AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,39

sur 122 notes
5
21 avis
4
4 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le vent glacial contre le soleil qui murit doucement la vigne. La bestialité contre la grâce. Les rictus de haine contre les sourires bienveillants. La force brutale contre la ruse subtile. Les vociférations des fanatiques contre les doux refrains des élégants troubadours. L'exécration contre l'amour courtois qui célèbre la beauté féminine. Un Dieu guerrier plein de certitudes contre une Déesse aimante pétrie de doutes.
Quatre saisons, quatre petites saisons, pour sauver le pays d'Arbonne du feu, de l'épée et de la hache.
J'ai beaucoup aimé ce long roman. On y rit, on y boit, on y chante… On y célèbre la beauté des corps et des sentiments… On ressent cette douce mélancolie qui s'empare des fêtards et des amants arrivés au bout de la nuit. On s'attarde, assis à l'ombre, sur de vieux bancs en pierre…
Tout serait tellement formidable s'il n'y avait pas au nord la folie destructrice du pays du Gorhaut dont les légions vont bientôt se ruer au coeur du pays d'Arbonne.
Je n'oublierai pas tous ces personnages généreux au rire clair qui, par pudeur, savent si bien dissimuler leurs blessures. le roi brutal du Gorhaut aura fort à faire pour parvenir à vaincre de tels caractères.
Le talentueux duc troubadour de Talair, provocateur, charmeur et sensuel, qui perd ses nuits à essayer de retrouver un amour perdu ; la fragile Cygne de Barbentain, comtesse d'Arbonne, maîtresse du temps ; Blaise ! Blaise le rustre, Blaise le nordique qui se révolte contre l'inéluctable ; le spadassin Rudel, la douce Lisseut et le fidèle Valéry… Tant d'autres encore aux vies fracassées mais qui vont se retrouver pour défendre leur pays.
Jusqu'à l'ultime bataille, la mère des batailles qui décidera de leur sort.
J'aurais bien aimé vivre en pays d'Arbonne.
Superbe roman.

Commenter  J’apprécie          886
J'ai commencé l'année avec un gros coup de coeur : Les Lions d'Al-Rassan de Guy Gavriel Kay. Pour cette deuxième incursion dans l'univers de l'auteur, je dois reconnaître que je n'ai pas été déçue : quel roman captivant ! À nouveau, j'ai eu l'impression de lire une symphonie. C'est certain, j'ai bien l'intention de lire tous ses autres livres.

L'auteur s'est vraisemblablement inspiré de l'histoire des troubadours de la Provence moyenâgeuse. Je ne l'aurai pas deviné, c'est BazaR qui me l'a dit. Je le remercie au passage pour cette LC épatante.

Au sud, Arbonne, une société matriarcale avec au centre de leur religion une déesse. Au nord, il y a Gorhaut, une société patriarcale avec bien entendu un dieu mâle, Corannos. Les femmes y sont plus bas que terre. le contraste entre les deux est un peu trop marqué à mon goût, on ne risque pas de se tromper entre les gentils et les méchants. le roi Adémar est ignoble et en ce qui concerne son primat… le mot reste à inventer.

Quoi qu'il en soit, tout n'est pas rose dans le sud. Une querelle, que l'on pourrait qualifier de légendaire, oppose depuis plus de vingt ans Bertran de Talair et Urté de Miraval. Elle pourrait bien causer leur perte à tous.

Blaise est un mercenaire originaire du Gorhaut (bien bâti et roux, mais sans kilt ^_^ ). Il s'est exilé dans le sud dégoûté par ce qui se passe chez lui. Il va se lier avec Bertran de Talair et son cousin Valéry. C'est un homme d'honneur comme je les aime.

La guerre gronde… les femmes du sud constituent un affront intolérable pour le nord. Ils ne rêvent que de les faire périr par le feu ! C'est que les femmes ne sont pas laissée derrière… Kay nous offre une belle brochette de personnages féminins comme Aëlis, Rosala, Ariane, Lisseut et Lucianna Delonghi (pour ne citer qu'elles).

Que d'émotion avec ces scènes aux rebondissements à faire s'arrêter le coeur, des moments très forts. Quelques mouchoirs ne sont pas superflus.

Un roman puissant. Je ne me trompe pas en disant qu'avec BazaR, nous l'avons trouvé vraiment excellent.



