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sur 2560 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La Weltanschaung  [conception du monde] de Michel Houellebecq est bien déprimante. Et les années qui passent n'améliorent pas les choses. Toujours du sexe triste. Des femmes peu aimées réduites à un plaisir peu épanouissant. La vision d'une société consumériste, en proie à la globalisation et à l'ultra-libéralisme, néfaste à son environnement et fatale aux plus faibles.

Bon cela dit, on aurait tort de négliger la prose Houellebecquienne sous prétexte qu'il radote, qu'il est obsédé, misogyne, homophobe, qu'il est désespéré et désespérant. D'abord parce que le cynisme de Houellebecq est drôle, (je n'y résiste pas, à chaque fois je me dis que c'est fini, je ne lirai plus les livres du bonhomme, et je repique) et qu'ensuite sa vision, qu'on partage ou pas, a le grand mérite de nous faire réfléchir. Entre autres choses, sur notre rapport au monde et aux autres, sur notre besoin essentiel d'amour, parfois compromis par un individualisme forcené.

«... je ne crois pas me tromper en comparant l'amour à une sorte de rêve à deux, avec il est vrai des petits moments de rêve individuel, des petits jeux de conjonctions et de croisements, mais qui permet en tout cas de transformer notre existence terrestre en un moment supportable – qui en est même, à vrai dire, le seul moyen. »


