Quoi ? Un camping des Landes fin août ? Vraiment... ?
Avec ce premier roman "coup de poing",
Victor Jestin réussit un premier pari sacrément osé : tenir le lecteur durant la dernière journée de vacances de son personnage dans un camping des Landes. Parents, jeune frère, petite soeur et le chien. Toile de tente et vaisselle derrières les sanitaires. Animateur déguisé en lapin rose, pétanque, apéro. Tout ça. le narrateur n'a que mépris pour ce camping, mais s'y résigne et ne cherche pas à nous le faire détester. On s'y attache presque : par habitude (rapide), par désintérêt (tout est camping, mais le camping n'est pas si présent)...
Tout est ainsi construit dans le très court roman de
Victor Jestin. Peu de mots, peu d'images. Rien que l'essentiel : faire ressentir, furtivement, pour installer, efficacement. Il construit ainsi un personnage captivant : Léonard, dix-sept ans, anti-héros à rebours de l'adolescence, introverti et solitaire, volontiers mélancolique. Mais également envieux, jaloux, égocentrique.
Alors qu'il regarde Oscar s'étrangler sous ses yeux, sans réagir, il se demande s'il l'a tué. La question, probablement philosophique, n'a d'intérêt que pour servir le véritable sujet du récit : l'adolescence. Tout dans ce camping sert la démonstration : les groupes et les solitaires, les jeunes populaires et les autres. Les filles surtout et l'obsession sexuelle estivale.
Surtout,
la chaleur. Cette chaleur accablante du sud-ouest, terriblement pesante jusque dans l'écriture, à l'économie d'énergie.
La chaleur qui ralentit les corps mais électrise les âmes. Dans son introversion, Léonard place une telle intensité qu'il se révèle, finalement, l'archétype adolescent, coincé sur des montagnes russes duales, qu'il subit en partie, qu'il se construit aussi, jusqu'à l'extrême. Et
la chaleur crée le lien, tisse la trame et nivelle le récit, augmentant l'insignifiant et normalisant le plus dérangeant.
Un roman bref, incisif et puissant, qui aurait pu être largement approfondi. On regrettera que les autres personnages ne soient tous que secondaires, présents pour le seul service du portrait et du parcours de Léonard.
Heureux de découvrir, grâce à cette nouvelle rentrée littéraire, un jeune auteur à suivre, avec attention. Malgré la brièveté du récit et une écriture simple et feutrée, il s'autorise quelques fulgurances délicieuses : "il n'y avait plus qu'Oscar. Il cadavrait"