Citations sur Sourde, muette, aveugle (22)
- L'amour, n'est-ce pas cela ?
- L'amour, dit-elle, est quelque chose de subtil comme les nuages qui, tout à l'heure, voilaient la face éclatante du soleil.
Puis, en termes plus simples, car je ne pouvais comprendre ceux-là :
- Vous ne pouvez toucher les nuages, mais vous sentez la pluie et vous savez quelle est, après un jour de chaleur, son action bienfaisante sur les fleurs et la terre altérées. L'amour, non plus, vous ne sauriez le toucher ; mais vous sentez de quel charme il pénètre les choses. Sans l'amour vous ne connaîtriez pas la joie, vous ne prendriez au jeu aucun plaisir.
Ma tante m'improvisa une grosse poupée avec des chiffons. C'était la chose la plus comique et la plus informe qui se pût voir. Elle n'avait ni nez, ni bouche, ni yeux, ni oreilles, rien dont l'imagination, même d'un enfant, pût faire un visage. Chose assez curieuse, l'absence des yeux me frappa plus que toutes les autres imperfections mises ensemble.
En un mot, la littérature me donne de grandes joies. Dans ce domaine, je ne souffre d'aucune privation. La barrière des sens ne m'empêche plus de communiquer avec mes livres amis. Nous conversons sans timidité ni embarras. Tout ce que j'ai appris, tout ce qu'on m'a enseigné me semble néant en comparaison de leurs vastes pensées et de leurs célestes charités.
« Savoir, c'est pouvoir », dit-on. Et moi je dis : « Savoir, c'est être heureux », car posséder des connaissances étendues, profondes, c'est discerner le bien du mal avec certitude, les choses nobles des choses basses. Connaître la série des pensées et des faits qui ont marqué les étapes de l'humanité en marche, c'est aussi connaître et comprendre les pulsations de l'âme humaine à travers les âges. Si l'on ne sent pas alors les efforts prodigieux de l'humanité vers la perfection définitive, c'est qu'en vérité on est sourd aux harmonies de la vie.
Je me demande ce qu'il advient des occasions perdues. Peut-être notre ange gardien recueille-t-il celles que nous laissons échapper pour nous les rendre, quelque jour, quand nous serons devenus plus sages et que nous aurons appris la valeur du temps.
J’ai ce sentiment que nous portons en chacun de nous le pouvoir de comprendre les impressions et les émotions ressenties par l’humanité depuis l’origine des âges. J’imagine que chaque individu a une mémoire subconsciente du vert des champs, du murmure des eaux, et ni la cécité ni la surdité ne peuvent, je crois, le priver de cet héritage que lui ont transmis les générations du passé. Cette capacité atavique forme une sorte de sixième sens, qui permet de voir, d’entendre et de sentir tout à la fois.
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- Qu'est-ce qu'aimer ? demandai-je.
Elle m'attira tout près d'elle, et, posant la main sur mon cœur dont pour la première fois je sentais les battements, elle dit :
- Cela se passe ici. Ces mots m'embarrassèrent beaucoup, car je n'avais pas la notion des choses abstraites.
J'aurais peut-être tué la pauvre Mildred si ma mère n'était arrivée à temps pour la recevoir dans ses bras au moment de sa chute. C'est ainsi que cette sensation de solitude, dont ma double infirmité m'accablait, me rendait inapte à comprendre ces affections douces que font naître les mots tendres.
Assise à l'ombre délicieuse d'un tulipier sauvage, j'apprenais à penser qu'il ressort de toutes choses une leçon et une incitation à réfléchir. "La beauté des choses m'instruisait de leur raison d'être."
Peut-on nier, maintenant, que je sois accessible, en dépit de toutes mes imperfections physiques aux beautés du monde extérieur ? On trouve partout des merveilles, même dans les ténèbres et le silence et, si imparfait que soit mon état, je sais m'y plaire.