Challenge pavés 2019
Challenge multi-défis 2019
Challenge défis de l'imaginaire 2019
Commenter  J’apprécie          474
Il y a très peu d'auteurs qui parviennent à me faire entrer en résonance avec leurs romans, pour lesquels chaque chapitre m'atteint avec la joie ou la force d'un mouvement parfait d'une symphonie de Beethoven ou d'un quatuor de Schubert.
David Gemmell y parvient, Poul Anderson aussi à un niveau un peu moindre.
Après avoir lu les Lions d'Al-Rassan il y a deux ans et la Chanson d'Arbonne aujourd'hui, je peux ajouter Guy Gavriel Kay à la liste.

J'ai pourtant failli me fourvoyer dans mon angle d'attaque au début. L'auteur a pour marque de fabrique de déployer des fantasy qui s'appuient sur un socle historique solide mais dont les détails détournés, fantasmés, diffèrent de l'original. Cela lui donne une grande marge de liberté dans la chanson qu'il nous écrit.
Et au début donc, je voulais à tout prix retrouver le détail de l'original. Je voyais bien percer le 13ème siècle médiéval en France, le Midi et sa civilisation riche et chantante, où les femmes pouvaient gouverner à l'instar d'une Aliénor d'Aquitaine, où les troubadours apportaient leurs lettres de civilisation et où l'amour chanté avait droit de cité. Je voyais bien l'écho du catharisme organiser la vie d'une partie de ses habitants ; je voyais bien le Nord se préparer à la croisade, prêt à étouffer l'hérésie dans son sang et à s'emparer de ses terres aux dépends des seigneurs dévoyés du Sud.
Mais les détails n'étaient pas là, ou ils étaient là trop déformés. le Gorhaut faisait un royaume de France beaucoup trop excessif dans sa folie religieuse, dans son animosité pour les femmes, dans sa description d'un roi Adémar trop infâme et vulgaire pour ressembler à quelqu'un de connu. Arbonne de son côté exacerbait les qualités du Midi à un point extrême. Il était tout simplement trop beau pour être réel.

Mais rapidement, j'ai cessé de chercher la musique que j'attendais pour écouter celle que l'on me donnait à entendre.
Et c'était magnifique.
Tout comme son Al-Rassan, Guy Gavriel Kay fait vivre l'Arbonne. Il nous offre ce qu'un pays presque utopique a de mieux à offrir dans les temps de paix : les carnavals où le ménestrel a plus de poids que le seigneur, les jeux amusants et bêtes de taverne, les concours d'agilité sur le fleuve et sur la mer qui n'ont pas été sans me rappeler les joutes sétoises.
Et les chansons.
Et les poèmes.
Qu'il est triste de n'avoir que le texte et pas la musique qui l'accompagne. Certaines scènes de chants sont de pures merveilles profondément émouvantes.

Ce sont les personnages de l'auteur qui font rayonner l'Arbonne. Ils ont une substance indéniable composée de beaucoup de courage, de l'honneur, de l'éthique, de l'intelligence et d'un peu de manichéisme. Composée surtout de beaucoup d'amour, d'un peu de colère, et de regrets. Blaise, Bertran, Cygne, Lisseut, Valéry, Ariane, Rudel, les nommer ne vous apportera rien mais participe à la mélodie. Il faut les lire pour les voir vivre et interagir.
Par contraste, les quelques « méchants » sont sans nuances, ce qui ne veut pas dire sans intelligence.
Même chez eux, la rédemption est possible.

Je l'ai dit au début de ce billet, chaque chapitre est d'une richesse émotionnelle confondante, au point que je ne pouvais en avaler plus de deux en une journée, de peur de saturer. Certains changent d'émotion en cours de route, commençant gaiement, se poursuivant dans une tension d'inimitié choquante par contraste, s'atténuant dans la poésie pour repartir en point d'orgue violent. Certains sont dignes de comédie de boulevard tant les personnages surjouent diplomatiquement. Certains sont aussi de l'action pure, car la bataille s'invite après la chanson.
Les rebondissements permanents font penser à une partie de squash. Les coups de théâtre ne cessent jamais, étonnent, foudroient, ou amusent.
Font pleurer parfois.

Je ne sais pas quoi dire de plus. Plutôt que des faits, je voulais vous faire entendre la musique de ce roman.

La lecture, je l'ai réalisée en association avec Fifrildi qui a de l'oreille. Nous avons partagé nos émotions à chaque chapitre. Elle a dû ralentir son rythme de lecture pour m'accompagner. Ce n'est pas un mince sacrifice. Grands mercis à elle.
Commenter  J’apprécie          4612
Si j'étais un livre, je serais un roman de Guy Gavriel Kay ...

Je crois que ma critique va commencer un peu comme celle de Bazar. Désolée, mais je ne peux absolument pas nier l'évidence...