Challenge MULTI-DÉFIS 2019
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Florent-Claude Labrouste est un homme vieillissant, impuissant et dépressif qui, malgré le Captorix, un antidépresseur, songe beaucoup à la mort et aux femmes avec qui il a vécu ou qu'il a simplement rencontrées. ● Il me semble que la qualité première de ce texte est son humour quasi-constant et extrêmement jouissif. On sourit presque en permanence. ● Cependant, je comprends qu'il puisse choquer, car Houellebecq essaie de se cacher derrière un narrateur transparent pour dire les pires horreurs, notamment sur les femmes et les homosexuels. C'est très politiquement incorrect – ce dont il s'est fait une spécialité. ● Contrairement à d'autres lecteurs qui fustigent son style, au moins dans ce roman-ci, je l'ai trouvé très agréable, passant d'un lyrisme échevelé à la plus grande trivialité presque sans transition. C'est très revigorant et cela change de bien des romans qui se publient aujourd'hui. ● Certes, l'intrigue est des plus minces, mais je pense qu'en matière de roman, le plus difficile est d'en réussir un sans intrigue car il faut alors que tout le reste soit excellent (en l'occurrence monologue intérieur, style, personnages, réflexions d'ordre général...). ● Encore une fois contrairement à d'autres lecteurs, je ne trouve pas que son analyse de la société contemporaine soit si pertinente que cela. Dire qu'il a anticipé la crise des gilets jaunes me paraît très exagéré. Il me semble que dans ses analyses on peut trouver deux écueils : soit il se trompe complètement, soit il enfonce des portes ouvertes, comme ses propos sur les agriculteurs. ● Je comprends aussi que le surmarketing et le battage médiatique autour de lui et de son oeuvre puissent insupporter, de même que le placement de produits, franchement détestable. ● Mais, contrairement à ses livres précédents, comme Soumission, que j'avais détestés, Sérotonine m'a procuré un grand plaisir de lecture.
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C'est un bon cru, le Houellebecq 2019. Comme toujours fort en bouche, étrangement enivrant, noir de robe, râpeux au palais et plombant sur l'estomac, les amateurs apprécieront mais ne seront pas surpris je pense car tous les ingrédients connus sont là, ni plus ni moins, si ce n'est une dose d'humour féroce plus marquée : le héros qui tombe, étranger à lui-même, le regard juste sur l'époque, la mélancolie, les marques et le name dropping, une esthétique du monde atterrante de laideur et de vide, et toujours la souffrance du manque d'amour (je m'étonne sur ce dernier point de lire ici ou là que c'est un thème nouveau chez Houellebecq car l'amour est toujours présent, certes en creux, dans l'ensemble de ses romans et poèmes).
On peut saluer la cohérence de l'oeuvre ou déplorer que Houellebecq se fige dans son personnage de Houellebarre comme le beau Serge à l'époque; pour ma part, je continue de goûter à chacune de ses cuvées avec le même plaisir accompagné d'une étonnante tendresse.
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Je viens tout juste de le terminer. Au vu des quelques critiques que j'ai pu lire, je n'ai pas grand-chose à rajouter. Je me sens souvent comme un héros houellebecquien, enfin comme beaucoup de lecteurs, j'imagine. Il nous offre une bonne image de la France contemporaine et des préoccupations des représentants de la classe moyenne. Ce roman est fidèle et comparable aux autres. Peut-être encore un peu plus de cynisme et de dérision. L'humour, chez Houellebecq, me fait rarement rire car il est souvent synonyme d'une grande souffrance morale de ses personnages. Bien sûr il provoque, il caricature, il extrapole, mais ce n'est pas un hasard s'il est un des auteurs français les plus lus. Tout ceux qui aiment ses livres s'y retrouvent. Je fais souvent, comme le héros de « Soumission », le parallèle avec Huysmans. « A rebours » est un de mes romans fétiches. Une certaine volonté de vouloir (parfois) se retirer du monde, d'avoir la sensation d'avoir vécu tout ce que j'avais à vivre. Mais, à la différence des héros de Houellebecq ou de Des Esseintes, ma foi et ma spiritualité me sauvent. J'ai alors une autre vision du monde qui m'entoure, et de moi-même. Pour ceux qui connaissent, les personnages des films de Marco Ferreri sont comparables à ceux de Houellebecq. Un mal de vivre dans un monde qui les dépasse, dans lequel il ne peuvent se réaliser. Cette espèce de mélancolie que l'on traîne en fait depuis la nuit des temps, depuis que l'homme a pris conscience de sa condition d'homme. Une interrogation perpétuelle sur notre existence d'humain, face à la société. Chez Houellebecq, c'est l'amour qui pourrait sauver ses personnages. Mais bien souvent, ils passent à côté, et c'est après qu'il s'aperçoivent de leur erreur. Mais c'est trop tard. Il est vrai que l'amour est une certaine forme de spiritualité. Merci Michel pour cette grande lucidité sur l'humain.
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Cela commence comme dans un rêve. Deux filles superbes et brunes descendent de voiture, je regarde leurs sourires dans ma combinaison bleue de garagiste, un short moulant, une mini-jupe mini, ce parfum d'ivresse, de jasmin et de chatte humide. Je fond pour un sourire, et craque pour leurs culs croquants. Terriblement bandant cet effet qu'elles me font sur une route ensoleillée de l'Andalousie, dans la province d'Almeria. J'ai chaud, même dans les rêves, dès qu'il y a du soleil, je sue à grosses gouttes de plaisir de voir ces courbes danser autour de moi, comme un morceau de glace dans un verre de mojito, ces seins qui dansent le hula hoop sous mes yeux prêts à gicler des larmes de bonheur et de jouissance. Pour parfaire la tableau idyllique de cette scène, la radio diffuse un extrait de « Ummagumma », le plus grand album rock de l'histoire du rock et de tous les temps. Cela en devient presque trop pour moi, l'éjaculation est déjà au bord du drame quand je pose ma main au bord de leurs fentes sans défense et ouvertes à mes propositions.

C'est à ce moment-là que je me réveille, me demandant ce que je fais dans cette putain de vie qui n'en finit pas. J'avale ma salive, amère, en même temps que mon comprimé blanc et ovale. le café coule, ploc-ploc, au goutte-à-goutte dans la cafetière. Noir, un demi-sucre pour accompagner ma triste destinée dans un monde où la biochimie s'est substituée à mon plaisir. Mon taux de sérotonine (c'est fou comme ce mot me renvoie à mes cours de biochimie de M. Pelmont) sanguin croit en même temps que la ferme virilité de mon membre décroit. Point final d'une vie.

