AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Henri Plard (Traducteur)
EAN : 9782253048428
379 pages
Le Livre de Poche (31/12/2002)
4.03/5   487 notes
Résumé :
Le grand moment était venu. Le barrage roulant s'approchait des premières tranchées. Nous nous mîmes en marche... Ma main droite étreignait la crosse de mon pistolet et la main gauche une badine de bambou. Je portais encore, bien que j'eusse très chaud, ma longue capote et, comme le prescrivait le règlement, des gants. Quand nous avançâmes, une fureur guerrière s'empara de nous, comme si, de très loin, se déversait en nous la force de l'assaut. Elle arrivait avec ta... >Voir plus
Que lire après Orages d'acierVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (58) Voir plus Ajouter une critique
4,03

sur 487 notes
En 1914 quand le conflit éclate Ernst Jünger est un volontaire de 19 ans. Il tient des carnets qu'il remaniera après la guerre. Il y décrit le quotidien terrifiant des soldats, le déroulement d'une guerre de tranchées, au milieu de la boue, des rats et des cadavres, le plus souvent mutilés, sous un déluge de feu quasi permanent. Il y exprime aussi tous ses états d'âmes, de la surexcitation des combats à l'abattement le plus profond. Il semble aussi que cette guerre ait été pour Ernst Jünger une sorte d'expérience initiatique.
Commenter  J’apprécie          610
On a beau s'investir en lecture de témoignages de guerre, on est toujours à des années lumière du ressenti de ceux qui les ont vécus. Celui de cet auteur allemand me semble pourtant faire exception à cette impression à cause de la distance qu'il insère entre la relation des faits, tirés du journal qu'il a tenu tout au long du conflit, et ses propres sentiments. C'est avec une froideur quasi journalistique qu'Ernst Jünger relate ses années d'une guerre qu'il a vécues de bout en bout, avec l'inestimable chance de s'en sortir après pas moins de quatorze blessures.

Est-ce une forme de mea culpa de son appartenance aux armées de l'envahisseur ou bien son éducation personnelle qui lui impose une certaine retenue dans le langage à l'égard de l'adversaire, une hauteur de vue dénuée d'attendrissement. Penchons pour cette seconde hypothèse, car ce respect du combattant tous camps confondus est assorti d'élans lyriques dans la description des paysages et circonstances de la guerre, y compris les plus dramatiques lorsque : « L'homme au coup dans le ventre, un tout jeune garçon, était couché parmi nous et s'étirait presque voluptueusement comme un chat aux rayons tièdes du couchant. Il passa du sommeil à la mort avec un sourire d'enfant. »

Car pour le reste, ce point de vue allemand évoquant cette boucherie organisée comporte les mêmes scènes d'horreur que ce qu'on peut lire chez nos auteurs nationaux lesquels ont également vécu ces années de cauchemar : des Henri Barbusse, Roland Dorgelès, Blaise Cendras, Maurice Genevoix, Louis-Ferdinand Céline pour ne citer que les plus souvent évoqués dans ce genre de littérature écrite en lettres de sang. Tous autant qui ont tenté de faire savoir aux générations suivantes ce qu'ils ont vécu dans leur chair et leur âme. Leur âme qu'il savait à chaque instant prête à prendre son envol vers des cieux qu'ils avaient la candeur d'espérer plus cléments que le cloaque des tranchées d'Artois ou de Champagne.

On a peine à s'imaginer que des hommes aient pu faire à ce point leur quotidien de la fréquentation de la mort, voyant autour d'eux se déchirer les chairs, s'éteindre des regards. le ton de cet ouvrage amoindri de la sensibilité humaine qu'on peut trouver dans le feu d'Henri Barbusse ou les croix de bois de Dorgelès renforce cette impression d'une forme d'accoutumance à l'épouvante. Faisant des vies humaines une sombre comptabilité au même rang que celle des armes et équipements de la logistique du champ de bataille.

