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Critique de Presence


Ce tome est le premier d'une nouvelle série, consacrée à un personnage ayant déjà fait quelques apparitions dans la série XO-Manowar, et membre du groupe de superhéros Unity. Il comprend les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2015, écrits par Matt Kindt, dessinés par Clay Mann, encrés par Seth Mann, avec une mise en couleurs d'Ulises Areola. Chaque épisode comprend 22 pages, et est complété par une histoire courte indépendante de 8 pages, également écrite par Kindt, dessinée et encrée par Butch Guice. L'épisode 4 est en majeure partie consacré aux origines de Roku, essentiellement dessiné par Juan José Ryp, avec l'aide Marguerite Sauvage. Il est possible de lire ce tome sans rien connaître de Ninjak.

Il y a une vingtaine d'années, un jeune garçon regarde un film de kung-fu avec un moine aveugle utilisant un bâton pour se défendre contre des samouraïs armés d'épée. Il mange du popcorn et à la fin de la séance, prend un taxi tout seul pour rentrer au Château King, sa résidence. Ses parents sont en voyage depuis plusieurs semaines, le jeune Colin King est sous la responsabilité d'un précepteur se prénommant Alain.

De nos jours, Colin King est un agent très spécial pour l'organisation gouvernementale secrète MI-6. Son nom de code est Ninjak. Il reçoit ses ordres de Neville Alcott. Sa mission : se faire passer pour un riche homme d'affaires s'appelant Henry Collins, et commander des armes à titre privé, auprès de Kannon, l'un des Shadow Seven, à la tête d'une entreprise spécialisée dans la vente d'armes de tout genre (Weaponeer). Pour cela il rencontre Kannon, et accepte les épreuves qu'il lui fait passer. Son objectif : découvrir l'identité des Shadow Seven, tout en déjouant la surveillance de Roku, la garde du corps de Kannon.

Dans un premier temps, le lecteur peut avoir des doutes quant à sa réelle envie de découvrir la version 2015 d'un personnage créé en 1993 (et resté dans les mémoires pour avoir été dessiné par Joe Quesada, alors jeune débutant). La couverture ne donne pas très envie, avec cet individu tenant une épée dans la main, criblé de flèches, revêtu d'un costume de ninja de pacotille. D'un autre côté, Matt Kindt est un auteur plutôt efficace, avec une bonne capacité d'innovation, et le prix de ce premier tome est très alléchant pour 5 épisodes de 22 pages, plus 5 histoires courtes de 8 pages.

Ayant cédé à la tentation, le lecteur commence par découvrir que chaque épisode débute par une page supplémentaire comprenant un dessin d'une des parties de l'armure de Ninjak, avec quelques spécifications techniques explicitant ses fonctions, ainsi que des observations extraites de la fiche personnelle établie par le MI-6 sur Colin King. le lecteur reconnaît bien là la patte perfectionniste du scénariste qui réalise un travail préparatoire conséquent pour la conception de la série. La scène d'introduction avec Colin King enfant ne paraît pas bien nécessaire au départ. Dans chaque épisode (sauf le 4 consacré à Roku), le scénariste inclut des retours dans le passé pour montrer les événements significatifs dans la construction de Colin King. le lecteur comprend alors que cette séance au cinéma avec un personnage évoquant celui de Zatoïchi sert à montrer l'origine de la fascination de Colin King pour les ninjas.

La suite du premier épisode est plus prometteuse puisque Ninjak est en pleine action dans une prison d'un genre particulier dans un endroit reculé en pleine forêt. Cette scène donne le ton du récit. Ninjak est un individu maîtrisant plusieurs formes d'arts martiaux, avec quelques gadgets (ceux de son costume, mais aussi un avion d'une forme particulière), avec une grande intelligence tactique. Sous réserve de ne pas être rétif au costume qui confère une dimension superhéros, le lecteur découvre alors un récit qui mélange espionnage, avec thriller, action, un soupçon d'arts martiaux et un autre d'anticipation. Colin King n'est pas James Bond, mais la filiation est bien présente.

