M. SMITH : Il y a une chose que je ne comprends pas. Pourquoi à la rubrique de l'état civil, dans le journal, donne-t-on toujours l'âge des personnes décédées et jamais celui des nouveaux-nés ?
M. Smith: Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux!
M. SMITH : Ah, la la la la.
M. MARTIN : Vous avez du chagrin ?
MME SMITH : Non. Il s'emmerde.
LE POMPIER : Une jeune femme s'est asphyxiée, la semaine dernière, elle avait laissé le gaz ouvert.
MME MARTIN : Elle l'avait oublié ?
LE POMPIER : Non, elle a cru que c'était son peigne.
M. SMITH : Ces confusions sont toujours dangereuses !
Intérieur bourgeois anglais, avec des fauteuils anglais. Soirée anglaise. M. Smith, Anglais, dans son fauteuil et ses pantoufles anglais, fume sa pipe anglaise et lit un journal anglais, près d'un feu anglais. Il a des lunettes anglaises, une petite moustache grise anglaise. À côté de lui, dans un autre fauteuil anglais, Mme Smith, Anglaise, raccommode des chaussettes anglaises. Un long moment de silence anglais. La pendule anglaise frappe dix-sept coups anglais.
Mme SMITH : Tiens, il est neuf heures. Nous avons mangé de la soupe, du poisson, des pommes de terre au lard, de la salade anglaise. Les enfants ont bu de l'eau anglaise. Nous avons bien mangé, ce soir. C'est parce que nous habitons dans les environs de Londres et que notre nom est Smith.
M. SMITH : Elle est encore jeune. Elle peut très bien se remarier. Le deuil lui va si bien.
Mme SMITH : Mais qui prendra soin des enfants ? Tu sais bien qu'ils ont un garçon et une fille. Comment s'appellent-ils ?
M. SMITH : Bobby et Bobby comme leurs parents. L'oncle de Bobby Watson, le vieux Bobby Watson est riche et il aime le garçon. Il pourrait très bien se charger de l'éducation de Bobby.
Mme SMITH : Ce serait naturel. Et la tante de Bobby Watson, la vieille Bobby Watson pourrait très bien, à son tour, se charger de l'éducation de Bobby Watson, la fille de Bobby Watson. Comme ça, la maman de Bobby Watson, Bobby, pourrait se remarier. Elle a quelqu'un en vue ?
M. SMITH : Oui, un cousin de Bobby Watson.
Mme SMITH : Qui ? Bobby Watson ?
M. SMITH : De quel Bobby Watson parles-tu ?
Vous avez toujours tendance à additionner. Mais il faut aussi soustraire. Il ne faut pas uniquement intégrer. Il faut aussi désintégrer. C'est ça la vie. C'est ça la philosophie. C'est ça la science. C'est ça le progrès, la civilisation.
(La leçon, 106-107)
Mme SMITH : Mrs Parker connaît un épicier roumain, nommé Popesco Rosenfeld, qui vient d'arriver de Constantinople. C'est un grand spécialiste en yaourt. Il est diplômé de l'école des fabricants de yaourt d'Andrinople. J'irai demain lui acheter une grande marmite de yaourt roumain folklorique. On n'a pas souvent des choses pareilles ici, dans les environs de Londres. [...] Le yaourt est excellent pour l'estomac, les reins, l'appendicite et l'apothéose.
M. Martin
Vous avez du chagrin?
Mme Smith
Non. Il s'emmerde.
Mme Martin
Oh, monsieur, à votre âge, vous ne devriez pas.
M.Smith
Le cœur n'a pas d'âge.
M.Martin
C'est vrai.
Mme Smith
On le dit.
Mme Martin
On dit aussi le contraire.
M. Smith
La vérité est entre les deux.
M. martin
C'est juste.
M. Smith. - Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux !