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Citations sur Les Contemplées (95)

L'infidélité d'une femme, réelle ou supposée, en plus de ruiner sa réputation, jette souvent l'opprobre sur sa famille tout entière. Les parents, les frères et les sœurs de Samira, s'estimant salis par son crime, lui ont tourné le dos. Quant à son mari, il ignore ses courriers et la prive de nouvelles de ses enfants. La communication rompue, tout espoir de libération anticipée s'est envolé, car il est le seul à pouvoir la faire sortir d'ici. Un courrier de sa part et Samira serait libre. Tel est le pouvoir olympien des maris sur leurs épouses. D'un pouce dans l'arène, ces petits césars scellent le destin des femmes qu'ils possèdent. Ils sont nombreux à utiliser cette loi pour se débarrasser d'elles et obtenir la garde de leurs enfants.
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Seule la chasse aux insectes me sort parfois de ma léthargie. C'est le sport national de la Manouba. Le plus souvent, ce sont les mouches qui font s'agiter les détenues. On voit leurs bras se balancer dans la pièce comme des queues de vache dans un pré. Balayage à droite, balayage à gauche, c’en est devenu machinal. Je chasse les mouches comme je ramène mes cheveux derrière mes oreilles, sans y penser. Quand un cafard s'approche, en revanche, c'est une autre histoire. Je bondis comme une chatte. C'est une cohabitation à laquelle j'ai plus de mal à me faire. Ils ne sont pas très gros mais téméraires, ils n'hésitent pas à grimper sur les lits. Ils respectent toutefois un Code de la route assez strict en n’empruntant la plupart du temps que les boulevards des barreaux en métal. Il faut vraiment qu'il se soit égaré pour qu'on en retrouve un dans les chemins de traverse de nos draps. Mais si un pied ou une main leur barre la route ils n'hésitent pas à gravir l'obstacle et les vols planés des pichenettes que nous leur infligeons ne semblent aucunement entamer leur détermination. Leurs carapaces épaisses et leurs petites pattes élancées les protègent en cas d'accident. Sitôt atterris, ils sautent sur leurs pieds et se remettent en route. Les occupantes des couchettes inférieures souffrent encore plus de ces envahissants colocataires, car les cafards circulent sans vergogne au-dessus de leurs têtes sur les sommiers en métal qui semblent constituer les centres névralgiques de leur petit réseau routier. Jour et nuit, ils sont là qui se promènent, échangent des informations olfactives, transportent un paquet, font la course, s’accoudent à un barreau, grignotent un morceau de rouille, s'accouplent sous nos yeux puis repartent en sifflotant, les antennes dans les poches. Leurs vies sont bien plus trépidantes que les nôtres. Il n'y a pas d'autre choix que de se résigner à assister à ce spectacle décadent. Le temps d'en chasser un, cinq autres apparaissent. Les lits éloignés des sanitaires sont plus préservés. J'ai tôt fait de comprendre pourquoi les lits superposés attenants aux toilettes sont cordialement laissés aux primo-arrivantes. À nous les odeurs, les bruits et les cafards. Les anciennes ont déjà donné.
(p.63-64)
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Les après-midi sont de longues pages blanches durant lesquelles il faut affronter l’ennui comme on peut. Le premier objectif de la journée reste de la passer. Ce sera déjà une bonne chose de faite. Une de plus, une de moins. 
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Je me souviens alors d'une promesse faite à Boutheina, un soir au-dessus d'un verre de Fanta orange, alors qu'elle me disait sa peur d'être oubliée de tous et effacée du monde. Je lui avais promis de ne jamais l'être de moi. À présent nous y voilà, le temps est venu de tenir ses promesses. Si je n'ai pas le pouvoir de libérer la vieille Boutheina, de réparer les drames et les injustices, de ressouder toutes les ailes et tous les petits bréchets cassés de la terre, ou de renverser les lois et le pouvoir des hommes (en tout cas pour l'instant), il en est un que j'ai et que personne ne peut m'enlever, celui, modeste et pourtant immense, de faire exister le temps de quelques pages ces femmes que plus personne ne voulait voir, sauf moi. Et de les rendre ainsi indélébiles.
(p.177)
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Toutes mes visions du bien, du mal, de la justice, de la morale, sont remises en question. Les cartes de la vie sont rebattues, tout est à revoir. Je me défais peu à peu des préjugés moraux que je brandissais jadis avec l'arrogance d'un petit prêtre. Je désapprends. L'humanité s'est présentée à moi nue, dans ce qu'elle a de plus brut et de plus sincère, sans rien dissimuler de ses contradictions et de ses zones grises, faisant voler en éclats tous mes repères et me poussant à une introspection philosophique que je n'avais pas vue venir. Quand je promène mes yeux dans la pièce, je ne suis plus capable de distinguer les bonnes des mauvaises, les innocentes des coupables, les gentilles des méchantes. Ça ne marche plus comme ça. Et je comprends que la vie non plus ne marchera plus jamais comme ça.
(p.110)
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Une question obsédante tourne en boucle dans mon cerveau, à laquelle j’avais toujours cru savoir répondre dans mon manichéisme obtus de post-adolescente, mais qui aujourd’hui me laisse complètement désarçonnée. Où sont les bourreaux où sont les victimes ? Je ne sais plus. Les concepts de culpabilité et d’innocence me deviennent de plus en plus flous, poreux.
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Une question obsédante tourne en boucle dans mon cerveau, à laquelle j’avais toujours cru savoir répondre dans mon manichéisme obtus de post-adolescente, mais qui aujourd’hui me laisse complètement désarçonnée. Où sont les bourreaux où sont les victimes ? Je ne sais plus. Les concepts de culpabilité et d’innocence me deviennent de plus en plus flous, poreux.
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Mais en acceptant de jouer selon ses règles je finis par en apprendre un peu plus sur cette Jacques Mesrine en djellaba, aux cent conquêtes et mille roublardises, embobineuse de gardiens, gouailleuse des cellules, facétieuse, drôle et si pleine de vie.
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J'ai écrit ce livre, pour que tout ne disparaisse pas à jamais sous la poussière. Le temps de quelques pages j'ai voulu faire exister celles qui avaient été injustement oubliées. Ce roman d'adieu est pour elles. Aux femmes de la Manouba. À toutes les prisonnières. Aux rejetées. Aux rebues. Aux innocentes. Aux coupables. À mes sœurs du Pavillon D, pour qui je n'ai pas eu le temps d'apprendre à dire au revoir. Besslama. p. 180
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Elle l’avait regardé droit dans les yeux. Ce sac à merde ne sachant ce qui allait lui arriver s’était plaint qu’elle lui bouchait la vue. Puis sans rien dire, sans crier, sans pleurer, sans trembler, comme elle l’avait toujours fait, elle s’était jetée sur lui, avec une force surnaturelle de somnambule, et lui avait mis cinq coups de couteau dans le buffet. 
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