L'action de ce premier tome s'avère singulièrement ramassée puisqu'elle ne couvre que cette unique mission de gagner la confiance de Kannon et d'infiltrer ses bureaux, ce qui implique pour Ninjak de se mesurer à Roku. le récit est étoffé par les retours dans le passé, ainsi que par l'épisode 4. Dérogeant à sa règle de premier tome en 4 épisodes, Valiant en inclut ici un cinquième dédié aux origines de Roku. Il y est question d'un maitre en arts martiaux, de son école aux rites d'initiation cruels, et du rite de passage final à la dimension spirituelle. La narration de Kindt n'est pas loin de la parodie involontaire, mais les dessins de Juan José Ryp donnent une singulière consistance à cette dame et à ses épreuves, ce qui sauve l'épisode du ridicule.

Pour les 4 épisodes consacrés à Ninjak, Matt Kindt dépasse les stéréotypes d'espionnage mâtiné de ninja, en montrant au lecteur comment Colin King élabore ses stratégies, en le faisant commenter en voix intérieure sur les capacités de ses opposants, et ses réactions en temps réel pour adapter son plan à leurs actions, et en concevant des scènes de combat physique spectaculaires. le dessinateur doit apporter son savoir-faire pour rendre ces séquences visuellement intéressantes, avec un niveau de crédibilité adapté à la nature du récit. Clay Mann privilégie le détourage des formes, avec des traits de contour fin et d'épaisseur uniforme. Ce choix de technique a pour conséquence de donner une apparence un peu éthérée aux personnages, pas forcément bienvenue dans le cadre d'un récit d'aventure. En outre, il semble avoir été fortement influencé par les dessinateurs des années 1990, en particulier Marc Silvestri.

Cette influence a plusieurs conséquences. Pour commencer, la pauvre Roku a une poitrine un peu surdimensionnée et elle est plus souvent cambrée, qu'à son tour. Il y a plusieurs gros plans sur les visages qui se veulent ténébreux et chargés de menaces implicites, sans être vraiment convaincants du fait de traits pas assez secs et de manque d'aplats de noir. On peut également regretter quelques pages sans arrière-plans, mais pas si nombreuses que ça. À l'opposé cette influence a pour effet bénéfique d'insuffler une grande vitalité aux séquences d'affrontement physique.

Bien que les personnages aient tendance à adopter des poses un peu trop artificielles pour être le plus photogéniques possible (comme s'ils se croyaient à l'intérieur d'un magazine de mode), ils disposent tous d'une morphologie spécifique, et portent souvent des tenues civiles, ce qui les éloignent d'une esthétique trop superhéros. D'épisode en épisode, le lecteur constate également que Clay Mann fait des efforts pour représenter régulièrement les décors, ce qui évite une impression d'uniformité d'une scène à l'autre, et ce qui donne plus de crédibilité aux affrontements qui sont conçus de manière à prendre en compte les spécificités du lieu dans lequel ils se déroulent. Clay Mann donne à voir les séquences imaginées par le scénariste, avec assez de consistance pour que les dessins racontent l'histoire sans la niveler par le bas. Par contre ils empruntent trop à l'esthétique des films de James Bond, jusqu'à ce que certaines images ressortent comme des clichés visuels.

Malgré un concept pas très enthousiasmant, Matt Kindt et Clay Mann font le nécessaire pour que ce mélange entre espionnage et ninja débouche sur un récit présentant assez d'originalité, et un personnage dont la voix intérieure permet de faire partager au lecteur son intelligence tactique. 4 étoiles.

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- Les histoires courtes en fin de chapitre forment une histoire continue, revenant sur les toutes premières missions de Colin King, encore espion débutant. Il commet l'erreur de s'attacher à son agent de liaison (prénommée Angelica) qui le lui rend bien. Les complications ne tardent pas à survenir.

Matt Kindt trouve le juste équilibre pour montrer les erreurs commises sur le terrain par ce jeune agent prometteur. Butch Guice retrouve sa manière de dessiner proche de celle de Steve Epting (comme sur les premiers épisodes de la série Captain America écrite par Ed Brubaker). Ses dessins sont moins polis que ceux d'Epting, un peu plus âpres, mais avec la même impression de réalité concrète, proche de la nôtre, en un peu plus noire.

Cette histoire en parallèle se lit toute seule (y compris celle de l'épisode 4 consacrée aux origines de Kannon). Elle est moins consistante que l'histoire principal, car plus courte, et un peu moins surprenante, car plus proche d'une trame classique. Elle est également plus agréable sur le plan visuel.
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