C'est la première fois que je lis un roman de Guy Gavriel Kay et pourtant, il m'a paru si familier...Bazar dit ( je lui dois bien de le citer car c'est sa critique qui m'a donné envie de lire ce livre) que "très peu d'auteurs parviennent à le faire rentrer en résonance avec leurs romans" et que Kay en fait désormais partie.

Ben, pour moi...Tout pareil !
A tel point que je me suis demandée à certains moments si cet auteur ne lisait pas dans ma tête. Si je devais écrire un roman un jour, il est fort à parier qu'il ressemblerait en de nombreux points à un roman de Guy Gavriel Kay. J'ai trouvé fort déroutant d'ailleurs de découvrir qu'un auteur, à des milliers de kilomètres de moi, puisse avoir un imaginaire aussi proche du mien.

je vais essayer de me procurer "Le dernier rayon du soleil" car rien qu'en lisant le résumé, je suis persuadée que ce roman "résonnera en moi" tout autant que La chanson d'Arbonne, voire plus.

Bon, je parle beaucoup de moi et très peu de l'histoire...

La chanson d'Arbonne me fait beaucoup penser à une série historique que j'ai adoré il y a quelques années " La malédiction des Trencavel" de Bernard Mahoux qui est une magnifique biographie très romancée de Roger Trencavel, vicomte d'Albi, Carcassonne et Béziers, seigneur un peu rustre et peu scrupuleux et de son épouse Adélaïs, comtesse de Toulouse amoureuse passionnée d'un chevalier troubadour...
Pour ceux qui ont lu La chanson d'Arbonne, je pense que vous comprendrez aisément le rapprochement.
Peut-être cette histoire a t-elle inspiré Guy Gavriel Kay.
Sans nul doute, les Cours d'amour qui avaient lieu en territoire occitan puis en vogue sur tout le territoire français sous l'influence d'Aliénor d'Aquitaine l'inspirèrent également.

La chanson d'Arbonne, telle une chanson de geste, déroule sous nos yeux tout le lyrisme médiéval des épopées chevaleresques mais ce n'est pas que cela.

C'est surtout un roman de fantasy. Car si Guy Gavriel Kay prend pour toile de fond le clivage entre pays d'Oc et pays d'Oïl, il n'en reste pas moins qu'il y tisse un univers propre. Il y réinvente des dieux, des coutumes, des traditions, des lieux imaginaires...où ses personnages vont évoluer de la manière la plus cohérente qui soit.
Oui, parlons-en des personnages ; car c'est aussi ce que j'ai beaucoup apprécié dans ce roman. Chaque personnage est investi et approfondi. Guy Gavriel Kay permet à ses lecteurs de s'identifier et d'être en osmose avec chacun des personnages. Il prend le temps de nous dire ce qu'ils pensent, ce qu'ils ressentent, ce qui les a façonnés..tout en préservant bien sûr des zones d'ombre qui entretiennent certains mystères et attisent l'envie d'en savoir plus.
Même si le dénouement ressemblait beaucoup à celui que j'imaginais, il m'a tout de même un peu surprise et même laissé un peu sur ma ...FIN.
Et c'est aussi ce que j'aime. Que l'auteur laisse aux lecteurs la liberté de faire vivre ses personnages à leur propre fantaisie. On pourrait même dire à leur propre fantasy...


Commenter  J’apprécie          392
Après Les Lions d'al Rassan de Guy Gavriel Kay, que j'ai adoré, je me lance dans La chanson D'Arbonne en très bonne compagnie : à savoir Nadou ma chère co-lectrice.

Cette année le challenge Duo auteurs SFFF le met à l'honneur avec un autre grand de la SFFF, Isaac Asimov.

