit romanesque et enquête historique, chaque auteur raconte l'histoire d'un tableau célèbre. "Le Champ de blé aux corbeaux" est devenu un tableau mythique. Mais s'il excelle à faire connaître une oeuvre, le mythe obscurcit plus qu'il n'éclaire. Non, cette toile ne fut pas la dernière de Van Gogh, et non, il ne s'est pas suicidé devant. Longtemps, par égard pour les témoins vivants, on a occulté le rôle de Théo et d'autres personnes dans la tragédie d'Auvers... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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UNE INTOLÉRABLE SOLITUDE

Qui, aujourd'hui, ne connaît les toiles de Vincent van Gogh ? Qui, même sans en connaître les détails de sa biographie, ne sait qu'il n'a pas vendu une seule toile de son vivant... Ce qui est presque vrai puisque son tableau "La vigne Rouge" trouva acquéreuse quelques mois avant sa mort tragique et que cette affirmation péremptoire laisse aussi sous silence les rares dessins qui trouvèrent quelques trop exceptionnels acheteurs. Mais qu'importe : ainsi en est-il souvent des légendes qu'elles ne s'encombrent guère des menus détails. Qui ne se souvient qu'il se coupa une oreille "dans un geste de folie", qui n'a entendu parler de sa longue amitié avec son frère Théo, qu'il passa quelque temps à Arles en compagnie de son confrère Paul Gauguin ? Que ce séjour s'acheva bien douloureusement ? Que Vincent fut enfermé dans un asile de fous ? Qu'il connut une sorte de retour à la vie grâce au fameux Docteur Gachet puis à sa découverte de la campagne des alentours d'Auvers sur Oise...? Qu'il y mit cependant fin à ses jours prématurément à l'âge de 37 ans ? 

Tout cela, c'est un peu vrai, un peu de l'ordre de l'imagerie d'Epinal. Il existe, bien évidemment, d'excellentes et très complètes biographies de la vie de van Gogh - l'une d'elles fut d'ailleurs "commise" par l'auteur du présent ouvrage, David Heziot, qui reçut pour cette oeuvre un prix De l'Académie Française . Il y a, parallèlement, de très bon documents d'histoire de l'art permettant de se plonger avec érudition dans l'analyse de l'oeuvre. Il y a, enfin, comme une espèce de sommet inaccessible au commun des mortels, le faramineux, l'illuminé et inspiré texte d'Antonin Artaud intitulé Van Gogh, le suicidé de la société - l'auteur du présent volume rend d'ailleurs un sincère hommage à ce texte décidément à part en le présentant en conclusion. 

Cependant, Chemins sans issue selon Van Gogh ne relève ni de la biographie complète (voire seulement résumée), ni de l'analyse de l'oeuvre. D'un style très agréable, fourmillant de détails et de scènes de vie du peintre flamand, le livre tient autant de la biographie romancée que cet autre genre assez en vogue qu'est l'exofiction, l'ensemble prenant pour point de départ l'une des toiles maîtresse du hollandais : "Le champ de blé aux corbeaux", souvent pris pour le dernier tableau du peintre, ce qu'il n'est pas. 

On découvre, en plongeant loin dans la jeunesse du futur peintre, les blessures accumulées, les peines de coeur et d'affection, les incompréhensions familliales, les hésitations, les envies, le caractère de ce peintre plein de déchirements sublimes tout autant que de certitudes quant à son envie de peindre et des raisons pour le faire. Mieux : David Heziot expose une thèse très séduisante - si l'on peut dire - tâchant d'expliquer le geste ultime de van Gogh, en ce dimanche fatidique du 27 Juillet 1890. Il aura peut-être suffit d'une ultime lettre du frère autant aimé qu'indispensable à sa survie financière, d'une ultime et fatale retrouvaille avec ce dernier et sa petite famille à Paris, d'une ultime méchanceté de sales gosses écumant la région de leurs vilenies pour que le destin du génial artiste soit scellé d'un coup de pistolet inguérissable. Intolérable était devenue la solitude tant de l'homme que du peintre en son époque.

Il expirera deux jours plus tard, son frère Théo à son chevet. L'histoire oublie souvent de rappeler que le cadet du maître suivra son aîné seulement six mois plus tard... 

