Si j'avais été éditeur, et si j'avais reçu ce roman par la poste, je l'aurais refusé. C'est manifestement un courage que le zig Dantzig (reste Dant), de chez Grasset, n'a pas eu, et on se demande bien pourquoi.
C'est un roman qui ne raconte pas grand-chose et dont l'écriture semble même avoir ennuyé un peu son autrice, lorsqu'à la fin l'on sent, de sa part, comme un essoufflement, un poing de côté, une hâte laborieuse à se débarrasser de son écrit, heureusement terminable (il se termine dans la corrosion), dégonflement qui brasse de plus en plus d'air.
Dans cette constipation finale d'un accouchement difficile, les soldats de Vigipirate courent dans le musée du Louvre avec, dans les mains, des kalachnikovs, arme qui n'est pas et n'a jamais été en service dans nos armées, et qui est celle des terroristes du Ba-Ta-Clan.
Pourtant l'autrice s'était montrée capable d'un soin du détail assez grand pour placer la gravure de
la femme-écrevisse dans la salle anciennement numérotée 33 de l'aile Richelieu 2, « Peintures / Europe du Nord / 1600-1700, le portrait », du musée, salle numérotée 843 depuis 2018.
Cependant, admettons-le, la lecture de ce roman n'est globalement pas désagréable. C'est sans doute la première partie, à Amsterdam, magique, qui donne assez de tension d'ensemble au livre pour qu'on consente à le lire jusqu'au bout, malgré l'évident essoufflement narratif dont il pâtit. N'eût-il pas mieux valu rester dans ce segment ?
La femme-écrevisse est une gravure de Rembrandt qui n'existe pas. Invention peut-être en lien avec le cancer : la femme cancer, lien noté dans l'ouvrage.
C'est une oeuvre de
Dali qui porte le nom de femme-écrevisse. Chez
Dali, l'écrevisse est une métaphore à la fois de l'utérus et du sexe féminin. Maternité (le cancer procréatif) et vagina dentata. Femme castratrice (douée de désirs forts et dominants) et femme procréatrice. L'écrevisse est posée dans le dessin de
Dali à l'endroit même du sexe.
La sexualité revient en effet dans le roman, précisément celle des femmes de quarante ans, Margot et Alicia. La castration, c'est la folie des hommes : Rembrandt, Grégoire, Ferdinand, le nazisme, gigantesque délire.
On nous sert ensuite un cours de morale pas très convaincant (vaincu) sur le nazisme (l'autrice est franco-allemande), et on lui enchaîne avec un à-propos sans doute involontaire le féminisme luciférien de Lucie, la Jungfrau von Hauser (un lien avec Gaspard Hauser ? oui, sans doute), aux affirmations anti-Rembrandt aussi outrancières que la logorrhée antisémite des nazis.
C'est peut-être de cela que parle au fond cet ouvrage : Margot serait l'aryenne et Rembrandt le sémite. le génie et son parasite, le sémite et l'antisémite, l'écrevisse et le vice crevé.