Teresa n'a jamais manifesté à son mari un amour passionné. Un jour, on découvre à Jacques Broncart un cancer foudroyant, qui transforme sa femme en garde-malade dévouée. Et, lorsque le malheureux est emporté par le mal, Teresa devient une veuve inconsolable. Elle vit dans l'attente d'un signe de l'au-delà, qu'il lui a promis de lui envoyer, en lui glissant, sur son lit de mort, cette parole de l'Évangile : « Je serai toujours avec toi ». Teresa est une croyante fervente. Elle guette donc, inlassablement, le moindre indice du retour de Jacques à ses côtés.
Et voilà qu'on frappe à la porte de la ferme. Branko est un vétérinaire Croate qui, à la recherche d'un travail dans les Ardennes, a été victime d'une panne de voiture aux abords de la maison de la jeune femme.
Teresa accueille l'étranger tandis qu'il attend la courroie qui permettra de réparer son véhicule. Et soudain, elle l'entend siffloter l'air préféré de Jacques. C'est lui, c'est l'émissaire de son époux.
Tadeusz, le fils aîné, le préféré, qui a repris la brasserie familiale, s'occupe aimablement de leur invité. André, le cadet, « l'intellectuel », le déteste d'emblée.
Et les choses se compliquent encore le jour où on découvre le cadavre de Suzanne.
Mon avis ne peut pas être objectif. Dès que paraît un nouveau roman d'
Armel Job, je ne réfléchis pas. Je fonce. Et je ne suis jamais déçue.
Le récit se présente comme une narration à deux voix. Les mêmes faits sont vécus de façon très différente par les deux fils de Teresa, qui nous les relatent vingt ans après qu'ils se sont produits. Tadeusz et André prennent la parole chacun à leur tour, un chapitre sur deux.
D'entrée de jeu, André éprouve une profonde antipathie pour Branko, « seulement parce qu'il avait fouillé dans mes tiroirs, première intrusion qui devait le conduire à une intrusion totalement insupportable dans le coeur de ma mère. »
Tadeusz, lui, réserve plutôt bon visage à Branko. Il l'aide à réparer sa voiture, lui procure un travail à la brasserie, l'emmène avec lui à l'Embuscade, le café du patelin où il a ses habitudes.
Branko a des attitudes pour le moins bizarres, surtout à l'égard de Suzanne, une petite allumeuse, qui travaille à la cantine de la pépinière qui a embauché le réfugié.
Au centre de ce triangle, il y a Teresa. Mère de famille, elle est considérée par ses fils comme une « vieille ». Mais elle n'a pas quarante ans, elle est seule, « étrangère », puisqu'elle vient de Pologne, elle aspire à un peu de bonheur.
Quand Suzanne est assassinée, le coupable est tout trouvé. Il ne peut s'agir que de cet étranger bizarre et taciturne.
S'il y a bien un crime, il ne s'agit pas du tout d'un roman policier, comme je l'entends souvent dire par des journalistes qui, soit n'ont pas lu l'ouvrage dont ils parlent, soit n'ont rien compris.
Armel Job nous livrera d'ailleurs le coupable en une page, comme pour se débarrasser de cette affaire, car l'intérêt de son livre est ailleurs. Il est bien question de responsabilité et de culpabilité, mais qui n'ont rien à voir avec Suzanne.
Quatre personnages sont dans la lumière, mais deux autres apparaissent dans l'ombre : Jacques, le mari de Teresa et Xavier, l'avocat qui va l'aider. Tous deux ont un important rôle à jouer, en dépit des apparences.
Des thèmes majeurs sont abordés, tel celui de la responsabilité et du rachat des fautes. Et, bien sûr, il y a l'amour. Mais, contrairement à ce que pense André, celui-ci prend plusieurs formes et ce n'est pas parce qu'on en donne à l'un qu'on le prend à un autre.
La construction est très habile et maintient en éveil l'attention du lecteur jusqu'à la dernière ligne.
J'ai adoré.