L'ouvrage se lit en un rien de temps, la plume de David Haziot sachant capter l'attention du lecteur sans jamais l'ennuyer de détails inutiles ni de termes trop techniques. On pourra sans doute lui reprocher d'être un peu succint mais ce serait une erreur car il s'annonce très vite, sans vraiment le dire pesamment, comme une sorte d'invitation pleine de rythme et d'attention à en découvrir plus sur la vie et l'oeuvre de ce génie universel et intemporel que fut Vincent van Gogh. On pourra peut-être regretter de ne pas y découvrir d'autre reproduction que celle de cette oeuvre prétexte au livre mais l'index des oeuvres citées est assez précis et complet pour pouvoir se lancer dans de petites recherches personnelles fort enrichissantes. La magie d'internet pouvant dès lors faire le reste. On remerciera aussi David Heziot de mentionner en conclusiion trois auteurs phare s'agissant de van Gogh : le texte d'Antonin Artaud déjà mentionné ici ; des entretiens d'évidence captivants du plus grand (le seul ?) continuateur de l'intentionnalité picturale du suicidé d'Auvers sur Oise, l'irlandais Francis Bacon ; les recherches captivantes, enfin, de l'actuel conservateur du Musée van Gogh d'Amsterdam, Monsieur Wouter van der Veen, à qui l'on doit par exemple d'avoir retrouvé, sans l'ombre d'un doute, la scène véridique de l'ultime toile du maître "Racines d'arbre" (qui fut longtemps pris pour une sorte de vision illuminée et chaotique sans rapport direct avec le réel). 

Je conclurai cette modeste critique par de chaleureux remerciements aux éditions HD - ateliers Henry Dougier (célèbre éditeur connu pour avoir été le fondateur des éditions Autrement) pour cet envoi réalisé en collaboration avec notre site de lecture et de critiques en ligne le plus vivant du net : Babelio.com, bien sûr ! 





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Une tranche de vie de Vincent van Gogh racontée par David Haziot autour du chef d'oeuvre le champ de blés aux corbeaux.

Un court récit entre roman et biographie nous décrivant les blessures de van Gogh, ses peurs, sa solitude, la misère dans laquelle il vit, obligé d'accepter la rente que lui verse son frère et qui le rend dépendant et redevable.
Les liens sont forts entre Théo et Vincent, et malgré le regard désapprobateur de la famille et de l'entourage, Théo restera fidèle à son frère.
Théo connaît aussi quelques difficultés financières et Vincent a conscience du poids financier et moral qu'il représente pour ce frère généreux.

Comment imaginer si peu de reconnaissance de son vivant, pour une telle renommée après sa mort.

Cette immersion dans la vie d'un artiste par le biais d'une oeuvre est très intéressante.

L'auteur évoque les oeuvres de Vincent, les couleurs, les contrastes, son inspiration, et vous avez l'impression de les avoir toutes devant vous. La plume est légère, très évocatrice, admirative et pédagogique.

Ma 1ère lecture dans cette collection "le roman d'un chef d'oeuvre" : très réussie - je pense que je lirais d'autres récits de cette collection pour découvrir les coulisses d'une oeuvre et de son auteur.




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Ce roman des Ateliers Henry Dougier fait partie de leur collection « le roman d'un chef-d'oeuvre ». C'est une collection que j'affectionne particulièrement, chaque auteur va raconter l'histoire d'un tableau célèbre, il va mêler ainsi récit romanesque et enquête historique. Et c'est vraiment bien fait. le livre en tant qu'objet est déjà très beau, la toile dont il va être question est reproduite sur les rabats, ce qui permet de bien la voir et d'étudier chaque détail. Même si je suis novice en art, j'aime regarder les toiles, voir ce qu'elles racontent, leurs petits détails qui font leur particularité. Dans cette collection, j'ai déjà eu le plaisir de découvrir une oeuvre de Hopper, une de Géricault et une de Michel Ange.

