Prépare toi, babéliote intrépide, à rentrer dans l'obscure luminosité du roman appalachien!!
Les Appalaches sont à la mode, de la Caroline du Nord à la Pennsylvanie.
Les séries s'en sont emparées ,ce qui est un signe majeur de cet engouement ( la géniale Mare of Easttown, l'âpre American Rust )
C'est un peu la fin du monde là bas. Comme dans bien des endroits, c'est sur. Mais ce Là Bas symbolise à lui tout seul le désastre de la désindustrialisation, de l'oubli de l'état et de la conquête des territoires par les fabricants de stup et d'alcool frelaté.
C'est un monde sublime couvert de ruines, de rouille, de douilles et de cadavres.C'est peut être ce qui nous attend ?
Pour l'instant nous n'avons ni l'artillerie ,ni le look ultra-hirsute de ses sympathiques habitants. Et puis nous ne savons plus chasser l'ours ni le cerf......Nous sommes incapables de décapiter un gentil rouge gorge pour le manger tout cru.C'est ce que fera Dwayne, l'un des protagonistes de l'apocalyptique"
Ce lien entre nous".
David Joy, l'auteur, a la dégaine de ses personnages . La photo fournie par l'éditeur le montre assis sur un vieux rocher devant un pick-up rouillé, longue barbe rousse et ......livre entre les mains. Pantalon de charpentier, tatouage tribale et bob improbable, il fixe un horizon qu'on imagine à la fois sauvage et familier.Il a été l'élève de
Ron Rash à l'université de Caroline et a choisi de rester dans sa région.
Bon, bon, bon et le livre dans tout ça. Et bien il fallait quand même le restituer dans son contexte pour mieux en comprendre la cruauté et la folie.
Dans une nature hostile et sublime ,des personnages voués à la perdition vont tuer et aimer . Ils sont tous reliés les uns aux autres et la grande force du livre est de montrer à quel point ce lien est indissoluble .
Les séquences s'enchainent depuis l'accident de chasse initial jusqu'à'hallucinante scène finale comme si tout cela appartenait à une prophétie.
La nature est omniprésente, parfois quasiment sanctifiée.
L'horreur entre les oignons sauvages, la passiflore, les airelles, les pourpiers et les trilles blancs.L'horreur d'un corps en décomposition d'où sortent des rats.
Et oui, il va falloir vous accrocher.....Mais ces 300 pages se lisent d'une traite, une Bud à la main, le visage noircit de cendres, les pupilles dilatées par l'incandescence du récit. Ou chez vous, tranquillou, en enchainant avec
Nos vies en flammes qui vient de sortir. Mais il faut quand même avoir l'estomac solide et l'humeur un peu stable. Pour lire du
David Joy.