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Citations sur Journaux de guerre, tome 2 : 1939-1948 (8)

L'éternité n'est pas une grandeur mais une qualité. Donc, ce ne sont ni les millénaires ni les millions d'années qui s'en rapprochent le plus, mais bien l'instant. Vers lui s'élancent les créatures pour s'y consumer, comme des essaims d'éphémères dans la flamme d'une bougie.
Tout savoir vraiment profond, lui aussi, provient de l'instant et non du temps. (p. 1067)

Kirchhorst, 7 avril 1948
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Lorsque l'on passe sur l'une de nos grand-routes, on peut tomber sur des figures humaines telles qu'on en avait jamais vu. Ce sont les captifs qui reviennent des camps, avec leur aura grisâtre de souffrances ultimes. On leur a infligé tout ce qui peut vous être infligé par des hommes et les a dépouillés de tout ce que des hommes peuvent vous ravir. Ce sont les messagers de lieux où d'innombrables victimes ont subi, au point d'en mourir, la torture, la faim, le froid, et les derniers outrages.
J'ai rencontré l'un de ces fantômes aujourd'hui, près de Beinhorn ; on ne lui avait rien laissé qu'un sarrau de toile grise à travers lequel sifflait le vent du Nord. Il devait venir de loin, et il passait sans détourner le regard, comme une ombre.
Pourquoi n'ai-je pu lui adresser la parole aujourd'hui, soir de Noël, comme je l'ai fait avec tant d'autres ? Était-il donc si monstrueusement loin de moi ? (p. 1010)

La cabane dans la vigne
Kirchhorst, 24 décembre 1945
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Mélancolie. Comme bien souvent quand je suis pris de cette humeur, je me distrais en feuilletant des cartons remplis d'images. Ainsi, des compositions de Pierre Bonnard, de Braque, d'Utrillo, de Fautrier. Chez Bonnard, on voit apparaître cet aspect ou cette tâche de l'impressionnisme qui, pourrait-on dire, consiste à conquérir la molécule grâce à une assurance consciente. L'atmosphère est convertie en conscience. Certitude plus consolante encore chez son contemporain Henri Lebasque*, dont les scènes d'intérieurs et de jardins sont baignées d'une onde de bonheur et de paix. La peinture offre aussi une histoire des détails, et par exemple d'un matin clair de printemps en 1910, avec ses éléments imprécis que ne peut saisir nul recours à l'écriture.

* Henri Lebasque (1865-1937), peintre post-impressionniste.

La cabane dans la vigne
Kirchhorst, 20 novembre 1945.
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Paris, 6 juin 1944

Passé la soirée chez Spiedel à la Roche-Guyon. Trajet incommode, à cause des ponts détruits sur la Seine. Nous sommes repartis vers minuit, manquant ainsi d'une heure l'arrivée au quartier général des premiers rapports sur le débarquement. La nouvelle s'est répandue à Paris ce matin : elle a surpris bien des gens, et surtout Rommel absent de la Roche-Guyon hier soir : il était parti pour l'Allemagne fêter l'anniversaire de sa femme. C'était une fausse note dans l'ouverture d'une si grande bataille. Les premiers éléments détachés ont été repérés peu après minuit. Des flottes nombreuses et onze mille avions ont participé aux opérations.
C'est là sans aucun doute le début de la grande attaque qui fera passer ce jour dans l'histoire. J'ai été tout de même surpris, et précisément parce qu'on avait proféré tant d'oracles à ce propos. Mais pourquoi ce lieu, ce moment ? On en disputera encore dans les siècles à venir.
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Les lys constituent une famille de rois, une lignée princière. D'où peut bien venir la grande consolation, la gratification que nous trouvons dans les fleurs ? J'y ai songé. Tout d'abord elle est certainement tellurique et érotique, puisque les fleurs sont les organes nuptiaux, les pousses amoureuses de la terre maternelle. Les noces des fleurs sont parfaites, et même la suprême splendeur des parades animales ne l'égale pas. Il semble que les lois cosmiques se dévoilent dans leur pureté native, voire paradisiaque. Peut être le rapport du soleil aux planètes est-il de même nature. Qui connaît les vertus qu'ils échangent entre eux ?
Et puis, la contemplation des calices contient aussi une volupté de l'esprit. Leur silence est si profond, si convaincant, si symbolique ! Dans chaque jardin paysan, à chaque lisière de champ, on voit briller des mosaïques et des bandes d'écriture colorée. Où pressent-on aussi clairement la possibilité, l'existence de mondes supérieurs au nôtre ? C'est un nectar divin, le vin de l'éternelle jeunesse, qui resplendit dans les calices. (p. 840)

