Sous ce toit rouge, Meliha a marié tous ses enfants. Ses filles, elle a préféré les marier pas trop loin de chez elle. Comme ça, elle peut les voir quand elle veut et leur donner un coup de main si besoin. Elle leur a choisi de bonnes familles: là - dessus, personne n'aura rien à y redire. Quant aux gendres, sont- ils de bons maris ou pas, qu'est- ce qu'elle en sait, ce sont des hommes comme les autres, ce qui compte c'est la famille.
Ils finiront par réaliser que mieux vaut un mari avec un bout de chair en moins qu’un mari avec une famille de sale renommée.
Ma patrie s’est toujours conformée aux ordres des chefs, qui parfois disaient « construire » et parfois « détruire »
Il disait qu’il ne voulait pas s’amuser avec moi, que c’était du sérieux. Pour s’amuser, il avait choisi une fille blonde de son âge. « Si tu entends dire que je sors avec Mariana, me dit- il, ne t’inquiète pas : ce n’est qu’un passe - temps. Avec elle je m’amuse, c’est tout, avec toi, c’est du sérieux. »
Ce raisonnement qui me paraît absurde aujourd’hui me semblait à l’époque complètement normal. Normal et moral. Certaines choses se faisaient avec les filles légères, et au grand jamais avec celle que tu vas épouser un jour.
L’obstétricienne de service était une sorcière. Elle avait un visage carré et était taillé comme une armoire. Une femme gorille : sous ses collants transparents, on voyait ses longs poils noirs. Elle n’avait pas de temps à consacrer à ce genre de futilités esthétiques. Elle était la gardienne de l’honneur, auprès de ces filles, notamment, qui savaient encore rire, parce qu’elles n’avaient pas bien compris ce qu’elles avaient fait. Et elle, elle était là pour le leur rappeler tous les jours. « Elle se sent très bien, Hena, elle est simplement sur le point d’accoucher de son bâtard », dit l’obstétricienne.
Où que l'on soit, il y a toujours une Kaltra ou un Paris bien-aimés, peu importe le nom. Notre maison se trouve là où nous voudrions tout embrasser dans une ultime étreinte.