Amateur éclairé des enquêtes de Victor Legris dans le Paris de la Belle Époque, fin du XIXe siècle, j'avais découvert grâce à Babelio Masse Critique, le nouveau héros de
Claude Izner, Jeremy Nelson, dont les aventures se situent au début des Années Folles, soit fin de la guerre de 14/18. Mais, mais, c'était déjà le troisième tome, “
La poule aux oeufs d'or”. Absolument emballé par ce livre je me suis procuré les deux premiers tomes dont “
Le pas du Renard” qui voit arriver Jeremy à Paris en provenance des États-Unis, à la fois en quête de famille, et plus prosaïquement de travail et d'un toit.
Ce premier tome débute par l'assassinat très minutieux de Robert Bradford, riche propriétaire d'un cinéma et d'un cabaret, et la disparition de son corps par une poignée de personnes dont on ne sait rien sinon qu'il leur était familier.
Voici donc Jeremy Nelson, pianiste de “ragtime” qui exerce ici ou là, voire les deux, toujours en courant le cachet. Au cinéma le Rodéo il exerce comme “tapeur” c'est-à-dire accompagnateur musical des films muets ; au cabaret le Mi-Ka-Do, comme animateur de soirées auxquelles se rendent des parisiens avides de se changer les idées après les dures années de guerre qu'il viennent de traverser. C'est d'ailleurs au cabaret qu'il va trouver son premier toit et qu'au milieu des autres artistes il va être mêlé malgré lui à une épidémie de décès plus bizarres les uns que les autres.
Dans une capitale en pleine reconstruction, au milieu de gens cabossés par la guerre comme par la vie, où chacun essaye de survivre en s'inventant des petits boulots, Jeremy cherche également après ses origines car il le sent, c'est ici que commence son histoire à la suite d'une immigration choisie ou subie venant d'Europe de l'Est. Une famille, il va s'en faire une aussi grâce à un gamin, Sammy, débrouillard et passionné de cinéma, avec qui il partage ses doutes, ses maigres cachets et ses aventures étonnantes.
C'est peu dire que je me suis régalé de cette lecture au scénario improbable parfois, mais tellement riche de rebondissements et aux caractères si marqués des personnages nombreux, dont certains ont la franchise à géométrie variable ou les sautes d'humeur imprévisibles. L'écriture des deux autrices est toujours aussi foisonnante de détails de la vie courante, de références musicales et littéraires, d'un Paris décrit par le menu où l'on peut suivre les héros d'une rue à l'autre, à pied, à vélo, en charrette à cheval ou dans le métro qui élargit son emprise et raccourcit les distances grâce à sa rapidité, encore relative certes.
Claude Izner a l'art consommé des fausses pistes, des hypothèses surprenantes et des retournements de situation, art qui laisse peu de chances au lecteur le plus perspicace de prédire la fin de l'enquête et surtout de démasquer le coupable.
Encore une lecture d'été rafraîchissante par ses qualités narratives , son vocabulaire recherché, et sa documentation fournie.