Ce livre ci est consacré à Vincent van Gogh, et plus particulièrement sa toile « le champ de blé aux corbeaux » qui est une de ses dernières oeuvres. Van Gogh est un peintre que j'aime beaucoup, ses toiles sont éclatantes de couleurs, mêlant ce bleu et ce jaune-orange qu'il affectionnait tant. Et je trouve son coup de pinceau tellement particulier, totalement à part des autres, sa façon de représenter le ciel avec des tourbillons ou le blé avec des traits qui donnent l'impression que l'on va voir le vent remuer les épis.
Donc, en grande admiratrice de ce peintre, je ne pouvais qu'être très intéressée par le récit d'une de ses toiles. J'ai déjà lu des livres sur cet artiste, vu des films aussi retraçant sa vie, dont un où Jacques Dutronc est méconnaissable en Van Gogh. On a tous vu ses iris, ou son autoportrait lorsqu'il s'est coupe l'oreille, avec son bandage. Ici, il va être question donc de ce champ de blé avec une envolée de corbeaux.
David Haziot va retracer la vie de van Gogh, de sa naissance à sa mort, son enfance, ses débuts comme vendeur dans une galerie d'art, ses premières amours, suivies de ses premières déceptions, sa relation privilégiée avec son frère Théo, ses débuts en tant qu'artiste, ses crises de folie, ses internements, et ce style qu'il va trouver dans son art. Théo et Vincent auront une relation forte, c'est grâce à Théo que Vincent vit, il lui verse une rente mensuelle, que Vincent dépense en peinture et en toile. Théo sera la jusqu'aux derniers instants de Vincent. On va ainsi suivre tout ce cheminement qui l'a amené à peindre ce champ de blé. Longtemps, on a pensé que ce tableau était le dernier, mais non il en a peint d'autres après. Pareil, on a longtemps dit qu'il s'était suicidé devant cette toile, mais non, c'est une erreur également. L'auteur fait la lumière sur la fin de la vie de van Gogh, et on regarde d'une autre façon cette toile, le chemin sans issue, les corbeaux noirs qui viennent planer comme ceux qui sont dans la tête de l'artiste. L'auteur donne une autre perspective à cette toile, et c'en est encore plus poignant.

J'ai appris plein de choses concernant cet artiste. J'avais tellement entendu tout et n'importe quoi sur lui que je ne savais plus trop ce qui était vrai ou pas. Là, l'auteur fait le point sur certaines circonstances qui ont amené Vincent à se couper l'oreille, sur ses amours tristes, sur tout ce qu'il a perdu, et je comprends mieux son désarroi, sa descente aux enfers. J'en ai aussi appris plus sur le frère de Vincent, Théo. Par exemple, je ne savais pas qu'il était mort peu de temps après son frère. Bref, je ressors de ce livre enrichie de connaissances sur un peintre que j'admire et je suis enchantée de cela. Je dirais même que je le porte encore plus en estime une fois ce livre fini.

J'adore quand mes lectures ont ce double pouvoir de me divertir et de m'enrichir de connaissances. L'auteur parle également des autres toiles de l'artiste, et je m'amusais à les chercher sur le net, pour mieux suivre ce que disait l'auteur. Il parle aussi d'autres peintres qui ont eu une influence sur Van Gogh, notamment Gaughin avec qui il entretenait une correspondance. J'ai vraiment appris plein de choses.

Le livre se lit tout seul, il n'est pas très long, un peu moins d'une centaine de pages, mais il est très dense et fait vraiment le tour de la vie de l'artiste. Et ce que j'apprécie surtout dans cette collection, c'est que le style de l'auteur est abordable pour tout le monde, pas de termes compliqués ou de phrases alambiquées, ce livre peut être lu par tous. Et c'est ce que j'aime aussi beaucoup dans cette collection, je l'avais déjà remarqué dans les autre volumes, les récits sont à la portée de chacun, rendant ainsi la culture accessible à tous. Et c'est très important. L'auteur a en plus eu la bonne idée de mettre une frise chronologique des dates importantes dans la vie de van Gogh, et de donner aussi les références sur d'autres oeuvres sur ce peintre. J'en ai noté quelques-unes que j'aimerais bien lire pour approfondir encore plus le sujet.

Je me suis régalée avec ce livre que j'ai lu en un après-midi, mais que j'ai relu par endroits pour faire cette chronique. J'aime bien aller me replonger dans le livre de temps en temps pour m'évader et passer un bon moment. C'est ce que je fais en général avec les autres livres que j'ai de cette collection.

Je ne peux que vous conseiller ce livre si vous voulez en apprendre plus sur l'homme qu'était Vincent van Gogh. Et je vous recommande aussi toute la collection qui vous permettra de partir à la découverte d'autres très grands artistes, Manet, Klimt, O'Keefe, Gaughin, Caravage, Goya, etc… de mon côté, je vais continuer à suivre cette très belle collection, à les acheter petit à petit pour les avoir tous dans ma bibliothèque.
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Dans les méandres des chefs d'oeuvre de van Gogh

“Il lui tendit un billet de cinquante francs. Vincent crut mourir d'avoir à l'accepter. Il ne pouvait faire autrement. Une fontaine de larmes coulait dans sa tête, invisible, comme sortant de l'arrière de ses yeux pour se déverser jusqu'au ventre et y répandre son amertume.”

C'est aussi précieux que le texte ci-dessus, le parcours troublé d'un grand artiste, un maître de la couleur, du mouvement et en même temps l'incompréhension des proches, la déprime, la folie.

