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Citations sur Vers l'autre flamme, tome 1 : Après seize mois dans l'U.. (17)

Je sais une chose : je sais qu'une écrasante majorité d'hommes de ma classe est arrivée au pouvoir ; qu'en y arrivant, elle s'est tout de suite mise à bouffer et que, la bouche pleine, elle écarte de sa table et laisse mourir de faim tous les frérots qui ne sont pas de son avis.
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Dans tout pays bourgeois, un manuel qui ne demande qu'à gagner son pain, pourvu qu'on lui fiche la paix, ce n'est pas une "affaire". C'en est une, une grosse, dans la "patrie du prolétariat". D'abord, la paix n'existe pour personne, en Russie, pas même pour le bureaucrate, qui passe jour et nuit à se demander s'il est bien "dans la ligne", ou s'il ne s'est pas, par hasard, déplacé d'un millimètre en se mouchant ou pendant son sommeil. Quand au pain, c'est la grosse affaire.
Le pain , c'est toute la vie, quand la vie n'est plus qu'un enfer. Quand le droit de penser et de bouger n'est plus qu'un souvenir, avoir le pain assuré, c'est énorme, c'est tout. Le dictateur sait cela et en fait son profit. Il enfonce sa main noire ou rouge, dans le ventre de l'homme et lui fait comprendre ceci : Mourir, c'est peu de chose. N'importe qui en est capable, cela se voit pendant les guerres et les révolutions. Vivre affamé et sans abri, c'est bien pire. Aussi, comme j'ai besoin de gouverner, je te demande ce que tu penses. Et selon ce que tu penses, tu auras ou tu n'auras pas le pain et l'abri.
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Kem.
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En attendant la réponse , nous allons déjeuner , et nous nous trouvons soudain dans le plus beau et le meilleur restaurant de toute l'Union soviétique. Il appartient au Guépéou et marche, comme doit marcher tout ce qui appartient au Guépéou : militairement.
Personne n'est rétribué. Du directeur au plongeur et jusqu'à l'orchestre, tout le monde est prisonnier et libre. Libre de bouger dans Kem. C'est une situation préférable à celle dont on a goûté à Solovki. Aussi chacun y met-il du sien et tout va comme sur des roulettes.
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Je ne crois plus à aucun "crédo". Je ne veux plus écouter ce que les hommes disent, mais simplement regarder ce qu'ils font:
– Montrez-moi ce que vous pouvez retrancher de votre vie et je vous dirai à quel prix vous estimez la vie des autres.
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Je me souviens alors d'une réflexion d'Upton Sinclair, parlant de Jack London : Un homme ne peut guère avoir un contrat de trente-six mille dollars par an avec les Hearst Magazines et garder son âme en vie. C'est juste. Et Jack London a payé cela en avalant du laudanum à l'âge de quarante ans.
Nous devons savoir avaler du laudanum ou, mieux, garder notre âme en vie.
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Certes, mon histoire n'a pas grand-chose de commun avec la Russie, mais, de toute façon, on m'accusera de n'avoir fait ici que battre la campagne. Eh oui - bonshommes armés d'un crayon rouge et à la cervelle de yoghourt - oui : j'aime battre la campagne ! Tentez-le, vous aussi, avec votre cœur flasque comme une bouse molle : au premier contact avec l'herbe en flammes de cette terre-là, vous vous brûlerez le cul. Car les champs que ma fantaisie aime, le diable les a labourés avec sa rude queue et Dieu les a fécondés de son ardente semence. Tout y vient à profusion, sauf la fleur morte de vos pensées d'eunuques.
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Tiflis est la plus belle ville de l'union et celle où l'on fait le plus longtemps la queue pour avoir du pain. Ces queues commencent à trois heures du matin. D'elles et de bien d'autres choses encore, les écrivains français, communistes "dans la ligne", ne parlent pas.
Aussi, pourrais-je, à mon tour, écrire un livre, voire deux, uniquement consacré à la Géorgie et rien que pour remplir les immenses vides qui gonflent à crever les pages de ces livres bien sages, bien stupides, absolument faux et totalement incompréhensible, nés de la plume de tel écrivain qui a été une fois un homme et eût gagné de le rester.
Pauvre monde...Pauvre art...Pauvre conscience humaine...Que vous êtes pitoyables, méprisables ! Un petit os pour votre ventre et une miette de vanité pour votre cœur sec vous suffisent, vous comblent de bonheur et de quiétude, vous rendent aveugles, sourds et muets, vous transforment en une limace et vous font oublier l'étendue de la souffrance que déversent sur toute la terre les tyrans qui vous asservissent.
Tiflis, Géorgie, Transcaucasie, Union soviétique tout entière : ce n'est pas ici, ni aujourd'hui, que je pourrai dire ce que vous êtes. Mais je vomirai, tout à l'heure, le symbole de ce qu'on a fait de vous. Et c'est seulement ainsi que je n'aurai pas inutilement mangé votre pain.
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Tyrans qui écrasez la vie ! Croyez-vous que toutes les lèvres mangent du foin ? Que toutes les lèvres peuvent être cadenassées ? Que toutes les consciences peuvent être endormies ? Et que plus jamais une voix ne retentira dans le désert ?
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- Ce que je pense ? réplique Roussakov. Eh bien, je pense que vous êtes des salauds, qui pliez tout le monde à votre seul volonté, qui monopolisez tous les moyens d'existence, en faites un instrument de torture, affamez celui qui ne danse pas au son de votre flûte et le jetez en prison quand il proteste à la face du ciel. Voilà ce que je pense.
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– Le confort matériel, la mécanisation à outrance de la vie, serait-ce donc l'idéal des Soviets?
– Ma foi, j'en ai bien l'impression, et, pour moi, cet américanisme est plus une menace qu'un idéal.
Réglementer toute l'existence jusque dans ses moindres détails, la bourrer de vitesse, la caser dans ces merveilleuses boîtes que sont les jours qui passent, faire semblant d'être au-dessus de tout ennui, de toute angoisse et de croire que la vie ne doit être que joie d'un bout à l'autre, voilà ce que j'appellerais la fin de la vie. J'ai vu des Américains et des Anglais s'amuser. Des années durant, j'ai vécu tout près d'eux dans les pays de tourisme dont on n'apprend rien, je sais ce que c'est que leur amour, leur amitié et j’affirme que le vieil Orient, voire la France affectueuse, n'ont rien à gagner en troquant leur monnaie sûre contre le dollar-or de la froide joie anglo-saxonne.

Entretien avec Frédéric Lefèvre (Les Nouvelles littéraires, 23 février 1929)
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