Ce tome est le premier d'une série qui compte 144 épisodes parus de 2003 à 2018. Il comprend les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2003, écrits par
Robert Kirkman, dessinés et encrés par Cory Walker, avec une mise en couleurs réalisée par
Bill Crabtree.
Le superhéros Invincible (Mark
Grayson) vole au-dessus de l'Antarctique avec des ses bras un individu qui a une bombe greffée sur le torse, dont le compte à rebours indique qu'elle va exploser dans 13 secondes. Invincible s'arrête en vol stationnaire et projette l'individu au loin. Il explose dans le ciel et la force du souffle projette Invincible dans la neige. Celle-ci amortit sa chute et il se relève indemne, tout en se disant s'il continue comme ça il va finir par faire une crise cardiaque. 4 mois auparavant, Deborah
Grayson tambourinait sur la porte des toilettes de la maison des
Grayson en intimant à son fils d'en sortir, au risque d'une crise cardiaque. Il indique qu'il était en train de lire un comics, et qu'il sort tout de suite, ce qu'il fait. Il va prendre son petit-déjeuner à la cuisine et demande à sa mère où se trouve son père. À la télé, les infos parlent d'un combat entre un monstre semblable à un dragon et Omini-Man. Mark indique qu'il sait maintenant où se trouve son père, et sa mère observe qu'elle n'est jamais allée à Taiwan.
À la fin de la journée de cours au lycée Reginald Vel Johnson High School, Mark
Grayson décline la proposition de William Cockwell de sortir le soir. En effet il doit travailler à l'établissement de restauration rapide Burger Mart. Pendant son service, il sort jeter les poubelles et lance le sac d'ordures vers le haut du caisson : le sac part à plusieurs centaines de mètres au loin. Enfin ! se dit Mark. le soir, au repas, sa mère lui demande comment s'est passée sa journée, mais son père arrive à table en coup de vent et commence à raconter sa propre journée. Finalement, Mark peut leur dire que ses superpouvoirs sont arrivés. le soir-même, il sort de sa chambre par la fenêtre, sur le toit de la véranda. Il se lance dans le vide, et effectivement, il se met à voler de manière autonome. le lendemain, il intervient pour arrêter 2 cambrioleurs de banque aidés par Titan (un supercriminel). Il est habillé d'un pantalon de survêtement, d'un sweater rouge, avec un foulard et des lunettes lui masquant une partie du visage. Son père arrive en civil, après la bataille. Il décide de l'emmener voir Arthur Rosebaum (Art), le tailleur fabriquant les costumes de superhéros.
Le premier épisode de la série Invincible est sorti avant le premier épisode de la série The Walking Dead qui n'a pas été un succès dès le départ. Depuis,
Robert Kirkman est devenu un scénariste mondialement connu dont les créations ont connu un succès planétaire. La série Invincible fait partie de ces réussites puisqu'elle a duré 15 ans et a été traduite en de nombreuses langues. Avec elle,
Kirkman se lance dans le genre surreprésenté aux États-Unis : celui des superhéros. Il faut une grande confiance en soi (et un peu d'inconscience) pour avoir la conviction de pouvoir créer un nouveau superhéros ex nihilo qui puisse percer et s'imposer dans un marché saturé et avec 2 éditeurs dominants (DC & Marvel) et leurs produits installés depuis plusieurs décennies. En outre, il faut réussir à proposer un produit qui sort de l'ordinaire, tout en respectant les conventions du genre. En découvrant la série, après sa fin, le lecteur sait que
Robert Kirkman & Cory Walker ont réussi ce pari, et il regarde donc aussi comment ils s'y sont pris. Ils commencent avec une séquence introductive de 3 pages montrant Invincible en action : le lecteur peut ainsi tout de suite voir ce nouveau superhéros, mais il n'apprend rien sur lui. Puis le récit revient en arrière : le jour où Mark
Grayson a découvert qu'il a des superpouvoirs, un peu comme un adolescent découvrant les signes de la puberté.
Effectivement,
Robert Kirkman met en scène les conventions attendues : la découverte des superpouvoirs, le plaisir immédiat et sans équivalent du vol autonome, le costume du superhéros, le choix du nom de superhéros, l'utilisation de la superforce contre le gros relou du lycée, les supercriminels, etc. Effectivement Cory Walker dessine en utilisant lui aussi les conventions des comics de superhéros, sur le plan graphique. Omni-Man, Invincible, Atom Eve ont des costumes moulants, avec une belle musculature pour les hommes, et les jambes à l'air d'Eve pour mieux les mettre en valeur. Les criminels se font taper dessus à gros coups de poing. Les personnages sont dessinés de manière simplifiée pour faciliter la rapidité de la lecture et pour tenir le rythme de production. de ce point de vue, le lecteur retrouve également les trucs et astuces pour dessiner plus vite : ne pas représenter les décors dans les fonds de case pendant les combats ou les discussions, utiliser régulièrement les gros plans et même les très gros plans sur les visages, diminuer le nombre de cases par page pour descendre régulièrement à 3 cases, utiliser des cases de la largeur de la page avec uniquement un visage de dessiné d'un côté ou au centre.