Ici nous n'allons pas dans les grands espaces intersidéraux, mais dans le doux pays d'Arbonne, pays des troubadours et de l'amour courtois. Transposition médiévale des Cours occitanes et de la langue d'oc. La chevalerie, les troubadours, la transmission des exploits guerriers et des rois et chevaliers.
Ce roman est cela, en ce sens qu'il est écrit comme une éloge aux exploits de nos héros. Une chanson, un refrain, une histoire de sang, de haine, de vengeance, mais aussi d'amour et de tendresse. Il est tout à la fois.
Blaise de Garsenc est un coran (chevalier) consacré à Corannus dieu du Gorhaut ; Pays qui vénère son dieu guerrier au sens le plus strict du terme. le Primat du Gorhaut, Galbert de Garsenc, son père, ne le laisse pas oublier à son peuple, en pratiquant l'intimidation (l'inquisition) et la peur avec les meurtres, bûchers (ça ne vous rappelle rien?)
Blaise n'est pas d'accord avec la conception de son père ni sa manière de faire. Fils cadet il devient mercenaire et se loue aux autres contrées. En arrivant en Arbonne, il méprise plus ou moins, la manière douce et joyeuse de ses habitants. Mais douceur et bonté ne veulent pas dire mièvrerie et faiblesse.
Tout cela sera un apprentissage pour Blaise.
Il rencontre des personnages hauts en couleurs, Bertran de Talair, gentilhomme désenchanté et si attachant, troubadour et guerrier à la fois. Ariane, la reine de la cour d'Amour, Cygne, la reine d'Arbonne, son ami d'armes Rudel, et tant d'autres comme Lisseut, jeune femme troubadour pleine de charme et d'amour de la musique. Et bien sûr tous les troubadours qui font rêver et enchantent leur auditoire.
Toute cette histoire est une vaste chanson entourée d'une belle mélodie, l'écriture de Guy Gavriel Kay qui sait mettre tout cela en musique. Son écriture nous transporte dans ce pays de douceur et de cocagne que lorgne leurs voisins du Nord.
Excellent moment de lecture avec Nadou, nous n'arrêtions pas d'échanger nos impressions. Les personnages sont courageux, truculents, plein d'humour, l'auteur nous les livre en profondeur : leur caractères, leurs aspirations, leurs faiblesses et leurs doutes. L'action est présente à chaque chapitre, le suspens bien entretenu, les révélations tombent les unes après les autres et quelles révélations !!! j'ai adoré. Un beau coup de coeur.
Commenter  J’apprécie          3510
Wouah ! Magnifique !

J'avais tellement aimé Les Lions d'Al-Rassan, j'avoue que je redoutais de ne pas être autant émerveillée cette fois-ci.
Et bien, c'est également le vrai coup de coeur pour cette Chanson d'Arbonne que j'ai adoré et eu le plaisir de découvrir en compagnie de Srafina.

Ah ! L'Arbonne… élément essentiel du récit, un territoire qui fleure bon comme le Midi. Un petit pays chaleureux qui cultive ses vignes et ses oliveraies grâce à son soleil généreux. Un petit pays comptant plusieurs châteaux de ducs et barons, et où les troubadours et ménestrels sont toujours à l'honneur dans leur salle de banquet pour chanter l'Amour Courtois, une tradition insufflée par la comtesse de Barbentain qui gouverne l'Arbonne.

Et oui, une femme à la tête de ce pays. Et cela semble bien irriter son voisin nordique le Gorhaut, bien plus austère. Des terres froides où l'on ne semble guère apprécier autant la musique… ni tolérer qu'une femme puisse avoir un quelconque pouvoir.

« Jusqu'à ce que meure le soleil et que tombent les lunes,
l'Arbonne et le Gorhaut ne vivront pas en harmonie côte à côte. »

Et c'est pourtant par les yeux de Blaise du Gorhaut, mercenaire qui a fui son pays, que l'on va découvrir cette Arbonne si insolente à leurs yeux, et bien d'autres choses en encore. Mais chut…

Ce livre a vraiment tout pour me plaire.

Tout d'abord la plume magnifique de Guy Gavriel Kay. Je l'avais déjà savourée dans les Lions d'Al-Rassan, c'est encore ici un régal de suivre ses mots plein de poésie quand il fait chanter ses troubadours dans une taverne ou lorsqu'il décrit un paysage, une scène de bataille ou même une rencontre à la lumière d'une bougie. On se laisse porter par le récit, tantôt lumineux et plein de sensualité, tantôt sombre et glaçant.

Et puis les personnages. L'auteur les travaille en profondeurs avec chacun leur personnalité, leur force et leur faiblesse, leur blessure et leur secret. Certains sont haïssables à souhait, d'autres sont terriblement touchants et attachants. On vit les évènements avec eux, on ressent leurs émotions, leurs interrogations et leurs inquiétudes. J'ai adoré suivre et accompagner Blaise, Bertran, Rudel, Ariane, Rosala ou encore Lisseut.

Et enfin, on ne s'ennuie pas une minute dans cette lecture. Les chapitres sont longs, certes, il n'y en a que 19 pour plus de 600 pages, mais chacun apporte son lot de surprises, d'émotions, d'aventure, de complot, de mystère et d'intrigue. Les rebondissements sont perpétuels - mention spéciale pour le chapitre 12, la succession théâtrale des évènements dans la chambre était jouissive - jusqu'à la dernière page. La tension monte au fil du récit, on ne peut, ni ne veut le lâcher.
Il y aurait bien d'autres choses à dire, mais le mieux est de le découvrir soi-même.