« Après avoir fouillé dans ses rayonnages une à deux minutes, il ressortit Ummagumma. « le disque à la vache, c'est de circonstance... » commenta-t-il avant de poser l'aiguille au début de Grantchester Meadows. C'était extraordinaire ; je n'avais jamais entendu, ni même soupçonné l'existence d'un son pareil ; chaque chant d'oiseau, chaque clapotis de la rivière était parfaitement défini, les graves étaient tendus, les aigus d'une pureté incroyable. »

[J'en profite pour faire un petit aparté, qui a tout de même son importance majeure dans cette histoire : Michel si tu m'écoutes – ou me lis en l'occurrence – si Grantchester Meadows fait bien partie de l'album Ummagumma, ce dernier n'est pas le disque à la vache, le disque à la vache, cette vache qui se prénomme Lulubelle III, une normande qui me regarde de son air désabusé face au pauvre type que je suis, est Atom Heart Mother, l'autre plus grand album rock de l'histoire du rock et de tous les temps.]

Lorsque lâchent les émois du coeur, enfouis sous une couche de poussière, la vie perd de sa signifiance et par delà l'envie. Un comprimé salvateur qui maintient la vie d'une putain de vie qui ressemble plus à l'échec de soi. Encore un matin, me dis-je, enfilant un caleçon aux couleurs bariolées, grimpant dans une voiture d'occasion, se dirigeant vers le centre Leclerc, là où la vie est moins chère, encore que je ne suis plus sûr de la justesse de l'enseigne, se dirigeant vers le rayon spirituel, celui qui accompagne ce genre de vie, du Calvados au Génépi, ce sont les régions profondes de la France qui sondent l'âme en perdition de cet être mi-zombi mi-homme, et encore c'est donné beaucoup d'importance à cette version de l'homme. Bref, je sors du magasin, pour faire le plein d'essence, m'en asperge la couenne, craque une allumette, illumination posthume d'une vie.

