Eric Vanloo est chirurgien dans un grand hôpital de Luxembourg. Il loge au presbytère de Fontenal. Un matin, on découvre son corps sans vie. Il a été poignardé. Que s'est-il passé ? le commissaire Demaret, un vieux briscard, a une méthode bien particulière pour le découvrir. La juge a déjà son idée. Et la substitute du procureur trouve là l'occasion de faire ses preuves.
Février. Un mois glacé qu'on dit être le moins sympathique du calendrier. Et pourtant, moi, je le vois revenir avec plaisir. C'est qu'il est synonyme de mon rendez-vous annuel avec le nouveau roman d'
Armel Job. Je l'achète le jour-même de sa sortie et je m'y plonge sans attendre.
«
Le meurtre du Docteur Vanloo » a lieu en 2018. Souvent, les intrigues imaginées par
Armel Job remontent un peu plus loin dans le temps. Nous voilà dans le petit village de Fontenal. Si l'auteur l'a inventé, il n'est pas difficile de se le figurer. C'est un bourg de l'Ardenne belge à l'extrême sud du pays, puisqu'il jouxte les frontières luxembourgeoise et française.
Le titre est ambigu. Qui est Vanloo ? Victime ou meurtrier ? Dès la deuxième page, la réponse est claire. On retrouve notre homme dans son salon, allongé dans une mare de sang. C'est Sophie Lebrun qu'on envoie sur les lieux. C'est la nouvelle substitute du procureur du roi. Comme elle est inexpérimentée, elle tente de se montrer professionnelle. « Vous écartez le suicide ? » Elle se fait moucher par Demaret, le commissaire chargé de l'enquête : « Il est rare qu'on se suicide en se poignardant dans le dos. » Ça démarre bien pour elle ! La galerie de portraits qu'
Armel Job trace d'une plume trempée dans une encre vinaigrée est entamée.
Pour Sophie, cette affaire est la première de sa carrière et on l'y lance sans préparation. Elle est jeune, c'est une femme dans un univers très viril et machiste, elle a été jusque là cantonnée au traitement de la paperasse, quoi d'étonnant si elle tourne de l'oeil à la vue du cadavre sous le regard goguenard de Demaret.
Sur celui-ci, difficile de se forger une opinion. Il a l'air assez brusque et très sûr de lui. Lorsqu'on lui donne un ordre, il l'exécute sans broncher, ce qui ne l'empêche pas d'avoir des avis bien tranchés et une méthode infaillible qu'il compte bien suivre. Il ne manque pas une occasion de se montrer ironique, voire cynique. Il n'aime que le café préparé par son épouse et lorsque, en dépit de ses refus, on lui en apporte un, il n'hésite pas à le verser dans le pot d'une plante... en plastique.
Sous cette apparence bourrue, c'est un autre homme avec sa femme et il peut se montrer très compréhensif et compatissant alors qu'on ne s'y attendait pas.
Je passe sur les personnages, tous si bien croqués, même s'ils ne jouent qu'un rôle secondaire : la juge qui se fait d'emblée une opinion et compte
la maintenir mordicus. C'est qu'elle est pressée de clore l'enquête : ses vacances sont prévues et préparées de longue date. le docteur Vanloo, un chirurgien parfait est le gendre idéal. Il n'en est pas moins un insatiable coureur de jupons sans scrupule et sans morale. le vétérinaire : un brave bougre un peu benêt, prêt à endosser le rôle du dindon de la farce. Durieux, un homme d'affaires véreux, qui raffole des mises en scène plus que douteuses et traite sa fille comme un objet. Jacques Brasseur, un paysan et chasseur, bourru et taciturne, cache sous son armure un coeur inquiet, amoureux de sa femme plus jeune que lui et un certain respect pour les bêtes qu'il élève.
Et la liste est encore longue !
L'intrigue est bien menée et le suspense maintenu jusqu'au bout. Quand Demaret interroge : « Madame Vanloo, votre mari avait-il des ennemis ? » et qu'elle rétorque : « Il était du genre à avoir des amis plutôt que des ennemis. », on est dubitatif. On s'aperçoit au fil du récit que presque tout le monde avait au moins une bonne raison de régler son compte à cet homme si merveilleux.
De nombreuses critiques présentent ce livre comme un « thriller ». C'est un terme qu'on utilise aujourd'hui à tort et à travers, pour tout et n'importe quoi. Pour ma part, je préférerais parler d'une enquête à la manière de
Simenon : atmosphère d'un bourg reculé, isolé et tranquille, analyse fine des caractères, commissaire à la fois bougon et humain.
Je me suis trouvée en proie à un dilemme : j'avais envie de tourner les pages au plus vite pour connaître le fin mot de l'énigme et, en même temps, le besoin de ralentir ma lecture pour rester en compagnie des personnages, me balader au coeur de Fontenal, flâner dans « le chemin des Gades ».
J'ai relevé un clin d'oeil assez amusant : alors que, dans un autre volume,
Armel Job fait boire à ses protagonistes quantité de verres d'Orval, déclenchant une polémique hors propos (est-ce qu'on dit « un Orval » ou « une Orval »?), ici, tout le monde se désaltère à la Lupulus. Serait-ce pour souligner à quel point « l'homme est un loup pour l'homme » ?
Je peux donc dire que j'ai adoré ce roman.
La seule chose que je n'ai pas appréciée, et l'auteur n'en est pas responsable, c'est la couverture qui, à mon sens, ne correspond pas du tout au sujet. Elle me faisait penser à un vieux « Bob Morane ». Mais j'ai vu que certains lecteurs en faisaient grand cas. du goût et des couleurs...