AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Plage de Manaccora, 16h30 (17)

- Oum ! (J'ai un peu regretté, mais c'était sorti.)
- Il faut que j'aide la dame !
J'ai eu envie de dire quelque chose comme : "Laisse-la, elle a bien vécu!", mais cette fois, je me suis retenu. Pourtant, c'était sincèrement ce que je pensais : je ne trouvais pas normal que nous mourions en essayant de sauver une vieille femme. Je ne voulais pas mettre en jeu la vie de mon fils (et celle de ses parents, soyons honnête) pour que cette brave grand-mère reste quatre ou cinq ans de plus sur terre.
J'ai continué à avancer avec Géo, en ralentissant tout de même un peu pour ne pas abandonner Oum. Je voyais la femme que j'aimais à la traîne, ma raison d'être, sur fond de flammes et de fumée, et ça m'ouvrait les entrailles - tout ce que je réussissais à penser, c'était : "Laisse-la griller, et tu pourras filer." (C'est dans les situations délicates qu'on comprend qu'on est moins altruiste qu'on l'espérait. J'ai été obligé d'admettre à cet instant, et pour le restant de mes jours, que je n'étais pas prêt à risquer la mort, encore moins celle de ma femme et de mon fils, pour sauver quelqu'un. C'est la honte, mais c'est la vie.) p.60
Commenter  J’apprécie          140
L'habitude, quand même, a aussi du bon, je me disais. Ca souligne les souvenirs. J'aime les souvenirs, c'est à peu près tout ce qu'on a de sûr, d'intime et dense, une collection précieuse, inaccessible, dedans, : ils se polissent d'eux-mêmes sans qu'on y pense, et prennent, les bons comme les mauvais, une charge de douceur rassurante, lointaine, une enveloppe aimable.
Ils restent là, on peut en profiter quand on veut. J'aime me revoir dans le passé, me rappeler ce que j'étais, ce que j'ai fait à tel endroit où je me trouve maintenant, plus vieux, je m'émeus tout seul, nouille. p.16
Commenter  J’apprécie          110
Avant que nous ayons tout à fait quitté le parking, un bruit violent de verre explosé nous a stoppés : le tatoué chauve qui tournait autour des voitures venait de lancer une pierre (je suppose) dans la vitre d'une petite Fiat rouge. Il a ouvert la portière et plongé sous le volant, certainement pour arracher et connecter les fils ( je crois que je n'aurais jamais l'occasion d'essayer ça, mais j'aimerais bien, on doit se sentir gangster désinvolte, la caméra sur soi - et fuck them all). Ce devait être un voyou, à la ville, un petit braqueur de quartier (on y pense pas, mais ils ont bien le droit d'aller se baigner de temps en temps). C'est parfois très utile, comme formation, ça donne un net avantage sur les autres quand il s'agit de foutre le camp de ce traquenard.
Sous les yeux incrédules des indécis (pas un touriste tremblant ne s'est risqué à monter à côté de lui, les voyous ont leurs propres codes et des réactions imprévisibles - "Vire-moi ton bermuda d'ici, papa, ou je te saigne comme un mouton"), il a démarré en quelques secondes, tout le monde ayant conscience qu'il était en train de condamner à mort une gentille petite famille encore dans la montée ("Va doucement, mémé, on a le temps"), et s'est fait la belle en trombe - en trombe de Fiat, tout est relatif, Fuck them all, sourire édenté.
(Deux jours plus tard, dans La Gazzetta del mezzogiorno, je lirais trois lignes sur le cadavre anonyme retrouvé calciné dans la carcasse d'une Fiat. Ses amis truands de supérette, à Naples, se demandent où il est passé.) p.128
Commenter  J’apprécie          90
Oum était maniaque (comme on dirait « Attila était nerveux ») et se réveillait toujours deux heures et quart avant d'emmener Géo à l'école (juste en face de chez nous, de l'autre côté de la rue), pour respecter toute une série de rituels entre la cuisine et la salle de bains, sans lesquels elle se désorganisait et partait en toupie contre les murs. Elle gardait certains automatismes en vacances (le jour de l'arrivée, elle tenait toujours à s'occuper de tout dans notre nouveau décor, à tout placer, installer, ranger elle-même, méticuleusement, jusqu'à la lampe de poche et au chargeur de l'appareil photo), mais s'assouplissait tout de même, s'oubliait, déplacée, sortie de son contexte, de sa cage.
Commenter  J’apprécie          30
C'était un peu long à raconter mais ça ne m'a occupé l'esprit que deux secondes - d'où la longueur des livres.
Commenter  J’apprécie          30
(on dit peut-être la gueule pour les animaux, mais la gueule de la crevette, ça fait peur)
Commenter  J’apprécie          20
J'ai bizarrement du mal à admettre qu'on ne puisse pas être conscient du futur, comme du passé. Il m'arrive de fixer un arbre dans ma rue, mon ordinateur ou un toit par la fenêtre, en pensant que c'est peut-être la dernière chose que je verrais avant de mourir, et que je ne le sais pas encore. J'essaie de deviner, on ne peut rien faire d'autre.
Commenter  J’apprécie          20
J'ai pensé au basket et à l'heure de l'apéro, mais je n'ai pas pensé à ce que je croyais être le plus important pour moi, mon chemin, mes aspirations, mes réussites et mes erreurs, mon passé et le futur que j'attendais. Par exemple, je n'ai pas pensé une seconde à mes romans. Il m'avait toujours semblé qu'ils étaient le cœur de ma vie, l'essentiel et à l'instant de mourir, je les ai oubliés. Je ne me suis pas demandé si on continuerait à les lire, ce qu'ils deviendraient, ni si celui que j'étais en train de terminer serait publié, inachevé, ça ne pesait plus rien, ça m'est sorti de la tête.
Commenter  J’apprécie          20
- Il faut que j'aide la dame.
J'ai eu envie de dire quelque chose comme : "Laisse-la, elle a bien vécu ! " mais cette fois je me suis retenu. Pourtant, c'était sincèrement ce que je pensais : je ne trouvais pas normal que nous mourions en essayant de sauver une vieille femme. Je ne voulais pas mettre en jeu la vie de mon fils (et celle de ses parents, soyons honnête) pour que cette brave grand-mère reste quatre à cinq ans de plus sur terre.
P. 60
Commenter  J’apprécie          10
Il fallait entrer dans l'eau, maintenant, ou nous allions griller sans avoir bougé. (…) Oum a sorti de sac de toile orange le bas de son maillot de bain, prévoyant peut-être contre toute raison une longue traversée à la nage – qui n'était pas plus envisageable pour nous qu'un long voyage aérien, bras écartés et jambes jointes, loopings. Sous sa robe courte, elle ne portait qu'une petite culotte de dentelle, qui ne devait pas lui paraître adéquate pour des heures de natation. En maillot, au moins, elle serait à l'aise (quand l'esprit se désorganise, il cherche ses bases). Elle a relevé sa robe sur ses hanches, et s'est penchée en avant pour baisser sa culotte. Comme dans les avions en chute libre, la pudeur (qui, au passage, n'avait jamais étouffé Oum) n'avait plus rien à faire ici. Tous ces culs, ces seins, ces bites, ne valaient plus rien : ils n'existeraient plus dans peu de temps. Et pourtant, en vérifiant derrière elle par réflexe (ça ne change pas, un homme, je crois que c'est Johnny Hallyday qui disait ça), je suis tombé sur le père de famille flanchant dont j'avais tout à l'heure absorbé les craintes du regard. Pendant que sa femme et ses enfants s'écroulaient près de lui, il fixait le cul d'Oum. Métamorphosé deux secondes entre parenthèses, une clarté lubrique sur le visage, une lueur animale (bouc, babouin) dans les yeux, il s'était arraché à l'épouvante et rêvait en regardant le cul d'Oum. Et sa chatte, car elle se penchait bien en avant. Je me suis mis à sa place (mon frère), je ne pouvais pas lui en vouloir. Sa réaction m'a même fait plaisir, et remué. La force déconcertante de l'être humain, qui trouve les ressources, sans même le vouloir, pour s'émouvoir du cil d'une fille à l'approche de la mort ? L'insouciance invincible
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (394) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Compléter les titres

    Orgueil et ..., de Jane Austen ?

    Modestie
    Vantardise
    Innocence
    Préjugé

    10 questions
    20256 lecteurs ont répondu
    Thèmes : humourCréer un quiz sur ce livre

    {* *}