[...]-Décidez mon cheval, dit Roland;
Car il a l'habitude étrange et ridicule
De ne pas m'obéir quand je veux qu'il recule.
La ruine est promise à tout ce qui s'élève.
Vous ne faites, palais qui croissez comme un rêve,
Frontons au dur ciment,
Que mettre un peu plus haut mon tas de nourriture,
Et que rendre plus grand, par plus d'architecture,
Le sombre écroulement.
Mahomet
Le divin Mahomet enfourchait tour à tour
Son mulet Daïdol et son âne Yafour.
Car le sage lui-même a, selon l’occurrence,
Son jour d’entêtement et son jour d’ignorance.
Les pauvres gens
Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.
Le logis est plein d'ombre et l'on sent quelque chose
Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur.
Des filets de pêcheur sont accrochés au mur.
Au fond, dans l'encoignure où quelque humble vaisselle
Aux planches d'un bahut vaguement étincelle,
On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants.
Tout près, un matelas s'étend sur de vieux bancs,
Et cinq petits enfants, nid d'âmes, y sommeillent.
La haute cheminée où quelques flammes veillent
Rougit le plafond sombre, et, le front sur le lit,
Une femme à genoux prie, et songe, et pâlit.
C'est la mère. Elle est seule. Et dehors, blanc d'écume,
Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit, à la brume,
Le sinistre océan jette son noir sanglot.
[…]
Elle songe, elle rêve. - Et tant de pauvreté !
Ses petits vont pieds nus l'hiver comme l'été.
Pas de pain de froment. On mange du pain d'orge.
- Ô Dieu ! le vent rugit comme un soufflet de forge
[…]
Un poète est un monde enfermé dans un homme
L'aurore avec épouvante
Regarde mon eau vivante,
Mes rocs ouverts,
Mes colères, mes batailles,
Et les glissements d'écailles
Sous mes flots verts.
(Extrait d’Océan)