Il suivit le rail argenté du rayon de sa torche jusqu'à quatre formes sombres. Quatre rats gigantesques. Qui les attendaient. Tapis dans l'obscurité, ils les attendaient. Pendant quelques instants, les deux groupes se figèrent dans une contemplation mutuelle et totalement immobile. Puis les humains commencèrent à reculer lentement. Les rats continuaient de les regarder fixement. Henry entendit une exclamation étouffée dans son dos et la main de Violet resserra son étreinte sur son bras.
- Derrière nous. Il y en a d'autres ! parvint-elle à articuler.
- Avez-vous vu ce qu'il y a dans la cour de récréation ?
- Ce sont les rats géants, les tueurs.
Ils rentrèrent dans le bureau pour regarder par la fenêtre. Les rats continuaient à s'assembler. Ils pouvaient être deux cents.
- La cour en est noire, dit le jeune professeur qui n'en pouvait croire ses yeux.
- Que cherchent-ils ?
Le directeur se tournait vers Harris comme s'il faisait autorité en ce domaine.
- Les enfants, répliqua Harris.
Encore une fichue semaine à faire la classe à ces petits connards. Professeur de dessin pour des petits salopards dont les plus belles œuvres ornaient les murs des chiottes !
« C’en est donc fait de ton impassibilité, hein ? Tu as peur ! De moi ! »
Une fois debout, il sentit des pattes courir sur tout son corps. Baissant la tête pour tenter d'apercevoir ce qui pouvait bien grimper aussi vite que lui, il reçut de plein fouet une haleine tiède et fétide. Destinées à sa gorge, de longues dents se plantèrent dans sa joue dont elles arrachèrent un gros morceau.
Il titubait à travers la pièce, battait l'air de ses bras, le sang giclant de son corps. Il crut avoir trouvé la porte, mais quelque chose de lourd lui sauta sur la nuque et le jeta de nouveau par terre.
DES RATS ! Ce mot hurlait dans sa tête. DES RATS ME DÉVORENT VIVANT !
Dieu, mon Dieu, au secours.
La chair de sa nuque fut arrachée par lambeaux. Il ne pouvait plus se relever à présent ; il avait trop de rats sur son dos, mangeant sa chair, buvant son sang. Des frissons parcouraient son échine jusqu'à son cerveau hébété.
PEGI 18 !!! :-)
Les rats s'étaient repus de son corps. Mais la faim les tenailla bientôt. Alors ils se mirent en quête d'un nouveau festin. Ils avaient goûté au sang de l'homme.
Tiens ! Hurlait-il à chaque coup qu’il portait à la créature agonisante. Pour tous ceux qui sont morts par ta faute ! Pour les salauds, pour les innocents – pour les rats tes semblables.
- Par ici, par ici ! lança Henry.
Ils furent bientôt entourés d'uniformes ; policiers et employés du métro. Henry les mit au courant et ils ouvrirent des yeux ronds, incrédules.
- Voyons monsieur, des rats ne pourraient jamais - n'oseraient jamais - attaquer tout un train de voyageurs ! protesta un brigadier en secouant la tête. Gênants ou pas, ils ne pourraient pas entrer dans les voitures. C'est la fumée, les émanations qui vous auront tourné la tête.
Violet bouscula le petit clerc d'avoué pour venir faire face au policier en criant avec colère.
- Vous n'avez qu'à y aller voir, puisque vous êtes si malin ! (Puis se tournant vers Henry, elle lui prit la main puis se radoucit ;) Merci, merci de nous avoir aidées.
Henry rougit et baissa les yeux.
- Ouais, bon, ben très bien dit le brigadier. Nous continuons, deux hommes vont vous raccompagnez jusqu'à la station.
- Pas moi dit Henry. Je retourne avec vous. Vous allez avoir besoin de toute l'aide que vous pourrez trouver. (Il regarda la femme qui n'avait pas desserré son étreinte). Au revoir. Nous nous reverrons.
Avant qu'il ait pu retirer sa main de la sienne, elle s'avança et lui déposa un baiser sur la joue.
- Au revoir, chuchota-t-elle.
Tout à coup, les sombres créatures sortirent de l'eau et entreprirent de gravir la berge. Les deux hommes les virent alors en entier pour la première fois.
- Bon Dieu, ils sont énormes ! s'écria Harris.
- Je n'en ai jamais vu de cette taille, confirma Harris, bouche bée. On n'a pas intérêt à s'approcher mon pote; inutile de... heu, de les exciter hein ?
- Il va quand même falloir que nous les suivions dit Harris, non sans fermeté. Ils nous conduiront peut-être à leur repaire.
Alors qu'il parlait, le rat de tête s'arrêta court et tourna la tête dans leur direction. Les deux autres se figèrent et en firent autant.
Harris n'oublierait jamais l'horreur qu'il ressentit sous le triple regard des petits yeux aigus et méchants. Ce n'était pas seulement leur taille ou la répulsion naturelle qu'on ressent devant cette vermine. Ils ne faisaient pas mine de s'enfuir, ne cherchaient pas à se cacher. Ils ne donnaient aucun signe de frayeur. Trois formes immobiles, dévisageant les deux hommes avec malveillance, comme si les animaux se demandaient s'ils allaient traverser le canal pour les attaquer pour poursuivre leur chemin. Harris savait que si les rats manifestaient la moindre intention de les attaquer, il s'enfuirait de toute la vitesse de ses jambes.
- Et si ça ne marche pas ? (Harris)
- Si quoi ne marche pas ? (Foskins)
- L'idée.
- Dieu seul pourrait répondre à votre question, Harris. Et, si ça ne marche pas, c'est de lui que nous aurons besoin !