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Critique de markko31


Dear Lord ! Cette couverture inoffensive bien que suggestive m'aura valu quelques regards réprobateurs ou émoustillés dans le métro. Holly crap, on croirait que je fais une lecture publique de Matzneff (no way) ou que je sors d'un spectacle de Dieudonné (noooo way). Notre époque est décidément bien fébrile.

Pour l'instant, retournons aux années 80, avant l'apparition du SIDA. William, aristocrate homosexuel et désoeuvré d'une vingtaine d'années, passe son temps entre la piscine du Corinthian et les soirées londoniennes que certains hypocrites qualifient d'interlopes. Ayant sauvé un certain Lord Nantwich lors d'un malaise dans une pissotière, le voilà entrainé dans l'univers du vieil homme et dans ses souvenirs. le velléitaire William acceptera-t-il de jouer les biographes pour ce vénérable Lord jusqu'ici "in the closet"? D'ailleurs, sait-il lui-même ce qu'il veut, ce qu'il cherche?

Certes, nous entrons rapidement dans le vif du sujet sexuel, la plupart du temps à l'anglaise, c'est-à-dire avec beaucoup d'ironie, d'euphémismes et de bon goût. Néanmoins, notre héros William étant jeune/fougueux/déluré, les délices de l'understatement laissent régulièrement place à quelques saillies propres à faire hurler les ménagères et les esprits chagrins. Notons, détail négligeable, une énième confirmation que les internats anglais fourmillent d'orgies à tous les étages (cliché).

La 4ème de couverture balance fort les superlatifs et va jusqu'à convoquer Proust. Tout en restant plus calme, je vois où se situe l'analogie et valide l'ambition d'écrire un état des lieux des amours masculines au XXème siècle, en gros des années 20 aux années 80: ce qui a changé, ce qui perdure, ce qui reste à conquérir. Et le premier allié de cette ambition reste le style de Hollinghurst, éminemment littéraire sans ostentation, élégant, raffiné. L'argument, plus qu'intrigue à proprement parler, est servi par sa prose précise, minutieuse, attentive. le plaisir du beau style est assez rare pour être souligné, et nous porte dans la traversée de cette époque. Certains déplorent l'absence d'intrigue forte, alors qu'ici la beauté de la forme porte le fond. Pas besoin d'une énigme à tiroirs ou d'un arc narratif du personnage valant morale. Non, le caractère de notre William et son avenir restent irrésolus, indécidables. Tout au plus, à partir d'un basculement au dernier tiers du livre, une inflexion de l'insouciance vers un peu plus de profondeur et de mélancolie. L'expérience de la vie aura été profitable.

Sans avoir l'air d'y toucher, Hollinghurst met l'accent sur certains thèmes sensibles : vision coloniale caricaturale des souvenirs de Lord Nantwich en Afrique et son romantisme libidineux, rapports de classes entre l'aristocrate William et ses amants prolétaires, passage à tabac et ennuis judiciaires arbitraires dont sont encore victimes en 83 les représentants trop visibles d'une homosexualité dépénalisée seulement en 1967 en Angleterre.

Je ne sais si Alan Hollinghurst est « l'un des plus grands romanciers anglais contemporains », comme l'affirme son éditeur français, mais ce qui est sûr, c'est que sa plume est assez envoutante et affûtée pour que j'y retourne.
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