Malgré leurs promesses de ne pas se revoir, de respecter les codes de leur milieu, d'envisager rationnellement leur avenir, de se projeter avec réalisme dans les mille tracas d'une vie de couple, de prendre conscience du risque d'échec, de craindre de déshonorer leur famille et d'avoir des enfants anormaux, bref de rompre, selon les voeux exprimés par les parents respectifs, ils n'en firent rien.
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Un silence recueilli suivait ces lectures, comme s'il fallait préserver ce lien créé par les mots face à la peur, l'isolement et l'indifférence. La poésie criait plus fort que la guerre. Les poètes se portaient au secours des hommes pour les faire espérer et vaincre.
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Une représentation compulsive leur tenait lieu de grammaire de vie. Josée et May étaient dotées de corps juvéniles, menus, anguleux. Elles étaient de toutes les collections de couture, de tous les goûters, de tous les concerts. La guerre figeait les avenirs et il fallait remplir l'inquiétude de vivre par l'éphémère présent. L'existence des deux amies était un manège mondain dont la vélocité augmentait au fur et à mesure de l'aggravation du conflit.
La guerre figeait les avenirs et il fallait remplir l'inquiétude de vivre par l'éphémère présent.
Avoir vingt ans en 1940, c'était se demander si l'on n'allait pas, tôt ou tard, se soumettre aux nazis. C'était penser que l'on obéirait un jour à des maîtres.