Whouah. Voilà mon expression avoir terminé ce livre. le lecteur se retrouve plongé dans la région imaginaire de l'Arbonne, très similaire à notre chère Provence médiévale, l'auteur ayant pour habitude de replacer ses romans historiques dans des régions bien réelles et à différentes époques. L'Arbonne est le pays baigné de soleil, d'amour courtois, de chansons et de beauté, où les femmes règnent en maitresse sur la politique et sur les coeurs. Mais cette belle région riche en vignes et en oliviers est en proie à un conflit interne, entre les ducs Bertran de Talair et Urté de Miraval, à cause d'une très ancienne histoire d'amour qui a mal tourné et qui n'a pas fini de révéler tous ses secrets. Si la belle comtesse Cygne de Barbentain, maitresse de l'Arbonne, fera de son mieux pour régner sur son pays, elle ne pourra pas empêcher le Gorhaut, pays au nord de l'Arbonne et rival ancestral, de vouloir envahir cette si belle région, convoitant ses précieux ports et souhaitant anéantir cette cour dominée par des femmes.
J'ai beaucoup apprécié le fait que l'auteur oppose deux mondes radicalement différents, deux visions qui ne peuvent coexister en paix. En Arbonne, les femmes sont égales aux hommes, placées à des postes politiques et sociétaux clés. On y vénère Rian, belle déesse de l'amour, de la mort et de la vie. Au Nord toutefois, les femmes ne peuvent s'exprimer en public, elles ne sont même pas considérées et l'on y vénère Corannos, le dieu puissant de la guerre qui aime les hommes. Ces derniers tentant, forcément, de vouloir brûler ces femmes impies et machiavéliques qui peuplent l'Arbonne. Il est difficile de ne pas voir ici une critique claire de notre monde dominé par des hommes, souvent misogynes, et de toutes les répercussions que cela a aujourd'hui dans l'équilibre géopolitique....
Et des femmes parlons-en : ENFIN, des femmes fortes, libres et indépendantes dans un roman historique ! Sans tous les citer ici,
La Chanson d'Arbonne fait partie de ces très rares ouvrages dans lesquels plusieurs personnages féminins occupent la première place et sont véritablement bien écrits, ne servant pas simplement de « cadres » ou de « potiches » autour d'enjeux uniquement masculins. Et bon sang, qu'est-ce que ça fait du bien !
Néanmoins, nous suivons principalement l'histoire de Blaise, un coran – c-a-d un guerrier mercenaire bien entrainé, fidèle au dieu Corannos – venu du Gorhaut et qui va découvrir petit à petit l'histoire et les traditions de l'Arbonne, si éloignées de son pays natal. Alors qu'il parait assez « brutus », taciturne et froid dans les premières parties du roman, Blaise apparait finalement de plus en plus sensible, avec un coeur courageux et brave, fidèle et, il faut le dire, extrêmement attachant. Il en est de même pour tous les autres personnages de l'histoire. En effet, la richesse du roman est que l'auteur nous fait partager la vision de beaucoup d'autres protagonistes tels que Lisseut, la jolie ménestrel tête brûlée, Ariane la reine de la Cour d'Amour, le vaillant duc Bertran ou encore le duc gorhautien Ranald, fils du vilain prélat de Corannos... S'il est aisé de se perdre dans tous les noms énoncés, l'histoire suffisamment bien ficelée et le talent de l'auteur ne permettent pas d'égarer très longtemps le lecteur. Tant de personnalités et de caractères sert d'ailleurs pertinemment bien l'histoire et le fil des évènements, chacun ayant son rôle à jouer dans cette guerre.
Car il s'agit bien d'une guerre, voire de guerreS, dont il faut parler. D'abord entre deux personnages masculins aux coeurs brisés, jamais remis de l'histoire tragique les liants à la belle Aëlis de Miraval, héritière de l'Arbonne, pour qui leur coeur n'a jamais cessé de battre. Puis, et surtout, entre l'Arbonne et le Gorhaut, atroce pays nordique qui ne rêve que de conquête et d'anéantissement, de suprématie du dieu Corannos et de la répression de la condition féminine. Dans une interview,
Guy Gavriel Kay fait état de son inspiration ici entre les rivalités du Nord et du Sud de la France. Etant moi-même originaire du Sud, je ne peux que prendre le parti de l'Arbonne et cela me convient parfaitement ! Néanmoins, cette dualité tellement pugnace dans tout l'ouvrage met en exergue la cruauté, la méchanceté gratuite, la corruption et la trahison permanente des personnages gorhautiens. Jusqu'au tout dernier chapitre, le lecteur sera amené à détester (viscéralement pour ma part) ces êtres répugnants, dont la palme revient à Galbert de Garsenc, conseiller du roi Adémar du Gorhaut.
(Si ce n'est pas le cas pour vous, posez-vous des questions...)
L'histoire de ce roman se déroule sur une année entière, commençant par le printemps et finissant l'hiver. le rythme des saisons est aussi celui de l'histoire et des personnages, tantôt envoutant et suave, au coeur du festival de Tavernel, tantôt sanglant et froid, dans les cols séparant le Gorhaut de l'Arbonne. Cette scansion, maline, des 4 saisons convient parfaitement et trouve écho dans le rythme de lecture. le rythme est également accompagné par la musique. Car ce roman est une véritable ode à la musique médiévale, aux poètes, aux ménestrels et aux troubadours. Éminemment présente dans l'intégralité du roman, elle n'est jamais superflue et joue un rôle prépondérant dans le déroulé des évènements, tant par les paroles que par les personnages qui lui sont liés.
En conclusion:
Au final, ce livre est dingue. Certes, c'est un beau pavé, mais les 100 dernières pages sont incroyables et je n'ai pu détourné les yeux de la lecture, prise dans le rythme effréné des évènements. Il s'agit là de ma première lecture d'un roman de
Guy Gavriel Kay, mais nul doute que je lirai d'autres pavés de cet auteur canadien.
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