Ma prochaine lecture de cet auteur sera Tigane, j'ai grande hâte de découvrir dans quel univers Guy Gavriel Kay va nous faire voyager.
Merci à Srafina pour les échanges, je suis ravie d'avoir fait cette magnifique balade avec elle.

Challenge Duo d'auteurs SFFF : Isaac Asimov - Guy Gavriel Kay
Commenter  J’apprécie          3110
Il n'y a rien à faire. Je ne me lasse pas de la plume de Guy Gavriel Kay. Et non seulement je ne m'en lasse pas, mais, surtout, elle me fait à chaque fois voyager. Dans l'espace et dans le temps, mais, surtout, dans l'âme humaine.

Pour celles et ceux qui ne seraient pas des « Kayesiens », permettez-moi juste un aparté sur ceux des livres de Guy Gavriel Kay que j'ai déjà lus. le premier écrit, et le premier que j'ai lu, c'est La tapisserie de Fionavar. Une merveille de réécriture des légendes arthuriennes, dans laquelle quatre étudiants américains de notre époque se retrouvent dans un univers parallèle, médiéval-fantastique. La question qui se pose à eux est celle – tout simplement ! – de choisir leur destin. Dans quel monde vont-ils choisir de vivre ? Et dans quel sens vont-ils orienter leur vie ? Bref, sans rentrer dans les détails de chaque, à chaque fois, il y a une zone géographique et une période de référence, mais également un grand sujet de fond. Et, à chaque fois, le tout est mis en musique avec le style tantôt étincelant, tantôt sobre, de Guy Gavriel Kay

Dans La chanson d'Arbonne, le contexte est celui de la Provence au Moyen Âge et le sujet, l'amour et la transmission. Car, par-delà les jeux de pouvoir, par-delà, surtout, leurs intrigues, les puissants de ce monde sont tout autant que les autres les esclaves de leurs sentiments. Et victimes des secrets qu'ils élaborent, qu'ils protègent, qu'ils transmettent. Pratiquement jusqu'à organiser leur vie toute entière autour, jusqu'à mettre dans la balance leur existence et la survie du comté.

Mais La chanson d'Arbonne met également en scène toute la violence de la religion lorsqu'elle exclut, lorsqu'elle sépare, lorsqu'elle oppose. Et la fureur du Dieu – mais, surtout, de son clergé – embrase ici le pays d'Arbonne. Malheureusement, cela n'est pas sans nous rappeler certaines situations récentes…

La chanson d'Arbonne mêle adroitement l'Histoire, avec toutes les lignes de force géopolitique de cet univers composé par Guy Gavriel Kay et les histoires, humaines, individuelles : tous les protagonistes nous sont présentés dans toute leur complexité, avec leurs faiblesses, leurs renoncements, leurs petites lâchetés, leurs fêlures et leurs manquements. Bref, avec leur humanité. Et, grâce à cela, on entre extrêmement facilement dans ce livre.

Pour finir, un petit message personnel : Monsieur Kay, si je ne comprends pas toujours votre humour sur Twitter, je suis, définitivement, fan de vos livres, de vos histoires, de votre écriture. À chaque fois, vous m'emmenez dans votre univers, et j'ai l'impression d'en revenir avec une nouvelle vision du monde, plus tolérante, plus ouverte, plus réfléchie…
Lien : https://ogrimoire.wordpress...
Commenter  J’apprécie          281
S'il y a bien un auteur qui fait aujourd'hui figure de référence dans le domaine de la fantasy historique, c'est incontestablement Guy Gavriel Kay. Outre la Chine des Tang puis celle des Song revisitée dans ses deux derniers romans, l'auteur s'est également penché sur cinq autres périodes allant de l'Empire romain sous Justinien à l'Espagne de la Reconquista en passant par l'Angleterre du IXe siècle ou encore l'Italie de la Renaissance. Parmi tous ces ouvrages il en est toutefois un qui manquait à ma collection, et pour cause, puisqu'il se révèle aujourd'hui impossible à trouver en librairie et même difficile à trouver d'occasion (ou en tout cas à un prix raisonnable). Quel dommage, pourtant, de passer à côté d'une telle oeuvre, car « La chanson d'Arbonne » figure sans aucun doute parmi les meilleurs ouvrages de l'auteur et vaut certainement un « Tigane » ou un « Lions d'Al-Rassan ». C'est du côté de la France que Guy Gavriel Kay vient ici chercher son inspiration, et plus spécifiquement du sud de l'hexagone. Nous voici donc transportés dans une Occitanie du XIIIe siècle fantasmée, paradis des troubadours et des musiciens vantant dans de magnifiques poèmes les charmes des nobles dames des cours d'amour. Au Nord, le royaume de Gorhaut considère toutefois d'un mauvais oeil la place récurrente accordée aux femmes et à la musique dans la culture arabonnaise et entend bien profiter de cette « faiblesse » pour accaparer les terres de son voisin (et, accessoirement, mettre fin au culte de la déesse Rian, considéré par les adorateurs de Coranos comme une hérésie). le contexte fait assez clairement référence au conflit qui opposa au cours du XIIIe siècle le royaume de France (Gorhaut) aux régions méridionales (Arbonne), annexées à la couronne à l'occasion de la croisade des Albigeois.

