La poursuite du bonheur

La poursuite du bonheur/Michel Houellebecq
On retrouve dans ses poésies la désillusion et le désenchantement de la prose de Michel Houellebecq. Que ce soit la nature, la famille ou l'humanité, rien ne trouve grâce à ses yeux.
« Mon père était un con solitaire et barbare.
Il ne supportait pas qu'un jour je le dépasse
Juste en restant vivant alors qu'il crèverait. »
Le ton est donné !

M.H. nous offre une poésie urbaine et contemporaine, parlant de ce que nous voyons tous les jours. Il ressent la morosité du quotidien, sa vanité et son illusion.
« Il y aura des journées et des temps difficiles
Et des nuits de souffrances qui semblent insurmontables
Où l'on pleure bêtement les deux bras sur la table
Où la vie suspendue ne tient plus qu'à un fil. »

Quelques rares éclairs d'amour viennent émailler cette déréliction :
« Je me tourne vers toi qui as osé m'aimer
Viens avec moi partons, je voudrais retrouver
Les traces de la nuit. »
« Il y aura la mort tu le sais mon amour
Il y aura le malheur et les tout derniers jours
On n'oublie jamais rien les mots et les visages
Flottent joyeusement jusqu'au dernier rivage
Il y aura le regret puis un sommeil très lourd. »

Et puis quelques alexandrins insolites :
« Et si je m'achetais un tee-shirt « Jésus » ?

Une observation poétique en prose :
« Il est des moments dans la vie où l'on a presque l'impression d'entendre l'ironique froufrou du temps qui se dévide. »

Une strophe que personnellement j'ai bien aimée :
« Aux confins du désert Mojave
Vit un cactus bimillénaire
Il a poussé sur de la lave
Serein comme un dieu tutélaire. »

La poursuite du bonheur : voyage en Utopie ? Chacun a sa réponse !

Un petit recueil poétique très Houellebecq. J'ai bien aimé.

Michel Houellebecq est surtout connu pour ses romans qui sont souvent des « best sellers ». Mais il écrit aussi des poésies qui sont probablement ignorées du grand public. Dans le présent recueil, on retrouve la profonde tristesse, l'apparent cynisme et l'absence d'empathie affichée vis-à-vis de l'humanité qui caractérisent cet écrivain. Les textes présentés ici sont donc sombres, "gris" plutôt que noirs; ils sont souvent déprimants. J'ajoute que l'écriture de Houellebecq est assez terne, "classique", sans audace formelle. Quelques-unes de ces poésies ont quand même retenu mon attention.

Je pense donner une assez bonne impression d'ensemble de ce recueil – et après tout, c'est le but de ce genre de notes – en disant que ça ressemble à la provision préalable de lugubre et de malheur à laquelle s'alimentent les romans heureusement moins monochromes de son auteur. J'ajouterai aussi qu'à ce stade, la faculté de Houellebecq à broder à l'infini autour des thématiques étroitement mêlées de la solitude, de l'absurde et du désespoir (toujours saupoudrés de cette espèce de misanthropie lasse qui n'a plus la force de devenir vraiment de la méchanceté), suscite chez le lecteur une forme de stupeur qui préserve à peu près de l'exaspération, mais tout de même, quand on nous vend en quatrième de couverture "une forme classique très maîtrisée" pour un recueil de pseudo-sonnets truffés presque pour moitié de vers du genre de « Beaucoup semblaient surpris par mes nouvelles chaussures » ou "La première se retourne et dit à sa voisine", et qui semblent se prendre pour des alexandrins, laissez-moi doucement rigoler !
Soyons juste et notons aussi quelques réussites, du genre "Mon père était un con solitaire et barbare " ou "Dans un ciné porno, des retraités poussifs / Contemplaient, sans y croire / Les ébats mal filmés de deux couples lascifs", mais bon, à ce niveau-là il ne faut pas laisser traîner les fautes de rythme, sauf à montrer qu'on n'y comprend rien ! Ou bien...
... Si Houellebecq voulait démontrer par l'exemple que, comme il le clame à longueur de roman, l'époque court à sa perte en mettant sur un piédestal n'importe quoi, sans se soucier que cela cède à une facilité éhontée, pourvu que ça semble rentable, il ne s'y prendrait pas autrement. Ce qui, du coup, redonnerait sa cohérence à l'ensemble. Et vous conviendrez que là, je suis allé assez loin, en tirant assez fort sur une bonne touffe de cheveux, à la rescousse de ces quelques pages.
Si je voulais pousser l'indulgence un peu plus loin, maintenant que j'ai terminé le recueil (et je le veux bien parce que j'aime bien Houellebecq, dans le fond), je dirais que dans la dernière partie il y a quelques textes où s'exprime une soif d'amour, de beauté, et le regret de la façon dont la dureté de l'époque nous en prive. le titre du recueil prend son sens et le paysage s'éclaire un peu : un autre versant de l'oeuvre de Houellebecq, ce que dissimule en fait le cynisme sec des romans. Si on ne se retenait pas, on se sentirait presque réconforté.