Une première partie ou l'on découvre un Vincent van Gogh aventureux, décalé et négligé de sa famille mais déjà aidé et soutenu de son frère Théo marchand d'art.
De la Hollande, il partira pour Londres (1er échec amoureux), Paris et retour en Hollande, Bruxelles … rencontre les peintres et aiment la littérature de Zola, Dickens, Millet. Puis Anvers et Arles.
La seconde partie est l'arrivée de son frère à Paris, les impressionnistes, Gauguin, puis un début de folie ou son esprit tourmenté mélange rêve et réalité… suite à une dispute de son confrère Gauguin à Arles, il se tranchera l'oreille…

On s'attardera plus particulièrement à un de ses derniers tableaux « Champ de blé aux corbeaux » le coup de génie.
Ses dernières oeuvres à Auvers-sur-Oise.

David Haziot résume clairement la vie de ce grand maître peu reconnu de son vivant. Donne un chassé croisé avec trois autres auteurs sur la synthèse de ce tableau… Enfin du jaune citron au bleu cobalt pénétrant et suivant quelques touches de rouge, j'ai suivi ses chemins sans issue …
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« Le noir ! La mort ! pensa Vincent. le voilà mon chemin, celui de ces âmes damnées. Il prit un pinceau chargé et libéra en noir le vol des corbeaux, telle une traînée qui s'éloignait jusqu'au coin droit de la toile. En diagonale, à la manière de Rubens qu'il avait admiré dans la cathédrale d'Anvers.
Il regarda longuement ce "Champ de blé aux corbeaux", image de son destin : le monde si beau, et nul chemin pour moi sinon la souffrance. »

Je voue une admiration sans faille à Vincent van Gogh. Et ce depuis que j'ai posé les yeux sur une photo de sa toile "La Nuit étoilée". J'avais 9-10 ans et je suis tombée follement amoureuse des tourbillons lumineux dans ce ciel tourmenté. Depuis, ma passion pour ce peintre ne m'a jamais vraiment quittée.

Aujourd'hui, je reste aussi fascinée par les oeuvres de ce génie du pinceau, que par les tourments qui l'ont animés toute sa vie durant ! Imaginez, en arriver à se couper l'oreille ! Moi qui suis dingue de psychologie, vous imaginez toutes les théories qu'on peut échafauder face à un tel acte ?

Dans « Chemins sans issue », c'est l'histoire du « Champs de blé aux corbeaux » qui nous est contée, au même titre que les tourments d'un homme profondément humain et sensible qui n'aura eu de cesse dans sa vie que d'essayer de s'acclimater à l'autre. David Haziot redonne également au frère Vincent van Gogh - Théo - et à son épouse, un rôle prépondérant dans la vie de l'artiste.

Si le Champs de blé aux corbeaux n'est pas le seul témoignage que lèguera van Gogh de son séjour - et de son suicide - à Auvers-sur-Oise, « il revient à celle-ci de dire le bonheur de vivre et l'impossibilité pour l'artiste d'y parvenir », comme le dit si bien l'auteur de ce merveilleux ouvrage.

