Quant à moi, je classerais
Jeux Africains dans la catégorie des romans initiatiques, mais ça risque de poser deux soucis : le premier, c'est qu'on range habituellement dans cette catégorie des mièvreries coelhesques et que
Ernst Jünger est sans doute un des auteurs les plus nuls qui soit en mièvrerie, et le second, c'est que je sens que si je cause d'initiation par la légion étrangère et les fumeries d'opium, y'en a des qui vont râler.
Pourtant comment définir autrement l'histoire d'un jeune homme de seize ans qui, s'ennuyant ferme dans le confort bourgeois de sa famille et rêvant des espaces sauvages africains, décide de s'enfuir et de rejoindre la légion étrangère afin de gagner le continent de ses rêves ?
Il s'agit bien là du récit de la sortie de l'enfance, de la découverte du monde et de la diversité des individus qui le compose, avec une galerie de portraits tous aussi improbables que crédibles, Jünger n'a jamais pu s'empêcher d'appliquer les méthodes d'entomologiste qu'il était à l'humanité.
On pourrait presque résumer l'oeuvre par une seule de ses phrases : "On ne connaît la puissance de l'ordre social que lorsqu'on en est sorti." On y trouvera aussi une description de Marseille au début du siècle dernier qui pourrait tout à fait être celle du début de ce siècle.
Je sais bien que
Ernst Jünger n'a pas fort bonne presse car il était un soldat dans l'âme, mais ça serait vraiment dommage de se priver de cette courte oeuvre merveilleusement bien écrite et pleine de pertinence.