Citations sur Non réconcilié : Anthologie personnelle 1991-2013 (19)
l n'y a pas d'amour
( pas vraiment, pas assez )
Nous vivons sans secours,
Nous sommes délaissés.
L'appel à la pitié
Résonne dans le vide
Nos corps sont estropiés,
Mais nos chairs sont avides.
Disparues les promesses
D'un corps adolescent,
Nous entrons en vieillesse
Où rien ne nous attend
Que la mémoire vaine
De nos jours disparus,
Un soubresaut de haine
Et le désespoir nu.
Nous avons traversé fatigues et désirs
Sans retrouver le goût des rêves de l'enfance,
Il n'y a plus grand-chose au fond de nos sourires,
Nous sommes prisonniers de notre transparence.
Tant de cœurs ont battu, déjà, sur cette terre
Et les petits objets blottis dans leurs armoires
Racontent la sinistre et lamentable histoire
De ceux qui n'ont pas eu d'amour sur cette terre.
La petite vaisselle des vieux célibataires
Les couverts ébréchés de la veuve de guerre
Mon Dieu ! Et les mouchoirs des vieilles demoiselles
L'intérieur des armoires, que la vie est cruelle !
Les objets bien rangés et la vie toute vide
Et les courses du soir, restes d'épicerie,
Télé sans regarder, repas sans appétit.
Enfin la maladie, qui rend tout plus sordide,
Et le corps fatigué qui se mêle à la terre,
Le corps jamais aimé qui s'éteint sans mystère.
Il est vrai que ce monde où nous respirons mal
N'inspire plus en nous qu'un dégoût manifeste.
Une envie de s'enfuir sans demander son reste,
Et nous ne lisons plus les titres du journal.
Nous voulons retourner dans l'ancienne demeure
Où nos pères ont vécu sous l'aile d'un archange,
Nous voulons retrouver cette morale étrange
Qui sanctifiait la vie jusqu'à la dernière heure.
Nous voulons quelque chose comme une fidélité,
Comme un enlacement de douces dépendances,
Quelque chose qui dépasse et contienne l'existence;
Nous ne pouvons plus vivre loin de l'éternité.
Ma vie, ma vie, ma très ancienne
Mon premier voeu mal refermé
Mon premier amour infirmé
Il a fallu que tu reviennes
Il a fallu que je connaisse
Ce que la vie a de meilleur
Quand deux corps jouent de leur bonheur
Et sans fin s'unissent et renaissent
Entré en dépendance entière
Je sais le tremblement de l'être
L'hésitation à disparaître
Le soleil qui frappe en lisière
Et l'amour, où tout est facile,
Où tout est donné dans l'instant
Il existe, au milieu du temps,
La possibilité d'une île.
Il est temps de faire une pause
Avant de recouvrir la lampe.
Dans le jardin, l'agonie rampe ;
La mort est bleue dans la nuit rose.
Le programme etait défini
Pour les trois semaines à venir ;
D'abord mon corps devait pourrir,
Puis s'ecraser sur l'infini.
L'infini est à l'intérieur
J'imagine les molécules
Et leurs mouvements ridicules
Dans le cadavre appréciateur.
"Vivre sans point d'appui, entouré par le vide,
La nuit descend sur moi comme une couverture
Mon désir se dissout dans ce contact obscur ;
Je traverse la nuit, attentif et lucide."
Faut-il toucher la mort
Pour atteindre la vie ?
Nous avons tous des corps
Fragiles, inassouvis
Il y aura la mort tu le sais mon amour
Il y aura le malheur et les tout derniers jours
On n’oublie jamais rien, les mots et les visages
Flottent joyeusement jusqu’au dernier rivage
Il y aura le regret, puis un sommeil très lourd.
Dans un ciné porno, des retraités poussifs
Contemplaient, sans y croire,
Les ébats mal filmés de deux couples lascifs;
Il n’y avait pas d’histoire.
Et voilà, me disais-je, le visage de l’amour,
L’authentique visage:
Certains sont séduisants ; ils séduisent toujours,
Et les autres surnagent.
Il n’y a pas de destin ni de fidélité,
Mais des corps qui s’attirent;
Sans nul attachement et surtout sans pitié,
On joue et on déchire.
Certains sont séduisants et partant très aimés ;
Ils connaîtront l’orgasme.
Mais tant d’autres sont las et n’ont rien à cacher,
Même plus de fantasmes;
Juste une solitude aggravée par la joie
Impudique des femmes