Les références à l'histoire ne s'arrêtent pas là, certains protagonistes faisant distinctement écho à des personnalités historiques plus ou moins connues parmi lesquelles on peut notamment citer Alinéor d'Aquitaine (les lecteurs plus érudits que moi reconnaîtront certainement bien d'autres mentions à des troubadours ou souverains de l'époque mais j'avoue avoir des lacunes sur cette période). Mais ce qui est surtout remarquable ici (et c'est un aspect que l'on retrouve dans la totalité des romans de Guy Gavriel Kay), c'est sa volonté de rendre compte de la complexité et de la richesse de la civilisation qu'il met en scène. Loin de se contenter d'évoquer l'Occitanie médiévale par le biais d'un simple décor, l'auteur a recueilli une vaste documentation sur la culture de l'époque, mettant ainsi en lumière ses particularités et ses caractéristiques les plus admirables. La musique occupe ainsi une place centrale dans le récit, troubadours et ménestrels ayant trouvé sur ces terres ensoleillées un environnement favorable au développement de leur art que le lecteur aura à plusieurs reprises l'occasion d'admirer. La place de la femme dans cette société arabonnaise se trouve également au coeur du récit qui fait la part belle à l'amour courtois, cette manière ritualisée de courtiser une femme sans l'offenser ni elle ni son mari au moyen de poèmes et chansons. Ce respect mâtiné d'admiration dont font preuve une partie des personnages masculins pour leurs homologues féminins renforce évidemment la sympathie du lecteur pour cette culture capable d'envisager les relations hommes/femmes d'une autre manière que celle du rapport dominant/dominée qu'on imagine pourtant prévaloir à cette époque (et qu'on retrouve effectivement chez leurs voisins du Gorhaut).

En terme de construction narrative, on retrouve ici la patte de l'auteur qui opte pour un nombre de scènes finalement assez limité (une quinzaine pour un roman de plus de trois cent pages) mais toutes soignées et ciselées avec une patience et un talent difficiles à égaler. Chez Guy Gavriel Kay chaque mot compte, chaque phrase prononcée par les personnages aura des répercussions par la suite, de même que chaque silence. Il en résulte des scènes d'une intensité dramatique bouleversante et qui resteront vivaces dans l'esprit du lecteur bien après la dernière page refermée (un aspect que l'on retrouve aussi dans la majorité de ses autres romans mais sans doute pas avec la même force). Difficile ainsi d'oublier le magistral duel opposant Blaise et l'Arabonnais, ou l'épreuve remportée par Valéry lors de la grande foire, ou le combat de Rosala pour préserver sa liberté et celle de son fils, ni, bien sûr, le troubadour de Bertrand de Talair chantant son amour pour son pays dans une auberge pleine de poètes et de musiciens émus aux larmes par la prestation du vieil homme (« Lisseut entendit alors Ramir de Talair dire, avec une tristesse douce et voilée, ces paroles qu'elle n'oublierait jamais : Voulez-vous me permettre de corriger une chose que j'ai dite tout à l'heure ? Je vous avais annoncé que je ne chanterais pas une chanson d'amour d'Anselme. En y repensant, je m'aperçois que je me suis trompé. Tout compte fait, c'était une chanson d'amour »). Si la plupart des échanges entre les personnages se déroulent dans un cadre intimiste, le roman comporte malgré tout son lot de scènes spectaculaires lors desquelles l'auteur peut là encore faire la démonstration de l'étendue de son talent, celui-ci excellant tout autant à dépeindre les affres de l'amour que ceux de la guerre.