Cet ouvrage reste un récit de ces terribles combats de 14 vécus dans l'environnement restreint d'une unité ballotée par les événements meurtriers. J'allais dire dans l'intimité d'une unité. Mais pour qu'il y ait intimité il faut qu'il y ait durabilité de coexistence. Ce qui n'était pas le cas puisque les unités se reconstituaient aussi quotidiennement que les pertes en réduisaient les effectifs. du sang neuf venait abreuver les tranchées au fur et à mesure que les familles confiaient leur progéniture, de plus en plus jeune, à la voracité de la grande faucheuse. Funeste industrie infanticide commandée par des intérêts très supérieurs dont les traités effaceront la responsabilité à la satisfaction de voir la paix retrouvée.

C'est une forme de fascination d'horreur qui me fait revenir vers ce genre de littérature. La vaine tentative de comprendre ce qui peut jeter les hommes les uns contre les autres dans des boucheries de cette ampleur. Ce qui peut faire qu'il n'y ait pas de conscience supérieure capable d'empêcher une tragédie collective à pareille échelle. Mais non, la « der des der » n'attendait finalement que la suivante pour contredire ceux qui pensaient avoir atteint les sommets de l'horreur. Ainsi est la nature de celui qui tient tant à la vie et se complaît à la mettre en danger.

Orages d'acier d'Ernst Jünger dont le lyrisme qui plut à André Gide au point de lui faire dire qu'il était le plus beau livre de guerre qu'il ait lu m'a quant à moi paru aussi froid que le regard de son auteur en couverture.
Commenter  J’apprécie          361
Ernst Jünger jeune allemand quitte les bancs de l'école pour s'engager volontaire brûlant d'enthousiasme au début de la première guerre mondiale. Comme simple soldat d'abord, et sur les conseils de son père suivra une formation pour devenir rapidement officier.
Chaque jour, il écrit tout ce qui se passe sur le front. le premier jour où à peine installé, après une série de grondements sourds et proches, il suit les soldats sans trop savoir pourquoi. Au début la guerre montre ses griffes sans montrer l'ennemi, ce qui le guérit rapidement de ses illusions premières. Il consigne le travail effectué dans les tranchées pour les maintenir en état, la routine qui s'installe au début dans une guerre pas encore très offensive, où des échanges se font parfois avec l'ennemi ( souvent anglais). Les dernières années, il connaîtra une guerre beaucoup plus offensive avec ses orages d'acier. Il sera blessé une douzaine de fois pas trop gravement et reviendra toujours au front.
En fin de guerre, il reçoit la Croix du Mérite jamais donnée à quelqu'un de si jeune que lui.
Ernst Jünger est quelqu'un de cultivé qui a consigné consciencieusement toute sa guerre dans un journal pour en faire un témoignage exceptionnel dans Orages d'acier.
Ce livre témoigne d'une grande intelligence dans ses analyses de situations et de très bonnes relations avec ses hommes.
"Dans l'obscurité , j'entendis la voix d'un bleu, encore peu au courant de nos coutumes:"Le lieutenant ne se planque jamais.
-Il sait ce qu'il fait, lui rétorqua un ancien de ma troupe de choc. Quand l'obus est pour nous, il est le premier par terre". C'était exact. Nous ne nous planquions plus au sol qu'en cas de nécessité, mais alors sans traîner."

