En refermant ce livre, j'éprouve un sentiment mitigé. Comment le décrire ?
J'ai cru lire un roman historique évoquant les spoliations d'oeuvres d'art appartenant aux juifs par les nazis, mais le terme de "roman" ne me semble pas adapté pour ce récit qui laisse peu de place à la fiction. Ce n'est pas non plus un documentaire ni un essai. Un biopic ? celui d'une virtuose japonaise de l'avant-guerre dont le destin va se trouver mêlé aux événements politiques lorsque Goebbels lui offre un stradivarius?
Pas tout à fait non plus car on n'entre pas vraiment dans son intimité malgré le fait qu'on la suive de ses débuts d'exilée à Paris (à 11 ans) pour parfaire sa technique, jusqu'à sa mort, seule et amère au Japon.
A travers les yeux d'un enquêteur lui-même musicien, mandaté par l'état français dès la guerre terminée pour retrouver la trace de ces instruments prestigieux pour la plupart volés à des musiciens juifs, nous découvrons cette histoire singulière dont subsistent quelques rares photos. Une part importante du roman est dédiée à la période de l'occupation allemande durant laquelle la jeune Nejiko Suwa, réfugiée en Allemagne devient le symbole de l'amitié germano-nippone, multipliant ses prestations avec le philharmonique de Berlin sur les scènes d'Europe occupée.
Le personnage de la belle Nejiko est certes intrigant, son parcours tout à fait hors du commun et pourtant j'ai eu du mal à vibrer pour cette jeune virtuose sans grand relief, sans doute victime de sa candeur, dont on sait bien peu de choses et finalement peu attachante. Je n'ai pas non plus réussi à investir les autres protagonistes, l'ambassadeur du Japon en Allemagne, son secrétaire amant de Nejiko, Gerigk, le pilleur de maisons juives, Furtwängler le directeur du philarmonique, qui traversent le récit sans vraiment laisser d'empreinte… le narrateur lui-même manque de densité. Qui est-il, quel est son dessein, que cherche-t-il à obtenir de la violoniste ?
Dans son récit, Yoann Iacano met en lumière le rapport ambigu du 3ième Reich avec le monde musical, l'art et les artistes, l'instrumentalisation de la musique classique à des fins propagandistes, faisant sortir de l'ombre cette jeune violoniste japonaise qui (malgré elle?) a servi ces desseins au côté des plus grands criminels nazis qu'elle va côtoyer et distraire... Elle refusera d'ailleurs de s'en expliquer, y compris d'aborder le sujet sensible de l'origine de son violon.
Le sujet est fort, original, mais l'écriture est factuelle, lisse, peu expressive, plus soucieuse de se conformer à la documentation historique qu'à incarner les personnages...
Pour moi, "
Le Stradivarius de Goebbels" est un premier roman ambitieux dont les interstices fictionnels restent timides, fades et insuffisants à créer le lien avec le lecteur. Il manque à ce roman le souffle, l'incarnation, l''émotion, la plume qui font d'un simple récit historique une oeuvre littéraire.