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Citations sur Le Général de l'armée morte (22)

Je m'attarde parfois à écouter le mugissement du vent qui étouffe le grondement du bief et j'ai alors l'impression que le vent hurle sur le monde entier.
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Nous ferions passer les cercueils de nos soldats au milieu d'eux, en leur montrant que même notre mort est plus belle que leur vie.
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La pioche s'enfonça dans le sol avec un bruit sourd. Le prêtre fit le signe de la croix. Le général salua militairement. Le vieux terrassier des services municipaux souleva à nouveau son outil et l'abattit avec force.
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Il était une fois un général et un prêtre partis à l'aventure. Ils s'en étaient allés ramasser les restes de leurs soldats tués au cours d'une grande guerre. Ils marchèrent, marchèrent, franchirent bien des montagnes et des plaines, cherchant et ramassant ces dépouilles.
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[...] ... Minuit approchait. La fête battait son plein et personne ou presque ne pensait plus à la vieille Nice, quand, soudain, on la vit réapparaître à l'instant précis où les deux étrangers s'apprêtaient à se lever. Peut-être le général fut-il le premier à s'apercevoir de son retour. Il eut la sensation de sa présence comme un chasseur aguerri flaire l'approche du tigre dans la jungle. Voyant des gens s'affairer et chuchoter près de la porte, il entendit aussitôt monter ce cri au fond de lui : "Elle est là !" et se sentit blêmir. Cette fois, la vieille ne pleurait plus, on n'entendait plus sa voix, mais tout le monde sentait qu'elle était là, à la porte. L'orchestre continuait de jouer mais on ne l'écoutait plus. Un petit rassemblement s'était formé devant l'entrée. Personne ne pouvait s'expliquer pourquoi la vieille Nice était revenue. Peut-être à cause de son aspect, ou bien de ses supplications, toujours est-il que les gens s'écartèrent pour la laisser passer et elle pénétra dans la pièce au milieu des exclamations générales. Elle était toute trempée, couverte de boue, le visage d'une pâleur de mort, et elle portait un sac sur ses épaules.

Le général se leva machinalement et se dirigea vers elle. Il avait deviné que c'était lui qu'elle cherchait. Il se porta lui-même au-devant d'elle comme ces bêtes qui, flairant de loin la présence de l'ennemi, sont envoûtées par sa voix et, au lieu de fuir, courent jusqu'à lui.

Les gens s'agglutinèrent autour d'eux. Tous avaient l'air interdit. La vieille Nice se campa devant le général, fixa sur lui un regard mal assuré, comme si ce n'était pas lui qu'elle regardait mais son ombre, et, d'une voix cassée, émaillée d'une quinte de toux, elle lâcha quelques mots à son adresse, dont il ne comprit que celui de vdekje, ou mort. ... [...]
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Incipit :
Une pluie mêlée de flocons de neige tombait sur la terre étrangère. La piste de béton, les bâtiments et les gardes de l'aérodrome étaient trempés. La neige fondue baignait la plaine et les collines à l'entour, faisant luire l'asphalte noir de la chaussée. En toute autre saison cette pluie monotone eût semblé à quiconque une triste coïncidence. Mais le général n'était guère surpris. Il venait en Albanie afin d'assurer le rapatriement des restes de ses compatriotes tombés à tous les coins du pays pendant la dernière guerre mondiale. Les négociations avaient été entamées dès le printemps et les contrats définitifs signés seulement à la fin du mois d'août, quand, justement, les premières journées grises font leur apparition. On était maintenant en automne. C'était la saison des pluies, le général le savait. Avant son départ, il s'était renseigné sur le climat du pays. Cette période de l'année y était humide et pluvieuse. Mais le livre qu'il avait lu sur l'Albanie lui aurait-il appris que l'automne y était sec et ensoleillé, cette pluie ne lui aurait pas, pour autant, paru insolite. Au contraire. Il avait en effet toujours pensé que sa mission ne pouvait être menée à bien que par mauvais temps.
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" J'ai fort mal dormi la nuit dernière, dit-il; j'ai fait un rêve étrange.
-- Et quoi donc ?
-- Je voyais cette fille publique, celle dont ce cabaretier nous a raconté l'histoire, vous vous souvenez ?
-- Oui, dit le prêtre.
--C'est justement d'elle que j'ai rêvé. Elle était morte, étendue dans une bière. Alors que, dehors, une foule de soldats, couchés eux-aussi dans des cercueils, attendaient leur tour, devant la porte de la maison.
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...en guerre il est malaisé de faire le partage entre le grotesque et le tragique, l’héroïque et l’attristant…
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Tu t'imagines qu'on les cherchera vraiment, nos restes ? Eh bien, mettons qu'on les cherche un jour. Si tu crois que cette pensée me console ! Il n'y a pas de plus grande hypocrisie que cette recherche des cendres, une fois la guerre finie. Quant à moi, je ne veux pas de cette faveur. Qu'on me laisse tranquille, là où je tomberai.
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[...] ... L'exhumation de l'armée commença le 29 octobre à quatorze heures.

La pioche s'enfonça dans le sol avec un bruit sourd. Le prêtre fit le signe de la croix. Le général salua militairement. Le vieux terrassier des services municipaux souleva à nouveau son outil et l'abattit avec force.

Ca y est, c'est parti ! se dit le général, ému, en contemplant les premières mottes de terre humide qui roulaient à leurs pieds. C'était la première tombe qu'ils ouvraient et chacun, tout autour, se tenait comme pétrifié. L'expert albanais, un élégant jeune homme blond au visage émacié, prenaient des notes sur son calepin. Deux des ouvriers fumaient une cigarette, le troisième la pipe ; le dernier, le plus jeune, vêtu d'un chandail à col roulé, était appuyé sur le manche de sa pioche et observait la scène d'un air pensif. Tous suivaient attentivement l'ouverture de cette première tombe afin d'apprendre la manière de procéder à ce travail d'exhumation. La marche à suivre était décrite en détails aux alinéas 7 et 8 de la quatrième annexe au protocole [d'accord entre l'Albanie et le gouvernement représenté par le général et l'aumônier].

Le général avait les yeux braqués sur l'amoncellement des mottes qui ne cessait de croître aux pieds de l'ouvrier. Elles étaient noires, friables, et une légère vapeur s'en dégageait.

La voici donc, cette terre étrangère, se dit-il. La même terre noire que partout ailleurs, les mêmes cailloux, les mêmes racines et la même vapeur. Et pourtant étrangère.

Derrière eux, sur la chaussée, les voitures circulant à grande vitesse faisaient entendre de temps à autre le cri de leur klaxon. Comme la plupart des cimetières militaires, celui-ci était situé en bordure de la route. De l'autre côté, des vaches paissaient et leurs rares beuglements se répandaient, paisibles, dans la vallée.

Le général était troublé. Le tas de terre ne cessait de monter mais, au bout d'une demi-heure, le vieil ouvrier n'était dans la fosse qu'à hauteur des genoux. Il en ressortit pour se reposer un peu, juste le temps de permettre à un de ses camarades de déblayer à la pelle la terre qu'il avait détachée avec sa pioche, puis il redescendit dans le trou. ... [...]
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