Difficile, donc, de ne pas se montrer admiratif de l'art et la manière dont Guy Gavriel Kay fait preuve pour construire son récit dont la fin fait brillamment et tragiquement écho au début, preuve s'il en fallait que, dans les romans de l'auteur, le moindre détail a son intérêt. En dépit de toutes les qualités déjà évoquées tant au niveau de la construction de l'histoire que de la reconstitution historique, il reste encore à aborder le principal point fort de ce roman : les personnages. Qu'ils soient chefs de guerre ou musiciennes, nobles dames ou chevaliers, femmes en détresse ou mercenaires accomplis, tous révèlent une complexité et une humanité qui ne pourra qu'aller droit au coeur du lecteur Chez Guy Gavriel Kay rien n'est jamais tout noir ou tout blanc : tous doutent, se trompent, tentent de se convaincre qu'ils ont fait les bons choix et surtout tous révèlent une force insoupçonnée quand vient le temps des épreuves. On l'a souligné plus tôt, les personnages féminins occupent une place de premier plan dans le drame qui se joue alors en Arbonne ce qui n'empêche pas l'auteur de proposer de très beaux portraits d'hommes. Il y a bien sûr Blaise, hanté par la défaite de son peuple et par le conflit qui l'oppose à sa famille. Il y a aussi Bertrand de Talair et Urté de Miraval, unis tant par la haine qu'ils se portent que par l'amour qu'ils éprouvaient pour la belle et défunte Aelis. Et puis il y a Cygne, dirigeante capable et sensible s'efforçant de faire le deuil de son amour, ou encore Lisseut, la troubadour au talent sur le point d'éclore. Et puis il y a tous ces personnages secondaires auxquels l'auteur parvient à donner une véritable consistance et pour lesquels on se prend aussitôt d'affection : le sage et fidèle Valéry, l'espiègle Rudel, les troubadours Rémy, Alain et Aurélien, le triste frère de Blaise... Autant de figures que l'on oublie pas.

Écrit en 1993, « La chanson d'Arbonne » est l'un des premiers romans de Guy Gavriel Kay et, à mon humble avis, l'un des meilleurs. Vibrant hommage à la beauté et la subtilité de la culture occitane du Moyen-age, l'ouvrage bouleverse par la profondeur de ses personnages et surtout par la qualité de la plume de l'auteur, capable de donner vie à des scènes d'une puissance à couper le souffle que le lecteur gardera en mémoire bien après sa lecture achevée.
Commenter  J’apprécie          254
Je poursuis ma découverte des romans de Fantasy historique de Guy Gavriel Kay grâce à notre LC commune avec Elhy et le Lutin. Et en ce mois de janvier, c'est La Chanson d'Arbonne qui était à l'honneur. Cette fois, point d'inspiration de l'Italie de la Renaissance ou de l'Espagne de la Reconquista, mais l'Occitanie des XIIème et XIIIème siècle. Et devinez quoi? J'ai adoré!

Un roman de Fantasy historique inspiré de l'Occitanie des XIIème et XIIIème siècle

Comme à son habitude, l'auteur canadien introduit une carte de l'univers de son roman au début de l'ouvrage pour que le lecteur puisse suivre les lieux principaux de l'intrigue.
L'Arbonne s'inspire de l'Occitanie ou du Pays d'Oc, un territoire auparavant situé dans le sud de la France et composé de la Provence, le Languedoc et l'Aquitaine. le nom d'Arbonne vient de son fleuve éponyme qui pourrait être rapproché du Rhône et d'un point de vue géographique et agricole, cette région se caractérise par un taux d'ensoleillement important, sa culture de la vigne et des olives. L'auteur mentionne également un arc construit par les Anciens sur les berges du lac Dierne, une référence évidente aux constructions romaines comme par exemple l'Arc de Glanum, situé près de St Rémy de Provence.
Une seconde carte en bas à droite, figurent l'Arbonne et ses voisins : ainsi, le Gorhaut pourrait être le royaume de France, le Gotzland pour le St Empire Romain Germanique, le Portezza pour l'Italie, l'Arimonda pour l'Al-Andalus et le Valensa pour l'Espagne.

Une intrigue toute en finesse

L'intrigue de la chanson d'Arbonne est divisée en quatre parties et se déroule sur un an. Comme d'habitude avec l'auteur, il est toujours un peu difficile d'appréhender immédiatement la trame principale du récit tant il donne corps à la construction de son univers, la description des us et coutumes des civilisations qu'il aborde et le développement des sous-intrigues qui s'imbriquent les unes dans les autres. le point négatif est la présence gênante de longueurs (pour ma part, j'ai trouvé la partie dite de « L'automne » un peu longue parfois). Mais ce serait oublier que Guy Gavriel Kay est un véritable orfèvre qui ne laisse rien au hasard, même le plus infime détail ou le moindre dialogue ont leur importance et participent à la construction minutieuse de son récit. Et le point d'orgue de l'intrigue se situe dans les cent dernières pages lorsque les évènements se précipitent au point qu'il est impossible pour le lecteur de lâcher le roman pour aboutir à un final épique et époustouflant.