Un livre à lire et à garder comme témoignage exceptionnel.
Commenter  J’apprécie          430
Ernst Jünger, tout jeune engagé volontaire lors de la Première guerre mondiale, tint des carnets pendant toute la durée du conflit. Plus tard, il reprit ses notes et les mit en forme, les compléta de façon scrupuleuse pour livrer un récit autobiographique où il raconte avec force détails et lucidité, l'atroce banalité journalière des soldats c'est à dire l'enfer permanent le froid, la pluie, la vermine, la faim, le vacarme du front , la promiscuité, la peur, la souffrance, la mort, mais aussi la fraternité, l'amitié, la compassion, l'empathie , les gestes d'humanité envers l'ennemi…
C'est un des livres de référence de ce conflit , celui qui décrit sans ostentation, mais avec lucidité et objectivité, celui qui témoigne du vrai. Je suppose que bon nombre de réalisateurs se sont référés à cet ouvrage pour certaines de leurs mises en scène au cinéma.
J'ai lu aussi ce livre pour retrouver des lieux connus, pour savoir comment certains habitants de villes et villages, notamment dans le Pas-de-Calais, que je connais , ( et cela pour retrouver traces de la vie de mes aïeux à cette époque) avaient vécu durant ces années, alors qu'ils côtoyaient , bien malgré eux, l'ennemi (Arleux, Henin -Lietard, Monchy, Croisilles, Berles, Ecoust Saint Mein…)
Jünger fut un soldat qui faisait « son métier », par amour de sa patrie, en tuant, mais en conservant une certaine humanité , n'hésitant pas à laisser la vie sauve à un blessé, à ordonner de donner une sépulture aux corps ennemis, à respecter les civils.
Il échappera à la mort mais sera blessé à plusieurs reprises (14) , Son attitude pendant la seconde guerre mondiale sera profondément marquée par ces années sur le front , dénonçant, combattant la barbarie nazie. A lire pour mieux le connaître ses Journaux Parisiens, c'est ce que je ferai prochainement.
Commenter  J’apprécie          380
Le lieutenant Ernst Jünger a été blessé 14 fois au cours de la guerre, échappant chaque fois miraculeusement à la mort.
Ces sursis nous permettent aujourd'hui de mieux comprendre, à travers ce récit brut d'évènements vécus, toute l'horreur de cette guerre qui fit dix millions de victimes. Elle n'a malheureusement pas servi de leçon puisque celle qui succéda à la "der des ders" fit six fois plus de morts..
Ernst Jünger nous invite à le suivre, de la Lorraine à la Flandre en passant par la Somme, jusqu'au fond des tranchées et des chemins creux pour nous faire vivre de manière très réaliste l'âpreté et l'horreur de combats au résultat incertain, de tous ces assauts inutiles pour reprendre quelques mètres de terrain aussitôt reperdus.
De quoi faire réfléchir, mais aussi un hommage à tous ceux qui ont combattu, de part et d'autre et dont le souvenir nous permet de faire en sorte que leur sacrifice n'ait pas été tout-à-fait vain.
Commenter  J’apprécie          400

