La Conspiration des fantômes

Un esprit sain cherche toujours une cause rationnelle. C'est une bonne méthode pour éviter les angoisses métaphysiques.

Non,son insistance à répéter que l'enfant n'était pas de lui venait de quelque chose de beaucoup plus profond qu'une simple croyance erronée en l'infidélité de son épouse : c'est à cause de ses propres abus sexuels sur la personne de son fils qu'il refusait le lien de sang entre eux, afin d'éviter toute notion d'inceste, ce qui, même dans son esprit détraqué, aurait constitué un acte réellement contre nature

Il y avait pourtant un mouvement dans ce paysage désolé. Un petite créature trottait dans l'herbe et relevait son museau pointu tous les mètres pour renifler l'air. C'était un animal prudent, conscient de la répulsion qu'il inspirait, et la tension faisait crisser sa fourrure rêche. Il atteignit le bord de l'eau et s'immobilisa, comme hypnotisé. Ses petits yeux vifs luisaient.
Avec un couinement apeuré le rat s'éloigna d'un bond de la mare, en tournoyant sur lui-même, et sa longue queue fouette la surface huileuse qu'elle rida momentanément. Le rongeur fila sur la pelouse, traversa la route, et, l'instant suivant, il n'était plus qu'une ombre parmi les ombres, partie rejoindre ses congénères qui rôdaient dans les caves de l'auberge.
Aucun autre mouvement n'était visible. Le village dormait. Mais les rêves de ses habitants n'avaient rien de possible.

Elle gisait assise, adossée à un gros oreiller, la seule position dans laquelle elle pouvait maintenant dormir sans crainte de s’étouffer avec les humeurs qui s’accumulaient dans sa gorge. Elle tenta de se souvenir. Ah, le rêve… Quel rêve merveilleux, où la gravité et l’âge n’avaient aucun pouvoir, et où le corps était le serviteur de l’esprit. La paix que lui avait apportée ce songe, la liberté… Mais pourquoi s’était-elle réveillée ? De l’autre côté de la fenêtre, l’obscurité régnait toujours.

- David je viens d'avoir une impression des plus étranges....
Il tira une chaise vers elle. L'expression de Grace demeura sérieuse tandis qu'elle s'attablait. Elle le regarda s'asseoir à son tour.
- Exactement comme ce matin à l'église, dit-elle. Vous savez, quelques secondes avant que nous ne nous rencontrions...
- Je sais, fit-il en posant une main sur la sienne, comme pour lui affirmer la totale normalité de la situation. Je viens d'éprouver la même chose.
Elle le dévisagea d'un air perplexe.
- Comme une décharge électrique minime, sans douleur, n'est-ce pas ? ajouta-t-il. J'ai eu la même sensation. J'ai su que vous arriviez juste avant que vous passiez cette porte.
- Oui, c'est exactement cela.
Il ôta sa main et elle se pencha vers lui en secouant doucement la tête.
- Je ne comprends rien à ce qui arrive.
- Grace, avez-vous jamais eu des expériences d'ordre paranormal auparavant ?
Elle se redressa d'un coup, surprise par la question.
- Je ne pense pas. Peut-être des choses anodines, comme deviner qui est à l'autre bout du fil avant de décrocher pour répondre. Mais n'est-ce très commun ?
- Pas autant qu'on le pense, mais cela arrive. Souvent, il ne s'agit que d'une déduction instantanée qui s'explique par la logique pure. Vous attendiez un appel de quelqu'un en particulier ou bien personne d'autre ne vous aurait téléphoné à cette heure précise. Mais parfois, c'est une sensation parfaitement inexplicable.

Il n’y avait eu personne au milieu de la route. C’était la seule explication possible. Il avait imaginé cette silhouette. Avec une lassitude aussi soudaine qu’extrême, Ash se remit debout en prenant appui sur la carrosserie glissante de la Ford. Une fois sur ses pieds, il se laissa aller contre la masse rassurante du véhicule, posa un coude sur le toit, l’autre main sur le capot. Ses épaules se voûtèrent et il inspira et expira lentement, à fond, pour se donner le temps d’évacuer la tension accumulée.
Il avait bien vu quelqu’un sur la route au moment où la voiture franchissait le dos du pont. Et il avait eu la certitude que le pare-chocs heurtait le gamin tandis qu’il tournait désespérément le volant.
Le gamin.
Un petit garçon étrange, vêtu d’un manteau à trois boutons et d’un pantalon court dont l’ourlet tombait au-dessous du genou. Comment pouvait-il accuser son imagination s’il avait enregistré des détails aussi précis ?

Non, ce n'était pas possible. Ce genre de choses ne se produisait que dans les histoires d'Edgar Allan Poe. Toute son expérience du paranormal et des phénomènes psychiques, accumulés au cours des ans, lui affirmait que les corps - en particulier ceux réduits à quelques lambeaux de peau et des morceaux d'os desséchés - n'essayaient pas de quitter leur dernière demeure de leur propre volonté. Un esprit pouvait revenir, certes, mais les morts ne se levaient pas pour marcher, pas plus qu'ils n'étaient capables de repousser un couvercle de pierre pesant près d'une tonne.

Ash se sentit faiblir, puis glisser dans l'inconscience. Il s'écroula sur l'herbe comme une masse.

- Cela ne vous dérange pas si je fume ?
- Même par une aussi belle journée vous ne vous souciez pas de polluer l'air, sans parler de vos poumons ?
- Fumer m'aide à réfléchir.
- C'est seulement ce que vous pensez.
- Bon, d'accord : cela m'aide à penser que cela m'aide à réfléchir.
- Vous préparez vos funérailles.
- Et je vous donne une chance de vous sentir supérieure.
Il plongea une main dans la poche de sa veste mais la ressortit vide.
- Et maintenant je n'en ai plus envie, tiens !
- Bravo. Vous vivrez plus longtemps.
- Sûrement. D'environ deux minutes.
- Quand elles arriveront, il se pourrait que vous appréciez ces deux minutes.
- Bien sûr : elles me permettront d'en griller une dernière.

"Curieusement, les bruits ne devenaient pas plus forts mais plus nets et il se rendit compte que c'étaient des voix humaines qu'il percevait. Soudain, il eut la certitude qu'elles émanaient de cette... de quoi ? Qu'était-ce ? Oui, "brume" était le terme qui correspondait le mieux au phénomène."



"Horrifié, Buckler baissa la lunette. Il commençait à comprendre ce dont il était témoin. Les sons étaient des gémissements, parfois des hurlements, et les formes dansantes dans la brume les segments d'un corps humain en train de s'assembler."