-J'ai l'impression que, moi aussi, j'ai péri dans la montagne.
-Au moment où ton frère est mort ?
-C'est difficile à expliquer et peut-être même impossible. Peut-être qu'il n'est pas possible de tout rationaliser et peut-être qu'il est préférable de laisser certaines choses inexpliquées.
- Qu'entends-tu par là quand tu dis que tu as péri, toi aussi ?
- Je ne suis pas... il y a quelque chose en moi qui est mort.
-Tu veux...
- On m'a retrouvé et on m'a sauvé, mais en même temps je suis mort. Il y a une partie de moi qui a péri. Quelque chose que je possédais avant. Je ne sais pas exactement ce que c'était. Mon frère est mort et je crois qu'une partie de moi est morte également. J'avais toujours l'impression d'être responsable de lui et je ne m'étais pas montré à la hauteur. Je vis toujours avec ce sentiment -là depuis cette époque. J'ai développé un sentiment de culpabilité parce que c'est moi qui ai survécu. Et j'ai évité de prendre une quelconque responsabilité depuis lors. Et bien que je ne puisse pas dire qu'on ne s'est pas occupé de moi, contrairement à la façon dont je me suis comporté avec toi et Sindri, j'avais l'impression que je n'avais plus aucune importance. Je ne sais pas si j'ai raison ou tort et je ne le saurai jamais, mais j'ai eu cette impression dès qu'on m'a redescendu de la montagne, et elle ne m'a jamais quitté depuis.
- Depuis toutes ces années ?
- Dans le domaine des sentiments, le temps n'existe pas.
Il la regarda longtemps dans les yeux.Parfois il y distinguait des cygnes blancs.
Non, ils étaient noirs.
L'espoir est plus fort chez les gens chez qui il ne reste plus rien.
Jamais il n'avait fait l'acquisition d'un lecteur de CD et il y avait des années qu'il ne s'était pas acheté de disques. Il n'écoutait pas de musique moderne. Il avait entendu parler du hip-hop au bureau et avait longtemps cru qu'il s'agissait d'une variante de la corde à sauter ou du hula-hop.
Elinborg les attendait à l’hôtel.
Un imposant arbre de Noël trônait dans le hall et partout, il y avait des décorations, des sapins et des boules scintillantes. D’invisibles haut-parleurs entonnaient le Douce nuit, sainte nuit. De grands autobus étaient garés devant l’hôtel et leurs passagers s’attroupaient à la réception. C’étaient des touristes étrangers venus passer les fêtes de Noël et du nouvel an en Islande parce que, dans leur esprit, l’Islande était ce fascinant pays où l’aventure est au coin de la rue.
Il se présenta brusquement à son esprit un centre de rééducation où les infirmes grammaticaux déprimés déambulaient en uniforme et en pantoufles en confessant leur faute : je m'appelle Finnur et je dis « ce que j'ai envie ».
La scène du crime prit pendant un moment des allures de studio photo. Des flashs illuminaient l'obscurité du couloir à intervalles réguliers. Le corps fut photographié sous tous les angles ainsi que l'ensemble de ce qui se trouvait dans la chambre de Gudlaugur. Le défunt fut ensuite transféré à la morgue de Baronstigur où l'autopsie légale serait pratiquée.
(P 33)
L'autre possibilité qui s'offre à toi est d'accepter cette saloperie de vie, comme tu l'appelles, et de supporter la souffrance qui s'ensuit. De supporter la souffrance que nous devons tous supporter, constamment, afin de la dépasser et de profiter aussi de la joie et du bonheur que le fait d'exister nous procure malgré tout.
Résonnent les murailles,
Muettes et glaciales,
Grincent les girouettes ! Dans la tempête.
(Höderlin) p31
L’homme était assis sur le lit et adossé au mur. Il était vêtu d’un costume de Père Noël rouge vif et avait encore sur la tête le bonnet qui lui avait glissé sur le visage. Une barbe blanche fournie dissimulait son visage. Il avait détaché la grosse ceinture qui lui enserrait le ventre et déboutonné sa veste. Il ne portait rien d’autre qu’un maillot de corps en dessous. Il avait une blessure mortelle à l’endroit du cœur. Son corps portait d’autres blessures mais celle qu’il avait au cœur lui avait été fatale. Il avait les mains couvertes d’égratignures, comme s’il avait essayé de se défendre pendant l’agression.
Son pantalon était baissé. Un préservatif pendouillait sur son membre.