Voilà qui me réconcilie avec l'univers de Michel Houellebecq. Oui, il ne faut pas confondre, si j'en crois mon expérience et l'expérience des autres, l'oeuvre poétique de Houellebecq et son oeuvre romanesque. À l'évidence, il y a des passerelles entre les deux mais je dois confesser que je suis nettement plus sensible à sa poésie, notamment versifiée, qu'à sa prose. Certaines réflexions de ce livre sont très justes et cruelles à l'égard de la société contemporaine. Je pense même que ce livre va m'aider à pénétrer plus facilement dans les différents romans de son auteur. Ce petit recueil est un bijou dont il serait dommage de se priver.

Dans rester vivant, Michel Houellebecq nous exposait sa méthode d'artiste qui consistait à articuler sa souffrance dans une structure bien définie.
Dans la poursuite du bonheur, il met en application ses préceptes.
A l'Instar d'un Baudelaire du XXI ème siècle, il tâche d'extraire la beauté de la noirceur de son monde.
Posture? Mise en scène ? Il respecte les métriques anciennes. C'est peut-être pour cela qu'à mesure que je le relis, je me détache de son désespoir, c'est un peu désolant d'ailleurs.
Il y a tout de même de très beaux passages, la forme classique peut toujours fonctionner.
Cet attachement à la versification n'est peut-être qu'une autre manifestation d'une nostalgie bien réelle.
Sur le fond, le mantra subliminal de Michel reste: "n'ayez pas peur du bonheur ; il n'existe pas ", phrase très certainement composée avant un sérieux traitement sérotoninergique.
Heureusement, la dépression se soigne .

J'ai lu deux romans de Michel Houellebecq, et je suis complètement passée à côté. Quand j'ai vu qu'il faisait partie de la liste des auteurs pour le challenge solidaire 2023, j'ai pensé que je ferais l'impasse, puis j'ai eu la chance de trouver ce recueil de poésie dans une boite à livres.
Même si je trouve que la quatrième de couverture en fait trop avec ses "forme classique très maitrisée" ou "grand poète populaire" (si ce n'était pas du Houellebecq, ça n'aurait pas été édité), j'ai apprécié certains des poèmes, et j'ai lu l'ensemble sans déplaisir. Mais sans plus. Je trouve qu'il y a une tonalité presque poisseuse, et comme pour ses romans je n'ai pas réussi à adhérer (surtout aux poèmes à la première personne, d'ailleurs).

Comment dire...
Quel emmerdement.
Jouer de forme classique au coucher du XXe siècle pour parler d'hypermarché et d'amour en toute platitude, ça frise le 8e degré. Malgré une pincée d'humour, le rendez-vous est au gris anthracite, à l'ennui offert en partage. C'est le plomb du sonnet. Un rideau de rimes embrassées ou croisées, nourries d'alexandrins farcis de désastre. J'ai tenu bon jusqu'à la fin, rassemblant ma bonne volonté. Mais pourquoi tenir à publier ce bout d'âme en lamentation, sans grâce. Prendre ainsi la forme poétique en otage, pour le pire des potages, c'est une insulte à la littérature.