Le lecteur ne se formalise pas outre mesure de ces méthodes utilisées de manière quasi systématiques dans les comics de superhéros, d'autant que cela aboutit à une lecture facile et rapide, divertissante avec un investissement minimum. Dès la page 4, le lecteur remarque l'humour un peu basique de
Kirkman, avec Mark assis sur les toilettes et sa mère sous-entendant qu'il se livre à une autre forme d'activité solitaire. Il retrouve cette même fibre d'humour lorsque Mark découvre ses pouvoirs en manipulant un sac d'ordures, ou quand il doit se changer dans l'abri poubelle du lycée. Les dessins étant très propres sur eux, et les couleurs claires et lumineuses, il n'y a pas de connotation graveleuse ou dégradante, la narration visuelle se situant plus vers le domaine de l'enfance émerveillée que de l'adulte cynique. le lecteur commence à se rendre compte de la différence d'avec l'ordinaire des superhéros adolescents quand Mark annonce l'arrivée de ses superpouvoirs à table. Il n'y aura donc pas de jeu de cache-cache avec ses parents, pas de culpabilité à l'idée de leur mentir… et même pas d'angoisse de les mettre en danger vu que son père est aussi un superhéros. En prenant un peu de recul, le lecteur voit que le I de Invincible vient même compléter l'espace négatif du O de Omni-Man. Avec encore un peu plus de recul, il prend conscience que
Robert Kirkman a choisi un nom de superhéros qui reprend le I de Image Comics et que Cory Walker a fait en sorte que la barre jaune sur le torse d'Invincible soit complétée par un point formé par l'encolure du costume, Invincible devenant ainsi la mascotte officieuse aux couleurs de l'éditeur.
Il est possible que le lecteur ait été attiré par cette série de superhéros avec en tête l'attente d'une série facile à lire, directe et efficace. Effectivement, ça a l'air d'être l'objectif des auteurs. Mark
Grayson a besoin d'un costume : son père l'emmène voir un tailleur spécialisé dans les costumes de superhéros. Il a besoin d'un nom de superhéros : une discussion avec le proviseur lui fournit le mot parfait. Il serait plus simple qu'il ait des amis de son âge avec des superpouvoirs : une autre élève du lycée est une superhéroïne. Ses parents sont plus que compréhensifs : son père lui met le pied à l'étrier tout en lui faisant confiance, sa mère vit déjà avec un superhéros. En fait, Mark savait déjà que son corps acquerrait des superpouvoirs pendant son adolescence. Les dessins montrent bien cette facilité. Il suffit que Mark se jette depuis le toit pour qu'il vole sans effort. Il lui suffit de 2 coups de poing pour mettre à terre son premier supercriminel. Les plans de prise de vue sont simples, sans chercher à épater, et très parlants : en 4 cases, l'artiste sait montrer l'effort d'Invincible pour voler aussi vite que Omni-Man et le fait que celui-ci le sème quand même. Les visages sont expressifs, et le lecteur lit facilement l'état d'esprit de chaque personnage. Les dessins restent dans un registre tout public, sans s'attarder sur les blessures. Lorsque la bombe humaine explose en page 3, son cadavre n'est pas montré. Il faut attendre l'épisode 2 pour voir une goutte de sang quand Mark envoie un coup de poing bien senti dans le visage du supercriminel Mauler. Les dessins ne sont pas inoffensifs, mais ils ne se complaisent pas dans la violence graphique.
Le lecteur apprécie également l'affection que se portent les personnages. Il est visible que les parents de Mark l'aiment et sont attentifs à lui, sans pour autant l'étouffer de leurs attentions. le lecteur sourit en voyant comment Deborah
Grayson s'accommode des horaires très irréguliers de son mari du fait de son occupation de superhéros. Il ressent son inquiétude quand son mari est absent plusieurs jours durant. La relation entre Mark
Grayson et Samantha Eve Wilkins est simple et sans ambiguïté. Les supercriminels ont des motivations classiques, sans être des monstres sadiques. L'histoire réserve plusieurs surprises dont les origines de Nolan
Grayson, le père de Mark. Il y a d'autres moments humoristiques qui ne reposent pas sur les toilettes. le lecteur ressent pleinement le fait que les bases ainsi posées dans ces premiers épisodes contiennent la promesse de nombreuses aventures à venir. La narration visuelle remplit son office, sans fioriture, avec un niveau professionnel satisfaisant. 5 étoiles pour un démarrage très agréable, dans lequel le lecteur retrouve le plaisir qu'il associe à une histoire de superhéros sans prétention, mais pas sans originalité, une variation sympathique dans un genre pourtant surexploité.