Citations et extraits (71) Voir plus Ajouter une citation
La grande bataille marqua aussi un tournant dans ma vie intérieure, et non pas seulement parce que désormais je tins notre défaite pour possible.
La formidable concentration des forces, à l'heure du destin où s'engageait la lutte pour un lointain avenir, et le déchaînement qui la suivait de façon si surprenante, si écrasante, m'avaient conduit pour la première fois jusqu'aux abîmes de forces étrangères, supérieures à l'individu. C'était autre chose que mes expériences précédentes ; c'était une initiation, qui n'ouvrait pas seulement les repaires brûlants de l'épouvante. Là, comme du haut d'un char qui laboure le sol de ses roues, on voyait aussi monter de la terre des énergies spirituelles.
J'y vis longtemps une manifestation secondaire de la volonté de puissance, à une heure décisive pour l'histoire du monde. Pourtant, le bénéfice m'en resta, même après que j'y eus discerné plus encore. Il semblait qu'on se frayât ici un passage en faisant fondre une paroi de verre - passage qui menait le long de terribles gardiens.
Commenter  J’apprécie          121
Dans la première semaine le général Sontag vint inspecter le régiment, le louer pour sa belle conduite lors de l'assaut contre le bois de Saint-Pierre-Vaast et y distribuer de nombreuses décorations. Tandis que je défilais au pas de parade, en tête de la deuxième , je crus remarquer que le colonel von Oppen parlait de moi au général. Quelques heures après, je fus appelé au quartier du général, où il me remit la Croix de fer de première classe. J'en fus d'autant plus heureux que je m'attendais à part moi, quand j'avais suivi l'ordre de recevoir une trempe pour raison quelconque. "Vous aimez vous faire blesser de temps à autre, me dit le général quand je me présentai à lui, et c'est pourquoi j'ai pensé à mettre cet emplâtre sur vos blessures".
Commenter  J’apprécie          164
[...] Haletant, je bondis avec le sergent autour d'un gros chêne, comme un écureuil qu'on poursuit à coups de pierres. Machinalement, sans cesse fouetté par de nouvelles explosions, je courais derrière le gradé qui se retournait de temps à autre, me fixait d'yeux hagards et braillait : " Mais qu'est-ce qui se passe, bon Dieu, qu'est-ce qui se passe ?" Soudain, un éclair sauta des racines largement étalées, et un coup sur la cuisse gauche me projeta contre le sol. Je me crus atteint par une motte de terre, mais la chaleur du sang ruisselant ne tarda pas à m'apprendre que j'étais blessé. On découvrit plus tard qu'un éclat coupant comme un fer de lance m'avait blessé au gros de la jambe et que mon porte-monnaie avait atténué la violence du choc. Cette mince coupure qui, avant de trancher dans le muscle, n'avait pas transpercé moins de neuf feuilles de cuir épais, semblait faite au rasoir [...]
Commenter  J’apprécie          120
Pour toute réponse, il se fourra les mains dans les poches et haussa les épaules. Comme je n'avais pas de temps à perdre, je bondis sur lui et lui arrachai le renseignement en lui mettant mon pistolet sous le nez.
Ce fut la première fois où je rencontrai au front un homme qui me fît des difficultés, non par frousse, mais, de toute évidence, par pur dégoût de la guerre. Bien que ce dégoût se fût naturellement accru et généralisé dans ces dernière années, une telle manifestation, en plein combat, n'en restait pas moins très insolite, car la bataille lie, tandis qui l'inaction disperse. Au combat, on est sous le coup de nécessités objectives. C'est au contraire lors des marches, au milieu des colonnes, lorsqu'elles quittent la bataille de matériel, qu'on pouvait le plus nettement observer comme la discipline s'effritait.
Commenter  J’apprécie          101
L'officier d'état-major de la division me reçu dans son bureau. Il était fort bilieux et je m'aperçus qu'il tentait de me coller la responsabilité de l'échec. Quand il mettait le doigt sur la carte et me posait des question de ce genre : "Mais pourquoi n'avez-vous pas tourné à droite dans ce boyau ?" je voyais bien qu'un méli-mélo où des notion comme la droite ou la gauche n'ont même plus de sens lui était tout simplement inconcevable. Pour lui, toute l'affaire était un plan, pour nous, une réalité intensément vécue.
Commenter  J’apprécie          164

Videos de Ernst Jünger (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ernst Jünger
À travers les différents ouvrages que l'auteur a écrit pendant et après ses voyages à travers le monde, la poésie a pris une place importante. Mais pas que ! Sylvain Tesson est venu sur le plateau de la grande librairie avec les livres ont fait de lui l'écrivain qu'il est aujourd'hui, au-delàs de ses voyages. "Ce sont les livres que je consulte tout le temps. Je les lis, je les relis et je les annote" raconte-il à François Busnel. Parmi eux, "Entretiens" de Julien Gracq, un professeur de géographie, "Sur les falaises de marbres" d'Ernst Jünger ou encore, "La Ferme africaine" de Karen Blixen. 
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
+ Lire la suite
Dans la catégorie : Autres sujetsVoir plus
>Histoire générale de l'Europe>Histoire militaire de la 1re guerre>Autres sujets (11)
autres livres classés : première guerre mondialeVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (1470) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1711 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}