La cabane dans la vigne
Kirchhorst, 14 avril 1945
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Quand la pression extérieure croît et que les mauvaises nouvelles s'accumulent, quand la perception du désastre vous hante durant des nuits avec la force du cauchemar, l'esprit cherche et trouve un refuge non seulement dans le passé, dans les pensées et les formes léguées par nos pères, mais aussi dans la solitude des forêts, dans les vergers et les jardins fleuris, les bibliothèques, les mondes du rêve. Il examine les différentes voies qui se recoupent dans la catastrophe en laquelle elles convergent avant d'en diverger pour s'ouvrir à de nouvelles possibilités, de nouveaux espoirs. Inespérée, une aide lui échoit en partage (p. 1079).

Bâle, 12 aoüt 1958
Appendice - Préface D' "Années d'occupation" (1958)
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Le froid est tel qu'il est à peine possible de tenir ses livres en main ; aussi ai-je l'habitude de me bâtir le soir, au moyen de deux couvertures, une sorte de yourte, éclairée par l'ampoule électrique que j'y introduis au bout d'une rallonge.
C'est dans ces circonstances que je relis une fois de plus Les Milles et une Nuits, dans l'édition Insel avec un plaisir sans égal. Quel bonheur que d'avoir pu sauver ce trésor d'entre mes livres ! C'est justement à l'heure actuelle que l'on peut y trouver pour sa délectation ce que Stendhal y louait, et ce que Hugo Von Hofmannsthal répète dans sa préface : " Un livre qui fait d'une prison le plus exquis des séjours. "
Cette préface d'Hofmannsthal à saisi l'Orient en son coeur même : comme l'une des grandes régions de notre âme, comme notre pays du Levant. (p. 1006)

La cabane dans la vigne
Kirchhorst, 13 décembre 1945
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Paris, 7 décembre 1941.

"L'après-midi à l'Institut allemand, rue Saint Dominique. Là, entre autres personnes, Merline, grand, osseux, robuste, un peu lourdaud, mais alerte dans la discussion ou plutôt dans le monologue. Il y, a chez lui, ce regard des maniaques, tourné en dedans, qui brille comme au fonds d'un trou. Pour ce regard, aussi, plus rien n'existe ni à droite ni à gauche; on a l'impression que l'homme fonce vers un but inconnu."J'ai constamment la mort à mes côtés"- et, disant cela, il semble montrer du doigt, à côté de son fauteuil, un petit chien qui serait couché là.
Il dit combien il est surpris, stupéfait, que nous, soldats, nous ne fusillions pas, ne pendions pas, n'exterminions pas les Juifs- il est stupéfait que quelqu'un disposant d'une baïonnette n'en fasse pas un usage illimité. "Si les bolchéviques étaient à Paris, ils vous feraient voir voir comment on s'y prend; ils vous montreraient comment on épure la population, quartier par quartier, maison par maison. Si je portais la baïonnette, je saurais ce que j'ai à faire".
J'ai appris quelque chose, à l'écouter parler ainsi deux heures durant, car il exprimait de toute évidence la monstrueuse puissance du nihilisme. Ces hommes-là n'entendent qu'une mélodie, mais singulièrement insistante.Ils sont comme des machines de fer qui poursuivent leur chemin jusqu'à ce qu'on les brise.
(...)La joie de ces gens-là, aujourd'hui, ne tient pas au fait qu'ils ont une idée. Des idées, il en avaient déjà beaucoup; ce qu'ils désirent ardemment, c'est occuper des bastions d'où pouvoir ouvrir le feu sur de grandes masses d'hommes, et répandre la terreur. qu'ils y parviennent et ils suspendent tout travail cérébral, quelles qu'aient été leurs théories au cours de leur ascension. Ils s'abandonnent alors au plaisir de tuer; et c'était cela, cet instant de massacre, en masse qui, dès le début, les poussait en avant, de façon ténébreuse et confuse" p.255
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