Sans doute, tu t'es réveillé de ton rêve... Mais à quoi bon ? Il t'en est resté le ravissement inexprimable dont la blessure meurtrière, sous les apparences de la vie ordinaire, ne cesse de déchirer l'âme... n'est-il pas vrai ? Autour de toi, tout te semble alors désert, sinistre, exsangue. C'est ton rêve seul, as-tu pensé, qui constitue la vraie réalité de ton existence, et ce que tu tenais jusqu'à présent pour ta vie normale n'est qu'une aberration de tes sens égarés. Toutes tes pensées ont finalement convergé au foyer, au calice embrasé de la suprême ardeur, tabernacle de ton suave mystère, contre l'anarchie aveugle et sauvage de la vulgarité quotidienne.
"Tu me pardonneras, cher lecteur, d'avoir voulu simplement essayer de t'arracher à l'étroitesse et à la mesquinerie de la vie de tous les jours, pour te divertir de façon originale au coeur d'un domaine qui, pour être fantastique, n'en est pas moins un fief de ce royaume que l'esprit humain, au sein de l'être et de la vie véritable, régit à son gré souverain."
Tous regardèrent avec curiosité l'étranger et convinrent que, dans les traits de son visage, au demeurant plein d'esprit, il y avait quelque chose d'incertain et de trouble permettant de supposer l'existence d'une maladie dangereuse, laquelle consistait, en somme, dans un délire caché.
Le chemin qui paraît s'égarer, mais que le voyageur suit avec persévérance, le fait pourtant maintes fois déboucher soudain devant le but qu'il avait perdu des yeux...
Et ne penses-tu pas comme moi, ô lecteur, que, de tous les contes fantastiques, c'est l'esprit humain lui-même qui est le plus merveilleux? Quel monde splendide repose au sein de notre conscience! Aucun soleil ne l'étreint dans son orbite; ses trésors éclipsent les insondables richesses de l'univers visibles tout entier.(...) Bénis ceux qui en prennent vraiment conscience.
"Souviens-toi de la vision de ton rêve."...dans la solitude et le désert de l'exil, des rêves suffocants nous accablaient.Nous voici maintenant réveillés dans notre véritable patrie, nous redécouvrons en nous-mêmes notre vrai Moi, nous ne sommes plus des orphelins.