Publié dans la très belle collection « le roman d'un chef-d'oeuvre » des Ateliers Henry Dougier, ce texte fait la part belle à toute l'ambivalence de van Gogh qui, bien qu'à l'origine de souffrances psychologiques effroyables pour lui, a aussi été une des sources de son incroyable talent et de sa vision si particulière pour le monde qui l'entourait.
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Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Il plissa les yeux pour mieux apprécier la structure, puis il traça au pinceau la ligne d'horizon. Il était encore conscient jusque-là. Puis il se lança avec fureur dans l'attaque de la toile, comme un somnambule paradoxal qui calculerait ses moindres gestes. Les artistes, les musiciens, les écrivains connaissent cette fièvre, cette ivresse qui monte des profondeurs et donne une surconscience. Les verts commencèrent à vibrer, rehaussés de jaune citron et de chrome, des touches de violet pour les complémentaires qui enchanteraient les yeux en les asservissant à leur charme sourd. Le ciel fut balayé au cobalt, avec la densité sur l'horizon pour signifier la menace de l'orage. On aurait cru la nuit dans la lumière du matin. Il jeta des nuages en blanc frottés de bleu. La solitude. Pas un homme, pas un cheval, pas un chien. Il ponctua le premier plan de quelques gouttes d'espoir ou de sang en carmin. Des coquelicots. La touche discontinue qu'il aimait tant pour suggérer resta au bas de la toile. Et les brosses lui tombèrent des mains. Un silence impressionnant planait sur cette image : Champ de blé sous un ciel orageux. Presque un trop grand calme. L'infini silencieux. Le monde sans moi peut aller de l'avant, se dit-il.
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Le ciel fut balayé au cobalt, avec la densité sur l'horizon pour signifier la menace de l'orage. On aurait cru la nuit dans la lumière du matin. Il jeta des nuages en blanc frottés de bleu. La solitude. Pas un homme, pas un cheval, pas un chien. il ponctua le premier plan de quelques gouttes d'espoir ou de sang en carmin. Des coquelicots. La touche discontinue qu'il aimait tant pour suggérer resta au bas de la toile. Et les brosses lui tombèrent des mains. Un silence impressionnant planait sur cette image : Champ de blé sous un ciel orageux. Presque trop grand calme. L'infini silencieux. Le monde sans moi peut aller de l'avant, se dit-il.
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(p. 60-61)
La fameuse nuit de décembre, la veille de Noël, quand Gauguin a voulu partir, quitter Arles et me laisser avec les ruines de cet atelier du Midi dont j'avais tant rêvé, qui avait coûté si cher à Théo... Cette nuit folle où une bête malade a hurlé à la lune en moi. Un feu rouge et jaune dans le noir de la nuit, comme ce "Paysan brûlant mauvaises herbes" que j'avais peint à Nuenen... La fresque de Giotto "L'arrestation de Jésus" ou "Le Baiser de Judas", autre traître, m'est apparue soudain, vivante ! Et l'apôtre Pierre tira le glaive pour trancher l'oreille du serviteur du grand prêtre. J'y étais, je voyais l'oreille tomber dans une giclée de sang et je la recueillis de mes mains. C'était la mienne ! Puisque j'étais dans la fresque de Giotto ! Je l'ai portée dans une feuille de journal pour la donner à la petite Rachel qui travaillait au bordel des zouaves. Elle avait été mordue par un chien enragé et sauvée par Pasteur à Paris. Moi aussi j'avais la sensation d'avoir été mordu par un chien enragé qui voulait me faire peindre comme je ne pouvais le faire. La voie imaginaire en peinture, comme je l'ai écrit à Bernard, c'était pour moi aller dans le mur. Et c'est ce qui se passa. Oui, je suis devenu fou, malade, mes visions étaient le réel et je vivais mes rêves. Nous sommes tous ainsi, les Van Gogh, c'est notre nervosité.
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L’image de la tombe de Groot-Zundert lui revint.
C’était dans son enfance près de l’église protestante de ce village, où son père officiait. Une tombe sur laquelle était écrit le nom de son petit frère aîné : Vincent Van Gogh ! Mort-né un an jour pour jour avant sa naissance à lui. Il portait le nom d’un mort. Et l’autre Vincent Van Gogh, son oncle marchand, avait été si longtemps malade avant de mourir, malgré son argent, sa puissance, sa collection de tableaux énorme. Il était resté dépressif, immobile, les yeux fous, abattu. Et lui-même, le vendeur raté, le pasteur raté, l’évangéliste raté, le peintre raté, la honte irréparable de la famille. Non, ce prénom portait malheur et ça continuait avec ce pauvre petit.

Chapitre 2. La lettre
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Le lendemain matin, la pluie s’abattit sur Auvers. Mais plus rien ne pouvait l’arrêter. Il s’éloigna vers Méry et s’attaqua avec passion à une toile qui pouvait paraître presque informe à ses contemporains. Un vol de corbeaux, encore eux, animait le centre. Et pour finir ce Paysage d’Auvers sous la pluie, il zébra violemment la toile de traits noirs comme autant de larmes, ou comme s’il voulait raturer la peinture qui était sa passion et sa perte.

Chapitre 5. Noirs corbeaux
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Videos de David Haziot (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de David Haziot
Dans cet épisode, les ateliers henry dougier vous proposent la lecture d'un extrait de "Chemins sans issue selon Van Gogh", un roman qui retrace la création de Champ de blé aux corbeaux et les derniers jours du peintre, suivie d'un entretien avec l'auteur, David Haziot.
Un podcast conçu et réalisé par Margot Grellier et Gaëlle Bidan.
Les ateliers henry dougier présentent... le roman d'un chef-d'oeuvre. Mêlant récit romanesque et enquête historique, chaque auteur raconte la véritable saga d'un tableau en le mettant en scène à l'époque et dans le lieu où il a vu le jour.
Plus d'informations sur le livre : http://ateliershenrydougier.com/chemins_sans_issue.html Lire un extrait : https://fr.calameo.com/read/0055539603a705ed27e82 À commander en ligne : https://www.interforum.fr/Affiliations/accueil.do?refLivre=9791031202839&refEditeur=155&type=P
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