Citations sur Le Clan des Otori, tome 5 : Le Fil du destin (23)
On avait donné au guerrier le droit de tuer, et sa classe suivait avec ardeur la voie du sabre. Cependant tout droit entraînait une responsabilité. La passion pour le sabre ne devait jamais dégénérer en passion pour le meurtre.
Gardez votre sabre le plus longtemps possible dans son fourreau, mais une fois qu'il est dégainé, servez-vous en sans hésitation.
Si vous n'êtes pas capable de vous apaiser, que pourrez-vous apprendre ?
Le passé est tout autour de nous [...]. Quant à l'avenir... Parfois, nous nous laissons aller à les scruter l'un comme l'autre. Certains lieux semblent à la croisée des chemins. Cet arbre s'est souvent avéré avoir cette propriété.
S' il vous plaît, je viens à peine de découvrir la saga et je suis toujours plongée dans la lecture du premier tome. Je voudrais savoir si c'est une trilogie ou une saga à 5 tomes. Merci d'avance.
- Sire Otori !
L'homme qui avait déclarer s'appeler le Renard lui tendit le sabre reposant sur ses deux mains, en prenant soin de ne pas le serrer car à la moindre pression la lame aurait entaillé la peau. Le fourreau avait disparu mais les incrustations de bronze et de nacre brillaient sur la pognée. Shigeru le prit malgré lui avec révérence, s'inclina devant le donateur et sentit la puissance du sabre trouvant sa place dans sa main.
La vie, avec ses insupportables douleurs et ses exigences impossibles, l'envahit de nouveau comme un flot impétueux.
- Il ne faut pas vous tuer.
Etait-ce la voix de l'homme, celle de son père mort ou celle du sabre ?
- Vivez et vengez-vous !
Il sentit l'expression de son visage changer, ses lèvres s'entrouvrirent. Les yeux soudain remplis de larmes, il sourit.
- Sire Takeshi n'est plus. Nous l'avons appris par une lettre de Matsuda Shingen. Il est mort à Yamagata et a été enterré à Terayama.
Shigeru pensa stupidement : Il ne m'attendra pas. Je n'ai pas à m'en préoccuper. Puis il n'entendit plus que la rumeur du fleuve au bout du jardin. Ses flots semblaient monter autour de lui. Finalement, il avait bel et bien perdu Takeshi dans ses troubles abîmes. Shigeru n'aspirait plus désormais qu'à être submergé par l'eau et se noyer.
Il entendit quelqu'un sangloter violemment et se rendit compte que c'était lui-même, tandis qu'une terrible douleur oppressait sa poitrine et sa gorge.
Pourquoi maintenant, juste au moment où ils allaient agir ensemble ? Pourquoi l'épidémie ne l'avait-elle pas emporté à la place de son frère ? Il revit Takeshi sur le dos de Raku, galopant à travers la prairie, son regard ravi quand il avait gagné la course, son visage radieux, débordant de vie, l'émotion avec laquelle il avait parlé de cette jeune fille appelée Tase.
Tout en courant, le garçon lui parla d'une voix saccadée des soldats et de l'attaque. Puis il déclara :
- Mais ce n'était pas uniquement pour ça qu'ils me pourchassaient. J'ai fait tomber Iida de son cheval.
Shigeru éclata de rire. Cela ressemblait à un présage : ce serait ce garçon qui ferait chuter Iida.
- Vous avez sauvé ma vie, reprit le garçon. A partir de ce jour, elle vous appartient.
Shigeru rit de nouveau, plein de joie mêlée de fierté. Le garçon avait du courage et des sentiments élevés. C'était un authentique Otori.
- Comment t'appelles-tu mon garçon ? demanda-t-il.
- Tomasu.
- C'est un nom typique des Invisibles. Il vaut mieux que tu t'en débarrasses.
Il eut brusquement une idée et déclara :
- Tu pourras prendre le nom de Takeo.
Il avait déjà décidé qu'il allait adopté ce garçon et en faire son fils. Otori Takeo, fils de Shigeru. Et à eux deux ils allaient abattre Iida Sadamu.
Trop affaibli par Yaegahara pour attaquer franchement les Seishuu au cours des années suivantes, Iida exigea également d'eux des contreparties pour leur alliance avec les Otori. Araï Daiichi reçut l'ordre de sevir Noguchi Masayoshi. La fille aînée de sire Shirakawa, Kaede, fut envoyée comme otage au château de Noguchi dès qu'elle fut assez âgée, et la fille de Maruyama Naomi, Mariko, connut le même sort à Inuyama. On édifia d'énormes châteaux à Yamagata et a Noguchi, et les routes principales furent dotées de postes frontières soigneusement gardés.
Mais tout cela appartenait encore à l'avenir.
Leurs voix semblaient lointaines à Shigeru et la pièce était comme noyée de brouillard. Une seule pensée l'occupait :
- Cependant Jato est venu me trouver. Je ne dois pas mourir avant de m'être vengé. Il est impossible que je cesse d'être le chef du clan. Jato est venu me trouver.
Puis se rappela comment le sabre lui était venu, et les mots de l'homme qui le lui avait apporté.
- Le discernement, la fourberie et surtout la patience.
Telles étaient les qualités qu'il devrait mettre en oeuvre pour survivre. Il allait commencer à les mettre en pratique dès maintenant.