Des personnages d'exception

Enfin comme dans Tigane et Les lions d'Al-Rassan, les personnages sont nombreux et représentatifs de la société dépeinte par Guy Gavriel Kay que ce soit au niveau du genre (hommes et femmes sont bien représentés) ou socialement (le lecteur côtoie autant les puissants que les gens plus modestes : du paysan, au soldat, au troubadour, prêtre, bourgeois, noble ou souverain).
– Ces personnages possèdent tous une certaine épaisseur qu'elle soit psychologique ou biographique et évoluent tout au long du récit. Par exemple, si Blaise possède beaucoup de préjugés vis à vis des hommes arbonnais au début (en gros, des faibles dominés par leur femme), il change d'avis par la suite au point d'éprouver à l'égard de Bertran de Talair ou d'Urté de Miraval, une certaine forme de respect.
– Ils sont également très attachants ce qui permet au lecteur de ressentir à leur égard de l'empathie notamment dans les situations dramatiques : je citerais par exemple la fuite de Rosala du royaume de Gorhaut (mention spéciale d'ailleurs au dialogue d'une intensité remarquable entre la jeune femme et son beau-père Galbert de Garsenc). Pour ma part, ma préférence allait vers le personnage de Cygne qui est d'un charisme fou et arrive à imposer son autorité aux deux ducs récalcitrants Bertran de Talair et Urté de Miraval.

En conclusion, lisez Guy Gavriel Kay si ce n'est pas déjà fait! S'il est vrai que je n'avais pas trop aimé Tigane mais eu un coup de coeur pour Les lions d'Al-Rassan, La Chanson d'Arbonne se situe au milieu des deux. Inspirée de l'Occitanie des XIIème et XIIIème siècle, l'intrigue finement ciselée, la profondeur de son univers et de ses personnages, les dialogues savoureux et la plume inspirée de l'auteur auront vite fait de vous embarquer. Pour ma part, ma prochaine incursion sera dans l'Empire byzantin avec la première partie parue chez l'Atalante : Voile vers Sarance.

Pour une chronique plus développée, rendez-vous sur mon blog :
Lien : https://labibliothequedaelin..
Commenter  J’apprécie          160
♫ Je m'en vais vous conter la Chanson d'Arbonne.
Célébrée sous Riannon la bleue, et la blanche Vidonne,
ses deux lunes qui, dans les cieux, se font la révérence,
quand vient de se coucher, l'éclatant soleil de Provence.
Le récit est, de la toute première ligne, à l'ultime mot posé,
empli des douces fragrances du sud, et subtilement chanté.

Imaginez d'abord le pays : la France d'un 13ème siècle revisité,
que l'auteur met ici à l'honneur, et de manière bien inspirée.
En une région semblable à celle de notre Occitanie médiévale,
il y peint un tableau à la gloire du charme provençal,
un temps où l'histoire savait se passer de vains discours,
préférant laisser la gloire aux élégants mots des troubadours.

Mais si vous croyez que dans les pages de ce récit,
on ne parle qu'amour courtois, musique, et poésie,
sachez que sur les terres sillonnées par les ménestrels,
s'enracinent aussi haines tenaces, et vieilles querelles.
Que ce soient dettes d'honneur, ou tristes deuils de coeur,
en Arbonne, les comptes se régleront à une certaine heure.

Pendant qu'au Nord, les guerriers du Gorhaut rêvent de conquête,
et que leur roi stupide, d'un prélat devient la marionnette,
dans la douceur du Sud, c'est derrière le son du luth,
que l'on écoute La Grande Prêtresse, pour anticiper la lutte.
Aveugle, sur son île de la Déesse, elle fait appel à ses visions,
et perçoit un homme, toujours au coeur de ses prédictions.

À la Cour d'Amour, ce sont les femmes qui usent de pouvoir,
elles savent manigancer, avec habilité, charme, et devoir.
Quand les hommes d'honneur et d'art, iront seuls contrer,
les hordes de ces barbares, venus allumer des bûchers,
Qui, de la déesse Rian, ou du sombre Corannos,
prélèvera le plus de sang dans cette bataille féroce ?

Et plutôt que de vous attarder sur cette insignifiante ritournelle,
C'est vers La Chanson d'Arbonne que doivent vous porter vos ailes ! ♫
Commenter  J’apprécie          155




Lecteurs (280) Voir plus



Quiz Voir plus

La fantasy pour les nuls

Tolkien, le seigneur des ....

anneaux
agneaux
mouches

9 questions
2519 lecteurs ont répondu
Thèmes : fantasy , sfff , heroic fantasyCréer un quiz sur ce livre

{* *}