Sauf cas tragiques, les étapes d’une vie sont plus ou moins les mêmes pour tous. Mais ce n’est pas parce que c’est banal que ça ne vaut pas la peine d’être vécu.
Il y a des vérités trop grosses, mieux vaut les laisser sous la flotte. Le passé a coulé dans une fosse si profonde qu’aucun chalutier ne pourra jamais le récupérer.
Mais Ramon Hill, trente-sept ans, écrivain de talent promis à un avenir littéraire radieux et père de famille comblé, c'est du flan.
Quand les phrases se bousculent au portillon, lorsqu’elles lèvent chacune la main pour débouler la première de votre cerveau, lorsque vous faites du bon travail, qu’il faut juste mettre un peu d’ordre dans cette abondance et cette floraison de spontanéité créatrice, alors, oui, je peux dire que le métier d’écrivain vaut le coup, je ne vois pas ce qu’il pourrait y avoir de mieux.
Mais ce n’est pas parce que c’est banal que ça ne vaut pas la peine d’être vécu. Au contraire. D’après moi, ce qui fait l’exception de l’individu dépend du regard qu’il porte sur le monde. En ce sens, c’est surtout la vie d’adulte qui compte.
Les flics cherchent le mobile et, souvent, ils finissent par en trouver un, quitte à le fabriquer. Ils font le sale boulot, remuent la vase accumulée depuis ce temps reculé où un premier homme s’est aventuré au-delà du seuil de la survie pour tuer et assouvir une pulsion. L’âme d’un vrai flic est plus proche de celle d’un assassin qu’on ne le pense. Ils ont en commun la représentation possible de l’échec et du morbide. De l’existence comme concept dépourvu de valeur, ou pire : la vie dépréciée, soldée, torturée. Stockée en bière ou incinérée, cela vaut mieux, après tout, c’est plus digne.
Quand on demande quelque chose, deux possibilités s’offrent à vous : oui ou non.
Tant qu’on n’a pas retrouvé un corps sans vie, il y a toujours de l’espoir, en effet.
Le mieux était encore de me tirer une balle, mais j’en étais incapable, j’avais envie de vivre. Tout m’était préférable que de fermer les yeux sur le néant, de retrouver Margot qui m’attendait derrière le miroir, un sacré paquet de haine en stock.
Pour peu qu’on y croie, l’avenir nous souriait bien que tout restât à faire. Le futur se confondait dans une sorte de nébuleuse. Les espoirs et les désirs se cachaient dans les contours flous d’un temps à venir.