Mais avant, je ferme les yeux, une musique intérieure intervient pour inonder mon âme d'une puissante nostalgie d'un autre temps, une musique qui parle d'amitié et de silence entre deux ou trois types, qui se parlent en silence, autour d'une bouteille de bière, de deux même, ou d'une bouteille de gin, pas de suze pour moi, t'as pas un fond de schweppes qui traîne, Ian Paice, Roger Glover, John Lord, Richie Blackmore et Ian Gillan, une musique envoûtante bandante, hypnotique nique nique, des cymbales qui me cognent l'âme en peine, « Child in Time » la plus grande chanson rock de l'histoire du rock et de tous les temps. Elle passe en boucle dans ma tête triste, pourtant à l'intérieur des milliers d'étoiles s'illuminent, un feu d'artifice explosif qui éclaire la voie vers un néant sans nom, une lumière qui m'emmène loin de ce monde, des frissons m'emportent, je n'ose plus ouvrir les yeux, la bite molle après l'éjaculation sublime que me procure un telle beauté, symphonie du mouvement et des courbes, qui me renvoie à chaque fois au premier chapitre de cette histoire, celle de cette femme callipyge aux jambes caramélisées par le soleil d'Andalousie, avant que je perde l'adhérence à ce monde et de suivre la vacuité des jours, un commencement sans fin, comme ce titre de roman d'une rime en -ine.
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Titre : Sérotonine
Auteur : Michel Houellebecq
Année : 2019
Editeur : Flammarion
Résumé : Florent-Claude est ingénieur agronome. Dépressif, il ne peut vivre sans Captorix, un puissant antidépresseur. La sérotonine, hormone du bonheur contenue dans son traitement, annihile sa libido mais lui permet de garder un semblant de vie sociale. Inexorablement, Florent-Claude glisse vers l'abime.
Mon humble avis : La sérotonine est l'hormone du bonheur. Quiconque connait l'oeuvre et la personnalité de Michel Houellebecq reconnaîtra l'ironie et la causticité d'un tel titre pour un roman dont les sujets principaux sont le désespoir, les regrets et le mal de vivre. Houellebecq est évidemment un cas à part dans la littérature française, certains le détestent, le considèrent comme un poseur suffisant et manipulateur. D'autres, dont je fais partie, le voit comme un grand auteur, un visionnaire, un homme attachant libéré du politiquement correct. L'un de nos seuls grands écrivains dont les oeuvres passeront à la postérité. C'est vous dire à quel point j'attendais la sortie de ce bouquin avec impatience, c'est vous dire comme ma déception et ma frustration furent grandes. Mais je m'explique. Je garde un souvenir ému de la lecture des particules élémentaires et de l'extension du domaine de la lutte, deux romans atypiques, féroces et drôles. Je découvrais alors un auteur brillantissime, un des rares écrivains avec une vraie vision du monde, une vision certes désespérée, nihiliste à l'excès, mais une vision originale et subversive. Et puis vinrent les romans suivants, bien qu'encore une fois brillants, j'eus l'impression d'une redite, d'un souffle altéré et c'est, encore une fois le cas avec le dernier texte de Houellebecq. L'auteur, natif de la Réunion, creuse encore une fois la même veine et c'est avec plaisir que je retrouvais son double, le narrateur désespéré, l'homme au bord du précipice. Evidemment l'écriture est toujours aussi incisive, certaines saillies sont à mourir de rire mais d'autres paraissent gratuites et tombent à plat, comme un pastiche de lui-même. Evidemment il force le trait, son double flirte avec le racisme, la misogynie, l'homophobie et les scènes de sexe et même de zoophilie sont là pour choquer le bourgeois. Malheureusement ces scènes ne servent pas le propos comme c'était le cas dans ses premiers romans, et même si la chair a toujours été triste chez Houellebecq, ici elle est carrément glauque, dégueulasse. Mais ce qui est omniprésent dans ce roman c'est le romantisme forcené de l'auteur, ce romantisme cru qui fait du narrateur un homme désespéré, un homme pour qui l'amour est la quête absolue, un homme pour qui l'impossibilité d'aimer est un écueil insurmontable, une obsession morbide. Rarement un de ses romans n'a été traversé d'un tel désir d'aimer, d'une telle humanité contrariée. Alors ce n'est surement pas le meilleur Houellebecq, ce n'est surement pas le plus original mais sérotonine est un texte où, une fois de plus, l'auteur à le génie de saisir l'air du temps, de plonger sa plume dans les plaies de la société française et il est, à ma connaissance, le seul à le faire avec autant d'acuité. Pour cela et pour la description exceptionnelle d'une civilisation en crise, pour la mélancolie brute qu'il dégage, il faut lire Michel Houellebecq. Définitivement.
J'achète ? : Ai-je vraiment besoin d'en rajouter ? 
Lien : https://francksbooks.wordpre..
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Donner son avis sur un roman de Michel Houellebecq est assimilable à la traversée d'un champ de mines. "Sérotonine" étant ma première expérience de l'auteur, l'exercice me semble encore plus périlleux, d'autant que je m'étais bien gardée, avant de débuter ma lecture, de me renseigner sur l'auteur, au-delà de ce que l'opinion publique avait pu laisser de traces dans mon esprit. Je ne voulais pas que des préjugés influencent ma perception.

Il est question d'hormones dans ce roman, comme son titre l'indique. La quête du bonheur est sans doute le fil rouge d'un récit cash, trash et provocateur jusqu'aux limites du racolage. Par son attitude et son oeuvre, Michel Houellebecq me donne l'impression de se mettre dans la peau d'un Serge Gainsbourg littéraire, reproduisant certains codes, notamment ceux liés à la consommation de nicotine et de sexe (car oui, j'ai bien l'impression que le sexe est une chose qui se consomme pour Michel Houellebecq).

Par là, la prose est crue et directe, destinée à faire mouche et à provoquer des émotions extrêmes chez le lecteur : indignation, colère, stupeur, écoeurement mais aussi rire et approbation. C'est dans ce melting-pot émotionnel que l'auteur développe le parcours de son personnage qui, pour échapper à une vie très insatisfaisante, va volontairement se porter disparu pour vivre quasi anonymement à l'hôtel. Avec une grande maîtrise de l'ironie et du cynisme, associée à un vrai talent narratif et à un style plutôt remarquable, Michel Houellebecq va également explorer des thèmes qui lui sont chers : économie, politique, mondialisation.

J'ai été partagée pendant ma lecture, surtout dérangée par la crudité gratuite du verbe, mais j'ai vraiment adhéré au fond, ou plus exactement à la volonté de traiter ce fond. Certaines scènes, notamment une scène de zoophilie, une autre de pédophilie et une dernière de suicide, ont été à la limite du supportable de par leur violence et leur impudeur, mais elles ont été insuffisantes à dégrader mon appréciation globale de cette première rencontre avec un auteur aussi controversé.


Challenge ENTRE DEUX 2023
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Michel Houellebecq est un romancier réaliste, plus proche, par l'acuité de l'observation et les effets de réel, d'un Balzac que d'un Zola, trop empêtré dans sa morale. L'effet de réel est puissant dans ce nouveau roman : les marques, les noms propres, les paysages urbains ou même naturels, la présence de la vie quotidienne, ont une grande force. Evidemment, décrire le réel sans recourir à l'idéologie déplaît aux lecteurs et aux critiques politiquement corrects. Il faut pour les progressistes que le roman détourne l'attention de la réalité au profit du nombril de l'auteur-e, ou qu'il donne de cette réalité une version idéalisée, à savoir débarrassée de toute vraisemblance. Le roman réaliste a toujours partie liée avec le mal et avec la critique de ce qui est. Le roman kitsch, lui, maquille la vérité et étale les bons sentiments, comme on le voit sur ce site.


Le réalisme se trouve aussi dans le récit des échecs amoureux du narrateur, dont la lecture m'a été assez pénible à cause du choix de la première personne, des vulgarismes de langue et de style qu'elle implique, et du ton -- très houellebecquien -- désabusé de la narration, qui n'est pas à la hauteur du détachement et de l'ironie des précédents ouvrages. L'homme vieillissant qu'est le narrateur se détache progressivement du marché du désir, survit à la mort de son désir amoureux, meurt intérieurement en regardant les autres vivre. Avec un sens aigu de l'air du temps, l'auteur sait capter à merveille la morosité des années que nous vivons et l'exprimer adéquatement. L'action, la lutte contre l'inévitable, sont frappées de nullité ; l'ami du narrateur qui prend les armes en défense des agriculteurs assassinés par Bruxelles, part en guerre contre un adversaire invisible, intangible, absent mais écrasant : l'inévitable loi ultra-libérale qui dévore les hommes et les nations, la main invisible qui tient le couteau du Marché. Littéralement, il n'y a personne sur qui tirer, à part soi-même.


Au passage, Houellebecq fait le portrait d'une sorte d'hommes qui existent vraiment, et que l'on pourrait appeler les Croyants. Ces fonctionnaires ou employés de grandes entreprises, littéralement, croient au Marché comme on croit en Dieu, et l'auteur dit drôlement qu'ils se feraient tuer pour le respect de la libre entreprise. Son personnage a justement "perdu la foi". Le personnel bruxellois et notre actuel gouvernement sont ici représentés dans la satire littéraire : ils ne sont pas moins pénétrés d'idéologie religieuse à la tête de leurs Commissions ou gouvernements occidentaux, que des tueurs musulmans dans leur califat ou des tueurs communistes dans leur goulag paradis socialiste.


Comme toujours, avec un sens presque magique de l'actualité, le romancier donne sa version anticipée de la révolte des Gilets Jaunes avant même qu'elle n'éclate : révolte contre une Nécessité sans visage, un destructeur inévitable qui agit partout et n'est trouvable nulle part. Houellebecq avait écrit un roman sur l'islamisation qui parut en même temps que les massacres de Juifs à l'Hyper Cacher et de dessinateurs de Charlie Hebdo, un autre, un peu avant, "Plateforme", dont le dénouement est encore un attentat musulman en Asie, qui préfigurait la réelle tuerie survenue un an après dans un quartier chaud à Bali. Ce sens surnaturel de l'actualité se retrouve dans le détail même du texte, et ce n'est pas le moindre mérite du roman que d'avoir une fonction de sismographe du présent.
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J'ai lu un temps cet auteur, puis je l'ai boudé parce que trop médiatique. Et pourquoi pas lui rendre une petite visite ? le lecteur, avec Sérotonine passe par tous les stades. Aux premières pages, l'humour sur le prénom du narrateur, puis du porno assez gore. S'ensuit le doute, la solitude, la tristesse. J'ai aimé ses réflexions sur ce monde actuel et le triste constat qu'il fait sur l'agriculture et surtout son ami qui y a cru aussi.

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Florent-Claude Labrouste, quarante-six ans, ne bande plus. Son nouvel antidépresseur -qui l'aide à trouver la vie tout juste supportable - a tué sa libido. Et voilà Popaul contraint de prendre une retraite anticipée. Florent considère son récit comme un mini-cérémonial d'adieux à sa bite au cours duquel il va faire le bilan de sa vie amoureuse et sexuelle. Et (spoiler !) les regrets et les désillusions sont nombreux. L'héritage reçu de ses parents lui permet d'arrêter de travailler et de vagabonder dans le 13ème arrondissement de Paris et la Normandie. Au départ, il s'agit juste de mettre un terme à une relation toxique. Mais le véritable objectif est de fuir toute vie sociale, de s'enfoncer dans la solitude, l'anonymat et l'errance. Il va tirer le fil de ses souvenirs – jeunesse insouciante, bonheurs fugaces - et s'enfoncer dans son passé au risque d'y être englouti. Les correspondances entre la biographie de l'auteur et la trajectoire de son protagoniste sont nombreuses, ce dernier déclare même avoir l'étrange impression de pénétrer dans une sorte d'autofiction.

Le texte est sans surprise, Houellebecq fait du Houellebecq, il reprend ses cibles habituelles (les détecteurs de fumée, les valises à roulettes, le tourisme sexuel, le naturisme), j'ai parfois eu l'impression de lire une compilation (un « best of ») de l'auteur. Il égrène ses « punchlines » avec un souci constant de provoquer. Son texte est sans… fioritures : les bites dressées recherchent des chattes humides. Pour s'enfoncer plus avant dans le mauvais goût, il n'oublie pas d'insérer des scènes explicites de gang bang, de zoophilie et de pédophilie. Des sujets plus sérieux sont traités comme la question des quotas laitiers, du libre-échange dans l'agriculture, de la détresse des exploitants, ce qui vaut à l'Union Européenne d'être traitée de « grosse salope ». L'écrivain nous ressort sa panoplie de poncifs vieux de vingt-cinq ans : le déclin de l'Occident, la mort d'une civilisation vautrée dans le libéralisme, la frustration sexuelle, la dépression… Malgré tout ce que je viens de lui reprocher, j'ai apprécié « Sérotonine », non pas pour sa qualité littéraire, sur laquelle je ne saurai me prononcer, mais par ce que j'ai trouvé le texte drôle… J'aime cet humour noir, mordant, provocateur, je ris quand le narrateur déclare après une digression : « revenons à mon sujet qui est moi, ce n'est pas qu'il soit spécialement intéressant mais c'est mon sujet. » J'aime le flou de ses déclarations, ses avis d'une approximation totalement assumée. C'est un roman imparfait qui expose une vision sombre et dérangeante de notre société. Une fois les provocations gratuites mises de côté, si l'on s'abstient d'y chercher ou non du génie, sa lecture est utile.
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